Essai
Nouvelle parution
P. Anderson, Les Origines de la postmodernité

P. Anderson, Les Origines de la postmodernité

Publié le par Laurent Zimmermann

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Perry Anderson

Les Origines de lapostmodernité

Traduction de Natacha Filippi etde Nicolas Vieillescazes

Les Prairies ordinaires

Coll. Penser / Croiser

185 p.

ISBN : 978-2-350-96018-0

18 euros

   Présentation de l'éditeur :

   La notion de postmodernisme n'a jamais véritablementfait irruption dans le débat théorique français.

   Après l'acte fondateur lyotardien, et en grande partieà cause de lui, elle n'a plus guère servi que de simple marqueur culturel : uneoeuvre, un édifice, un motif théorique se sont ainsi vu qualifiés de « postmodernes »,pour vanter, ou au contraire stigmatiser, leurs attributs formels ou leurpropension au « relativisme ». Et la fin des « grands récits »est devenue la formule magique censée exprimer la vérité de notre temps.

   Pour mettre enfin un terme à ces usages stériles, Les Origines de la postmodernité retracel'histoire de cette notion, depuis les milieux de l'avant-garde littéraire de l'Amériquehispanique dans les années 1920, jusqu'aux courants post-marxistes européens,avec Lyotard à Montréal en 1979, puis Habermas à Francfort en 1980. En 1982, àNew York, Fredric Jameson lui fait subir une mutation fondamentale : désormais,le postmodernisme désignera l'hypothèse d'une rupture épochale.

   Selon Perry Anderson, Jameson est ainsi celui qui a sumontrer la cohérence globale de notre époque globalisée, dont lacaractéristique majeure tient, selon lui, à la subordination tendancielle de laculture à la logique d'accumulation du capital. La sphère esthétique, parlaquelle s'appréhende le monde, est ainsi, selon Jameson, massivement coloniséeet aujourd'hui incapable de trouver l'espace dans lequel continuer d'exprimerune transgression ou de tendre vers une alternative.

   Le postmodernisme, tel que le présente dans ce livrePerry Anderson, confine au système parfait, un système en mesure d'intégrer àla logique de sa perpétuation ses propres « dysfonctionnements ».

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Dans Le Monde des livres du 30/4/10, on pouvait lire cet article de N. Weil:

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"Les Origines de la postmodernité", de Perry Anderson LE MONDE | 29.04.10 |

Rien n'est plus répandu que l'adjectif "postmoderne" pour qualifier la civilisation et l'esthétique de l'époque qui est la nôtre. Il désigne une rupture avec les modèles d'après-guerre dominés par un Etat-providence avec ses avant-gardes culturelles imaginant l'avenir. Par contraste, la postmodernité se caractérise par l'universalisation de la flexibilité, l'uniformisation et l'absence d'alternative intellectuelle à l'idéologie néolibérale, surtout depuis la chute du communisme.

 

35326566343963613461326136336430 Ce petit livre de 1998 (pour la version originale) a le mérite de contribuer à éclaircir encore cette notion courante mais imprécise. Perry Anderson, historien de gauche qui enseigne à l'université de Californie (Los Angeles), avait d'abord conçu ce texte comme une préface destinée à présenter le marxiste américain Fredric Jameson. L'oeuvre de ce théoricien du postmodernisme commence à peine à être traduite et commentée en France, et cette introduction vient à point nommé.

 

Premier constat : alors que la "modernité" se resserrait autour des valeurs occidentales, la postmodernité a une extension planétaire. Il n'est pas fortuit que le terme même de "postmodernisme" soit apparu en 1934 sous la plume d'un écrivain espagnol mort à Porto Rico, Federico de Onis (1885-1966). Il qualifiait alors un reflux conservateur dans les lettres et la poésie hispanique. Revenu vers Paris, le mot sera brandi par le philosophe Jean-François Lyotard pour signaler l'effondrement des "grands récits" (La Condition postmoderne, Minuit, 1979).

Le postmodernisme se réduit au pur et simple relativisme. Il sera considéré comme tel, et dénoncé comme renonciation à l'idéal des Lumières par le philosophe allemand Jürgen Habermas. Dans l'architecture contemporaine, la tendance postmoderne équivaut à la réhabilitation de l'ornement aux dépens des surfaces planes et des matériaux nus du "brutalisme". Mais c'est chez Fredric Jameson, dans les années 1980, que la postmodernité devient "la logique culturelle du capitalisme tardif", c'est-à-dire le système même de notre monde.

Perry Anderson a ce talent des historiens d'outre-Atlantique qui consiste à savoir écrire une histoire du très contemporain. Le reflux des sursauts révolutionnaires autour de mai 68 - qu'il avait déploré dans La Pensée tiède (Seuil, 2005) -, la conquête du tiers-monde par le capitalisme, constituent ainsi pour lui autant de repères temporels du postmodernisme en marche. Mais il est d'autres moments charnières. Le passage à la télévision en couleurs au tournant des années 1960-1970 en est un, technologique. Alors que la machine provoquait chez les modernistes "jubilation" (les futuristes italiens) ou "effroi", (Les Temps modernes, de Chaplin), l'écran télévisé puis l'écran d'ordinateur vont achever de mettre le monde "sous l'emprise d'une (...) machine à émotion perpétuelle, transmettant des discours idéologiques au sens fort du terme".

Le postmodernisme va devenir par excellence le règne de l'imaginaire populaire dévoyé par la marchandisation de la culture, sur fond d'une inégalité exponentielle. En sortir est une affaire politique, et non de bilan.

Les Origines de la postmodernité, de Perry Anderson. Les Prairies ordinaires, 190 p., 18 €.
Nicolas WeillArticle paru dans l'édition du 30.04.10

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Et sur le site eve.fr:

L' avis d'Olivier Cadiot : Ce livre a l'air assez ennuyeux. Mais en réalité, il est d'autant plus intéressant qu'en France, nous sommes en retard sur ce sujet : on ne sait pas si on est moderne, postmoderne...J'aimerais bien savoir où on en est, nous. En tant qu'écrivain, je n'ai pas l'impression d'être moderne ; mais en réalité je ne sais pas non plus ce que je suis. La notion de postmodernisme me semble assez péjorative. Pourtant, ce débat anime régulièrement le milieu culturel. Prenez le théâtre : il y a les anciens contre les modernes. Aujourd' hui,j'aurais plutôt tendance à opposer écriture expérimentale et écriture traditionnelle. Le regard de gens venus d'ailleurs peut nous aider à faire le point sur notre situation par rapport à la question de l'invention. Ce débat est compliqué, personne n'y comprend rien, donc renseignons-nous !