Édition
Nouvelle parution
P.-N. Chantreau, Dictionnaire national et anecdoctique (1790)

P.-N. Chantreau, Dictionnaire national et anecdoctique (1790)

Publié le par Sophie Rabau (Source : Christine Jacquet-Pfau)

Pierre-Nicolas CHANTREAU

Dictionnaire national et anecdotique (1790), présenté et annoté par Agnès Steuckardt,

Limoges: Lambert-Lucas, 2008, 221 p.

coll. "La Lexicothèque"

  • ISBN 978-2-915806-78-6
  • 30 euros

La Révolution a-t-elle changé la langue française ? Oui, répond Garat en 1798, dans la cinquième édition du Dictionnaire de l'Académie. Non, répondent, en 1832-1835, les Académiciens installés par la Restauration, pour qui « les choses humaines ne marchent pas ainsi ». Le débat a d'abord été orienté par les points de vue politiques, et les linguistes en ont gardé quelque réticence à se prononcer. On propose de s'en rapporter au témoignage d'un grammairien qui a vécu l'événement, Pierre-Nicolas Chantreau.

Il raconte : « Je fus vivement frappé de voir notre Langue s'enrichir chaque jour d'une foule de mots qui caractérisent un peuple libre. Je m'écriai : je suis libre aussi, moi ! ». Estimant que « l'homme de lettres doit servir l'État dans son cabinet », il publie dès 1790 un dictionnaire qu'il souhaite voir « devenir le manuel des politiques », mais dédie aux « représentans de la Commune de Ris ». Émule de Voltaire, il ne résiste pas au plaisir de changer l'abbé Mauri en bonze Urima ni de détourner ses articles pour nous informer – par exemple – que « lanterner, verbe actif », « n'est en usage que dans le haut style ». Entre lexicographie et satire, il retient et commente plus de trois cents mots, nous offrant, du lexique révolutionnaire, la première analyse d'envergure.

Le Dictionnaire national et anecdotique présente quelques signes nouveaux (bureaucratie, contre-révolution, guillotine, lèse-nation, sous-amendement…), mais ce qu'il décrit de plus intéressant pour nous, c'est la transformation des signes anciens par le changement de la référence. Ainsi lira-t-on à l'article Abus : « Il n'est point de mot auquel la révolution ait fait subir de plus étrange métamorphose ; et ce que les François libres appellent aujourd'hui abus, l'ancien régime le nommoit droit. C'étoit un droit, par exemple, de ne rien payer à l'état parce qu'on portoit une jaquette ». Presque rien n'a changé dans la langue française, et pourtant tout est différent.

Agnès Steuckardt est maître de conférences à l'Université de Provence. Ancienne élève de l'ENS Fontenay - Saint-Cloud, agrégée de lettres classiques, elle a édité des ouvrages de linguistique sur la norme et la glose. Auteure d'une thèse sur Marat, elle a publié une étude sur André Chénier et plusieurs monographies sur le lexique de la Révolution.

Ouvrage publié avec le concours de l'Université de Provence - Aix-Marseille I