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Perception, perspective, perspicacité

Perception, perspective, perspicacité

Publié le par Alexandre Gefen (Source : Françoise Buisson)

 

Appel à communications / Call for papers

Perception, Perspective, Perspicacité

Colloque organisé par le CRPHL (Centre de Recherches Poétiques et Histoire Littéraire – EA 3003) de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour les 8 et 9 mars 2013.

 

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Nous proposons d’explorer les notions de perception, perspective et perspicacité dans plusieurs domaines de recherche (linguistique, littérature, histoire des idées, philosophie, psychologie, esthétique). Leur préfixe commun « per-» traduit l’idée de percer, de pénétrer, d’aller au-delà, et ce par le truchement d’une perspective. Cette traversée des apparences et ce déchirement du voile nous renvoient à la possibilité de percevoir avec perspicacité, notion qui est si bien exprimée par le terme insight en anglais : « Si je voulais traduire exactement l’expérience perceptive, je devrais dire qu’on perçoit en moi et non pas que je perçois » (Maurice Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception). La perception n’est autre que la projection du sujet sur le monde, mais ce percevant n’a d’autre choix que celui d’être perçu. On peut aussi s’interroger sur le caractère incontournable de la perspective : en effet, la perception est-elle possible sans perspective et peut-on imaginer une approche totalement empirique réduisant le perçu à une donnée brute ? La perspective est-elle un écran ou un gage de perspicacité ? La perspective favorise ou obstrue la perception, qui met à contribution l’intellect aussi bien que les sens, tous les sens pouvant faire ici l’objet d’une étude dans les domaines mentionnés ci-dessus, y compris en musicologie.

D’un point de vue plus linguistique, peut se poser la question de l’emploi, du fonctionnement syntaxique et sémantique, de la polysémie des termes indiquant une perception ou une perspective sur le monde réel. On pense en particulier aux verbes de perception (look, hear, etc.) et aux verbes de jugement sur les apparences (seem, look, appear, etc.) qui régissent différents types de compléments : les constructions linguistiques seraient-elles l’image en discours de la perception effective ou d’une perspective adoptée sur le monde ? On pensera alors à la polysémie des verbes de perception, qui peuvent exprimer tout aussi bien une perception physique qu’une inférence fondée sur la perception, qui ne serait autre que l’expression de la perspicacité du percevant. On s’interrogera aussi sur la profusion de termes (verbaux et nominaux) exprimant perception et perspective, et sur la raison d’être de cette profusion. Cela conduit plus largement à se pencher sur la relation entre perception et langage, cognition et langage, qui sont intrinsèquement liés, ainsi que sur les rapports entre perception et catégorisation en langue et en discours, et sur l’iconicité du langage par exemple. Il sera aussi possible de prêter attention à la notion de « perspective » exprimée par des marqueurs grammaticaux, tels que les modaux ou les aspects, qui sont la trace linguistique de la manière dont le locuteur/l’énonciateur perçoit l’événement ou le processus.

Plus généralement, la perception étant dépendante de cette forme de médiation qu’est la perspective, on pourra s’inspirer des approches narratologiques et étudier, en particulier dans les oeuvres littéraires, non seulement la focalisation et la mise en scène des procédés scopiques, l’effet des récits spéculaires et des mises en abyme, mais aussi la représentation de la vie intérieure, qui est elle-même parfois introspective ou rétrospective. Autant de manières de voir en soi, de voir en l’autre, d’effeuiller les apparences ou de déjouer le trompe-l’oeil afin d’essayer de livrer parfois une vision totale, un panorama qui structurerait l’oeuvre : « rama est un élément discursif servant à dire l’élargissement du champ visuel des artistes et, à terme, de l’univers construit par leurs oeuvres » (Philippe Ortel,  La littérature à l’ère de la photographie). Si notre relation au réel est « médiée » par la perspective, une perspective de degré zéro existe-t-elle ? On pourra s’intéresser aux oeuvres dont la perspective apparaît, par exemple, genrée ou orientée par un point de vue politique ou idéologique (on peut citer le cas de la perspective écologique dans l’eco writing), point de vue parfois tellement univoque ou figé qu’il nuit à la perspicacité.

