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Parcours en regard. Passeurs, alliés et transfuges à l'époque coloniale

Parcours en regard. Passeurs, alliés et transfuges à l'époque coloniale

Publié le par Marc Escola (Source : Guillaume Bridet)

Colloque de la Société Internationale d’Étude des Littératures de l’Ère Coloniale

(SIELEC)

 

PARCOURS EN REGARD :

PASSEURS, ALLIÉS ET TRANSFUGES À L’ÉPOQUE COLONIALE

 

 

Lieu : Université de Bourgogne

Date : 9, 10 et 11 juin 2016

Organisateurs : Guillaume Bridet (université de Bourgogne/CPTC) et Jean-François Durand (université de Montpellier 3/RIRRA21)

 

 

Après le temps de la colonisation elle-même, lors duquel la plupart des écrivains et des intellectuels issus des puissances coloniales se livraient à son apologie à des fins de légitimation et de propagande et mettaient en avant la restauration de l’ordre public, la mise en valeur économique et le respect d’une saine morale, les propos se firent plus contrastés. Certains avaient déjà auparavant formulé des critiques, mais le temps qui suivit la décolonisation fut un temps de révision historique plus large qu’encouragea ultérieurement le développement des études postcoloniales : on insista sur la cruauté à laquelle donna lieu la conquête militaire, sur la privation de droits politiques à laquelle furent soumis les peuples colonisés, sur l’exploitation économique et le pillage des ressources naturelles dont ils furent les victimes ou encore sur le mépris dans lequel étaient tenues leurs cultures. Plus récemment encore, en contrepoint des antagonismes bien réels et des processus de domination à l’œuvre dans les colonies, des historiens ont montré que se développèrent également d’autres relations entre colonisés et colonisateurs qui donnèrent lieu, non seulement à des échanges culturels, mais également à l’apparition d’une culture coloniale spécifique dans les colonies aussi bien que dans les territoires métropolitains.

C’est dans le cadre de l’étude des échanges culturels entre colonisés et colonisateurs que s’inscrit ce colloque animé du souci d’une prise en compte la plus large possible des processus à l’œuvre.

On reviendra ainsi bien entendu sur le phénomène d’acculturation, qui conduisit un certain nombre de peuples et / ou d’individus colonisés à assimiler les valeurs culturelles portées par les colonisateurs, mais on s’intéressera également au rebours à la manière dont certains ressortissants des puissances coloniales ont pu se tourner d’une manière ou d’une autre et à des degrés divers vers les cultures colonisées. Comment les uns et les autres procédèrent-ils, selon le contexte historique, géographique et social qui était le leur, et comment la façon dont ils procédèrent contribua à transformer ce contexte ? On évoquera tout particulièrement des parcours singuliers d’individus ayant contribué à ces processus d’échange culturel : interprètes, traducteurs, voyageurs, journalistes, espions, enseignants, savants, élèves de l’école coloniale, étudiants venus suivre un cursus en métropole, écrivains, érudits, acteurs à titre privé ou membres de l’administration coloniale, en s’efforçant à chaque fois de reconstituer les contextes et d’indiquer la variété et la complexité des pratiques à l’œuvre. Ce sont de véritables nuanciers que nous aimerions dessiner et mettre en regard. Du côté des colonisés, ce nuancier irait de l’acculturation pure et simple et revendiquée comme telle au nom du progrès et de la modernité au refus de toute forme d’influences étrangères au nom de traditions à préserver. Du côté des ressortissants de la puissance coloniale, métropolitains ou coloniaux, il irait de la reprise sans nuance des clichés véhiculés par la littérature coloniale conduisant à récuser toute influence néfaste de cultures considérées comme inférieures et dénaturant la civilisation occidentale à la découverte authentique des textes ou de la culture de l’autre jusqu’à son adoption totale ou partielle. Ce nuancier n’éviterait pas non plus de considérer les zones grises. Il reviendrait ainsi sur la contradiction entre déclaration assimilationniste et volonté de préserver des différences justifiant la domination, et il considérerait aussi, par exemple, des figures d’espions, de truchements convertis ou d’administrateurs coloniaux humanistes, qui interrogent l’élaboration, les usages et le statut des savoirs coloniaux ou élaborés durant l’ère colonial.

Trois figures retiendront plus particulièrement l’attention : celle du passeur, qui fait connaître les cultures les unes aux autres et dont la curiosité peut être motivée par l’idéalisme aussi bien qu’activée à des fins utilitaires ; celle de l’allié, qui prend fait et cause pour la culture de l’autre au nom de sa défense ou de sa grandeur au point de passer parfois à l’ennemi en temps de guerre ; celle enfin du transfuge, qui fait sienne la culture de l’autre (figure du nègre blanc, du décivilisé, etc.), avec tout ce que ce mot porte de charge critique d’un point de vue social (le transfuge est associé dans l’imaginaire collectif à l’espion et au traître) et tout ce qu’il laisse entendre de souffrance intime sous le signe de la double étrangeté (en rupture avec sa culture d’origine, il n’est pas toujours entièrement chez soi dans sa nouvelle culture).

Dans le sillage des travaux récents sur les notions d’histoire croisée, d’histoire transnationale ou d’histoire connectée, c’est finalement à l’écriture d’une autre histoire des peuples, des nations et des empires, mais aussi d’une autre histoire littéraire et intellectuelle, que voudrait contribuer ce colloque : histoire qui raviverait la tradition trop souvent oubliée de l’anticolonialisme, de l’internationalisme et du cosmopolitisme ; histoire qui prendrait en compte les métissages culturels aussi bien que les résistances qu’ils suscitent ; histoire à géométrie variable, à échelle variable, qui chercherait moins à articuler le local et le global qu’à faire varier la focale pour saisir des configurations singulières entre les métropoles et les colonies, d’une métropole impériale à l’autre, d’une colonie à l’autre, qu’elles relèvent ou pas du même empire, entre les villes et les campagnes colonisées, de villes à villes, etc. On se tournera ainsi avec une particulière attention vers des figures historiques de passeurs, d’alliés et de transfuges, mais également vers leur présence dans les textes littéraires, ainsi que dans les différents récits historiques qui les prennent en chargent ou qui les passent sous silence : récits de l’historie nationale, mais aussi de l’histoire littéraire, et encore de l’histoire des religions, des arts, des langues, etc.

 

Les propositions de communication (un titre accompagné d’un résumé de quelques lignes) pour ce congrès de la SIELEC sont à adresser au plus tard le 30 juin 2015 à Guillaume Bridet (g.bridet@free.fr) et à Jean-François Durand (roq.durand@wanadoo.fr).