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Appels à contributions
Le sujet digital : in-scription, ex-scription, télé-scription

Le sujet digital : in-scription, ex-scription, télé-scription

Publié le par Perrine Coudurier (Source : université Paris 8)

Colloque international

Le sujet digital : in-scription, ex-scription, télé-scription

Université Paris 8 Vincennes Saint Denis - Archives Nationales

18 novembre - 21 novembre 2013

 

Organisateurs :
Pierre Cassou-Noguès (Département de philosophie, LLCP, SPHERE)
Claire Larsonneur (Département d’études des pays anglophones, Le Texte Étranger, EA1569)
Arnaud Regnauld (Département d’études des pays anglophones, CRLC, EA1569)

 

Ce colloque s'inscrit dans un projet pluri-annuel Labex Arts H2H “le sujet digital” (http://www.labex-arts-h2h.fr/), dont il est le deuxième moment après le colloque Hypermnésie en 2012. Il s'agit d'explorer comment le développement réel ou imaginaire des machines numériques, de Babbage à Internet, modifie la conception du sujet et ses représentations, dans son statut comme dans ses attributs. Pluridisciplinaire, ce projet accueille des contributions des champs suivants : philosophie, littérature, archivistique, arts, histoire des sciences et techniques, neurosciences.


Les langues utilisées seront le français et l'anglais. Les contributions peuvent être proposées dans l'une ou l'autre langue, en moins de 3000 signes, accompagnées d'une brève présentation biographique de l'auteur.

Merci d’envoyer vos propositions via EasyChair : https://www.easychair.org/conferences/?conf=digitalsubject2013

N’oubliez pas de télécharger le document au format PDF.

 

Pour tout autre renseignement, merci de nous contacter à l’adresse suivante: scriptions@univ-paris8.fr
Date limite de soumission des contributions : 15 septembre 2013
Réponse : 1er octobre 2013

 

Conférence d’ouverture de Mark Amerika le 18 novembre, 20h-22h30, Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique

Conférences plénières de Jean-Luc Nancy, Bertrand Gervais (UQÀM, Montréal), Wendy Chun (Brown University), Laurent Cohen (Salpêtrière INSERM).

 

Texte de l'appel :

 

Comment le numérique recompose-t-il l’acte d’écriture, dans sa triple acception de production d’objet, de façonnement du sens et d’avènement du sujet ? Nous souhaitons explorer ce champ de recherche en mobilisant des points de vue aussi divers que la philosophie, les lettres, les neurosciences, l'archivistique.

  Le numérique déplace l’écriture, qui se trouve abstraite de son support initial, le papier disons, et développée sur un autre médium, un écran, un réseau d'écrans. Loin d’être dématérialisé, le geste d’écrire garde une matière, un corps pour ainsi dire. Il reste des contraintes à laquelle l'écriture est soumise, mais ce ne sont plus celles qui réglaient l'écriture d'avant. Et ce déplacement, qui suppose dans bien des cas une transcription (par duplication numérique ou réencodage), va bien au delà de celle-ci. Il ouvre la voie à ce que l’on pourrait nommer télé-scription, écriture à distance au travers d'un objet technique qui ouvre entre le corps et l'écrit une dimension irréductible et projette l'écrit dans un médium dont les règles sont autres. Introduisant une médiation supplémentaire, contredisant une fois de plus le mythe du rapport immédiat du sujet au sens.

  « L’excription passe par l’écriture — et certainement pas par des extases de la chair ou du sens. Il faut donc écrire, depuis ce corps que nous n’avons pas, et que nous ne sommes pas non plus : mais où l’être est excrit — Si j’écris, cette main étrangère est déjà glissée dans ma main qui écrit », notait Jean-Luc Nancy dans Corpus. L'écriture excrit. Elle possède un autre bord. Il y a des états de choses que l'on décrit mais un autre bord aussi où s'indique le sujet, le corps technique qui écrit. La télé-scription, dans le numérique, peut-elle être considérée comme une forme d'excription, d'espacement pour reprendre les termes de Jean-Luc Nancy et de Jacques Derrida ? Ou bien par les modifications qu'elle implique dans la temporalité notamment de l'écriture faut-il la poser à part et y voir un phénomène nouveau, transformant radicalement les relations entre les termes en question : écrit, corps, sujet, technique.