En effet, l’étude de la perspective, que l’on peut aussi appliquer au cinéma ou au théâtre, où elle oscille entre centre et obliquité, décentrement et recentrement, est étroitement liée à l’esthétique de la réception et à une réflexion sur les conditions possibles de la perception, entre aveuglement et éblouissement, entre vision minimaliste et vision maximaliste, entre le « on n’y voit rien » de Daniel Arasse et le « on y voit trop ». Le récepteur, qu’il soit spectateur-lecteur ou spectateur-viseur,  peut être alors confronté à la fausse transparence des représentations : le regard peut ainsi se heurter à la matérialité de corps photographiés dans leur nudité ; l’hyper-matérialité et l’opacité des personnages et des paysages font obstacle à l’oeil perçant ; l’autre est décrit comme un masque invisible. Que l’on soit auteur ou récepteur, comment peut-on être sûr de la perspicacité de son propre regard, à l’ère du soupçon et de la faillite du regard surplombant, où géocentrisme et anthropocentrisme sont devenus obsolètes ? Le récepteur se perd dans les égarements des narrateurs, des poètes ou des peintres ; les échecs de la perception sont eux-mêmes mis en abyme par le manque de perspicacité de certains personnages, ce qui soulève des problèmes à la fois éthiques et esthétiques. La perception du récepteur est tout aussi conditionnée par une perspective qui s’est forgée à partir de ses expériences précédentes et de ses connaissances des oeuvres, de l’intertexte, qui produit un horizon d’attente : « À ce premier stade de l’expérience esthétique, le processus psychique d’accueil d’un texte ne se réduit nullement à la succession contingente de simples impressions subjectives ; c’est une perception guidée, qui se déroule conformément à un schéma indicatif bien déterminé, un processus correspondant à des intentions et déclenché par des signaux que l’on peut découvrir, et même décrire en termes de linguistique textuelle » (H. R. Jauss, Pour une esthétique de la réception). 

Finalement, le rêve serait sans doute d’échapper à la tyrannie de la perspective, mais cela est-il possible ? En outre, pour percevoir, il faut du perceptible, et aller du perceptible au représentable : « Pour qu’il y ait de l’insight, il faut d’abord qu’il y ait du représentable » (André Green, La folie privée). Or l’imperceptible n’est-il pas parfois une évidence ?

 

Comité d’organisation

Françoise Buisson (francoise.buisson@univ-pau.fr)

Christelle Lacassain-Lagoin (christelle.lacassain-lagoin@univ-pau.fr)

Florence Marie-Laverrou (florence.marie-laverrou@univ-pau.fr)

 

Merci d’envoyer votre proposition de communication en français ou en anglais (300 mots) à chacun des trois membres du comité d’organisation  avant le 30 septembre 2012.

 

 

Perception, Perspective and Perspicacity

 

8-9 March 2013

 

This conference is organized by the CRPHL (Centre de Recherches Poétiques et Histoire Littéraire – EA 3003) at Pau University.

 

The purpose of the conference is to explore the ideas of perception, perspective, and perspicacity in several fields of research (linguistics, literature, history of ideas, philosophy, psychology, aesthetics). Their common prefix “per-” conveys the idea of piercing, of probing, of going beyond, which is accomplished by means of perspective. Seeing through appearances and tearing up the veil show our ability to perceive with perspicacity, which is beautifully conveyed by the English word “insight”: « Si je voulais traduire exactement l’expérience perceptive, je devrais dire qu’on perçoit en moi et non pas que je perçois » (Maurice Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception). Perception is nothing other than the subject’s projection onto the world but the perceiver also inevitably becomes the perceived object. One can also ponder over the inevitability of perspective as a form of mediation: can we really perceive without adopting a particular viewpoint? Is an entirely empirical approach, in which our perceptions are reduced to hard facts, actually imaginable? Is perspective a screen or does it guarantee insight? Perspective results in or obstructs perception, which appeals to the intellect as well as to the senses. In this conference, studies concerning any of the senses in one of the aforementioned fields of research (including musicology) are welcome.

