Essai
Nouvelle parution
Paul Valéry-André Fontainas Correspondance

Paul Valéry-André Fontainas Correspondance

Publié le par Nathalie Fortin

Anna Lo Guidice et Leonardo Clerici, Paul Valéry André Fontainas. Correspondance 1893-1945. Narcisse au monument, Paris, Le Félin, 2002.

Présentation de léditeur
Edition établie par Anna Lo Guidice et Leonardo Clerici. Cette correspondance entre Paul Valéry et André Fontainas se compose de 319 missives, dont 214 de Valéry, 104 de Fontainas, et une de madame Jeannine Valéry. Elle est totalement inédite, exception faite de quatre lettres de Valéry à Fontainas, éditées par Gallimard en 1957 : "Paul Valéry : Lettres à quelqu'uns". L'échange entre les deux épistoliers est très assidu, surtout jusqu'en 1900. Les missives valéryennes sont beaucoup plus nombreuses, ce qui donne à penser qu'une partie de la correspondance de Fontainas a été égarée par le destinataire.

Pendant cette fin de siècle, Paul Valéry poursuit ses études de droit à la faculté de Montpellier. En 1888, il a déjà écrit dix-neuf poèmes et un "Conte de nuit". Bien que né à Bruxelles, André Fontainas est né français. Au lycée Fontanes, il a pour camarades Stuart Merrill, Mikaël Ephraïm et René Ghil ; leur professeur d'anglais est Stéphane Mallarmé.

Quatrième de couverture
La correspondance entre Paul Valéry (1871-1945) et André Fontainas (1865-1948) est une amitié à l'ombre de ce grand monument mallarméen dont la morale et la fidélité demeurent idéales, filiales, fraternelles entre le désir de témoigner de luvre du grand maître et celui de défendre son oeuvre. Valéry et Fontainas choisissent des stratégies différentes. D'une part le Mercure de France devient le dernier rempart de la littérature honnête, d'autre part, Valéry entreprend cette lutte étrange entre luvre et son critique, une reprise ou transmutation de toute la langue française sur le modèle racinien et cartésien.

C'est l'accès à l'Académie française en 1927 par Valéry qui marque l'intérêt de cette correspondance, c'est-à-dire un Valéry public qui se sent assassiné ou menacé par un auteur dont il reconnaît mal ou trop bien la vraie nature. C'est à ce moment d'officialisation, de mort ou assassinat, que le rêve ancien de la perfection de Narcisse, Études pour Narcisse, va marquer ce gouffre poétique, optique, littéraire, cubiste, dont Fontainas suivra avec passion fraternelle l'événement.

L'Entrée au Monument de ce Narcisse au monument devient ici, par le projet de l'Istituto di Skriptura, ce monde d'échos, voyelles, mises en valeur par une orchestration en forme de glose et de renvois permettant d'établir les analogies profondes qui tiennent luvre poétique et critique de Valéry et Fontainas : le continent inépuisable du mythe de Narcisse, qui prend la parole traversant toute la langue française et ses racines théologiques implicites jusqu'à la Tour d'ivoire symboliste.

Parmi les documents rares et anthologiques présentés et repérés, il y a la revue Commerce qui touche les secrets de l'art poétique de Breton, la notion de fart critique de Jean Paulhan, la structure des fragments d'Edgar Poe annotés par Valéry, les notations autour du sonnet et de son mystère archaïque, la retrouvaille du texte perdu de la Chronique Théâtrale publiée dans Le Temps en 1913 ; feuilleton qui déclencha le principe tragique et infini de La Jeune Parque de Valéry, ce feuilleton banal qui avait ému Valéry et Pierre Louÿs...

L'enfer lyrique, le motif classique autour de Narcisse, cimentent cette correspondance désespérée, violente, adorable crispée par l'eau tremblante de la pauvre vie moderne. - L.C.