  Nous ne faisons que commencer à appréhender l’étendue des effets de ces nouvelles façons d’écrire. Prenons l'effacement possible des repentirs, ratures et hésitations, tout le travail de la reprise de l’énoncé qui introduit une instabilité des marques et des traces sans comparaison avec le papier : comment cette labilité du sens affecte-t-elle le rapport du sujet à l'empreinte qu’il laisse, au sens qu’il construit, à la définition de soi qu’il en déduit ? Le numérique recompose aussi en profondeur la distinction entre l'original et la copie : une fois numérisée, la trace inscrite (par exemple un manuscrit) peut être démultipliée par le jeu des fac-similés, mais aussi augmentée par un appareil d'annotations et d'étiquettes et mise en réseau. Plus exactement l'inscription s'ouvre à un processus de réencodage, des transpositions, d'ajouts et de catégorisation qui ne met plus en jeu un seul auteur mais une nébuleuse d'interventions humaines et machiniques à des titres divers. Que dire enfin de la signature, cette marque personnelle emblématique désormais interfacée, labile, reproductible à l’infini ? Passer de la graphie intime, choisie à des formes de signatures électroniques réduites à des séquences encodées, parfois prises en charge automatiquement, parfois déléguées, parfois suscitées à l’insu du signataire, n’est pas anodin. Pour le dire autrement, quid d’un sujet devenu avatar grâce aux nouvelles technologies de l’image de soi ? Quelle nouvelle configuration des rapports entre l'individu et les institutions (la librairie, l'archive, l'université) instaurent-elles ? Qu’advient-il du sujet juridique atomisé, encodé sous formes de données binaires dans le cloud, dans des archives accessibles au public selon des échelles variables, notamment en fonction des pays ?

  Téléscription donc dans la littérature, dans l'art, dans toutes sortes de pratiques quotidiennes (plus que quotidiennes, le courrier électronique par exemple). La téléscription sans doute, a une histoire. D'où vient-elle ? Pourquoi et comment s'est-elle développée ? À quoi sert-elle ? Et, surtout, que vient-elle changer (si elle change quoi que ce soit) dans le rapport du sujet, du corps, à l'écrit ?

  Inscription enfin. Ou réinscription. En même temps que l'écriture se transporte ainsi à l'écran, un autre mouvement illustré par les neurosciences réassigne le sujet à son corps (forcément) signifiant, et à son cerveau en particulier, qu’il s’agit de rendre lisible.  Un certain nombre d'expériences récentes en neuroscience s'attaquent à l'imagination ou, disons, à la capacité humaine à élaborer des fictions, qu'il s'agisse de saisir nos rêves, un discours intérieur déconnecté de la réalité, ou de détecter nos mensonges ou, plus largement, d'élaborer (un but encore idéal) un lecteur du cerveau, capable d'afficher à l'écran les images qui nous passeraient par la tête. La réalité de la personne, ses intentions, les images qu'elle entretient, ses biais, ceux-là qu'elle peut ignorer, se trouverait inscrite dans son cerveau, en des caractères obscurs mais néanmoins lisibles par la machine, hors de portée du sujet. Que se joue-t'il donc entre les neurosciences et la fiction ? Ne faudrait-il pas finalement procéder à l'inverse et tenter d'éclairer les neurosciences par la fiction ? Il est possible en effet de chercher dans la fiction, la littérature, le cinéma ainsi que des expériences de pensée en philosophie, bien antérieures au neurosciences, toute une série d'antécédents à cette idée d'une capture de la vie mentale dans le corps du sujet (son cerveau, son larynx dont les mouvements exprimeraient une voix intérieure, etc.) ou d'étudier dans ces mêmes fictions l'élaboration d'une identification de la personne à son cerveau qui sous-tendrait alors les neurosciences. Comment comprendre cette ré-inscription concomitante à la téléscription contemporaine ?

 

Mots clefs : sujet, cerveau, esprit, nouvelles technologies, écriture, signature, annotation, imagerie.