      From a more linguistic point of view, authors may investigate the use and polysemy of words referring to a perception or a perspective onto the real world, as well as the way such words work both syntactically and semantically. Such studies may target, for example, perception verbs (look, hear, etc) or verbs expressing opinions on appearance (seem, look, etc) which govern different types of complements: can linguistic constructions be seen as the mirror image – within speech – of the perception of reality or of the speaker’s worldview? Moreover, it could be interesting to study the polysemy of perception verbs expressing both a physical perception and an inference based on that perception, which may very well be nothing other than the expression of the perceiver’s perspicacity. One might also reflect on the abundance of verbal and nominal words expressing perception and perspective, and the reasons for such abundance. In a more general sense, such reflections lead to the examination of the fundamental relation between language and both perception and cognition, of the links between perception and categorization in speech and language, and the iconicity of language. Linguists are thus given the opportunity to focus on the idea of “perspective” as expressed by grammatical markers such as modal verbs or grammatical aspects, the linguistic marks of the way the speaker/ the utterer perceives the event or the process.

      Given that perception depends on perspective as a form of mediation, narratological approaches may be brought to bear in order to study – in literary works for example – focalization, the display of scopic devices, the effects of mirror narratives/ mirrors in texts and mises en abyme as well as the representation of inner life, which can be introspective or retrospective. These strategies all constitute ways of seeing into oneself and into the other, of browsing through appearances or of outsmarting trompe-l’oeil so that a comprehensive view, a panorama, may emerge and structure the work: « rama est un élément discursif servant à dire l’élargissement du champ visuel des artistes et, à terme, de l’univers construit par leurs oeuvres » (Philippe Ortel, La littérature à l’ère de la photographie). If our relationship with reality is necessarily mediated, does a kind of perspective “degree zero” exist? Relevant studies could look into works whose perspective seems to be gendered or influenced by political or ideological points of view (such as the ecological viewpoint in eco writing); such viewpoints are sometimes so dogmatic and rigid that they can undermine perspicacity itself.

      Whether applied to literature, or cinema and theatre (where the eye is forced to follow direct or oblique lines, sometimes looking towards the centre and sometimes towards the margins), the study of perspective is closely linked with the aesthetics of reception and the reflection on the possible conditions of perception. This reflection hovers between blindness and bedazzlement, between a maximalist vision and a minimalist one, between “we see too many things” and Daniel Arasse’s “we can’t see anything”. The receiver, whether he/she is only a reader or led to play the role of the focalizer, is likely to be confronted with the fallacious transparency of representations: for example, the eye can come up against the materiality of bodies photographed in the nude; the sharp eye cannot see through the hyper-materiality and opacity of characters and landscapes; the other is described as if he were an invisible mask. To what extent can the author or the receiver be sure of the reliability of his/her own point of view, in an era of suspicion, when the omniscient eye has lost its power, and when geocentrism and anthropocentrism have become obsolete? The receiver becomes mired in narrators’, poets’ or painters’ wanderings; the failures of perception are mirrored by the characters’ lack of insight, which raises both ethical and aesthetic problems. Moreover, the receiver’s perception depends on a perspective shaped by his/her previous experiences and his/her knowledge of the intertext, which produces “horizons of expectations”: « À ce premier stade de l’expérience esthétique, le processus psychique d’accueil d’un texte ne se réduit nullement à la succession contingente de simples impressions subjectives ; c’est une perception guidée, qui se déroule conformément à un schéma indicatif bien déterminé, un processus correspondant à des intentions et déclenché par des signaux que l’on peut découvrir, et même décrire en termes de linguistique textuelle » (H. R. Jauss, Pour une esthétique de la réception).

In the end, one can certainly dream of escaping the tyranny of perspective, but is it even possible? Furthermore, to be perceived, things have to be perceptible, and then representable: « Pour qu’il y ait de l’insight, il faut d’abord qu’il y ait du représentable » (André Green, La folie privée). Yet is not the imperceptible sometimes patently obvious?

 

Organizing committee

Françoise Buisson (francoise.buisson@univ-pau.fr)

Christelle Lacassain-Lagoin (christelle.lacassain-lagoin@univ-pau.fr)

Florence Marie-Laverrou (florence.marie-laverrou@univ-pau.fr).

 

 

Proposals in English or in French (300 words) should be sent by e-mail to each of the three members of the organizing committee by September 30, 2012.