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Appels à contributions
Littérature et sciences humaines. Entre réel narrativisé et réel rationalisé

Littérature et sciences humaines. Entre réel narrativisé et réel rationalisé

Publié le par Marc Escola (Source : Abdelghani EL HIMANI)

Université Sidi Mohamed Ben Abdellah

Faculté des Lettres et des Sciences Humaines Saïs-Fès

Laboratoire de recherche « Langue, Représentations et Esthétiques »

 

Appel à contributions

Ouvrage collectif

Littérature et Sciences Humaines. Entre réel narrativisé et réel rationalisé

 

Le discours littéraire se veut une représentation de la culture d’origine, mais il permet en même temps une ouverture certaine sur la culture de l’autre. Dans ce sens, il instaure un dialogue avec les sciences humaines et participe au transfert de l’expérience individuelle dont elles traitent. Ce transfert entre le réel narrativisé et le réel rationalisé puise ses thèmes dans l’imaginaire. L’entrecroisement qui en résulte permet au critique d’adopter une lecture de « « va-et-vient »1 de la zone de transaction de la thématique littéraire et de sa prise en charge par le discours scientifique. La littérature joue ainsi le rôle de « médiateur dans cette représentation particulière et organisée du monde, nommée « vision du monde » »2 qui trouve, dès le 19ème siècle, un écho particulier dans les différentes sciences humaines.

En instrumentalisant dans sa méthode d’analyse des textes les découvertes des autres domaines de la connaissance (psychanalyse, anthropologie, histoire, etc.), le comparatiste étudie les relations d’influence et d’osmose entre la littérature et les sciences humaines. De ce fait, « la zone littéraire peut s’étendre à la presque totalité d’un petit Etat, foyer dynamique d’échanges. »3 Au demeurant, la littérature établit un dialogue avec les autres modes d’expression (cinéma, peinture, musique, etc.), et répond ainsi à une approche pluridisciplinaire.

Les sciences humaines, quant à elles, fournissent le modèle d’une démarche susceptible d’éclairer l’œuvre littéraire en tant qu’expression d’un être de culture et un lieu de rencontre autour des normes et critères du fait humain, produit de l’imaginaire de la société humaine. En effet, comme le stipule Herbert Marcuse, « l’imaginaire joue un rôle extrêmement important dans la structure mentale : il lie les couches les plus profondes de l’inconscient aux produits supérieurs de la conscience (à l’art), le rêve à la réalité ; il garde les archétypes de l’espèce, les idées éternelles mais refoulées de la mémoire individuelle et collective, les images taboues de la liberté. »4

Cependant, « la littérature n’est plus considérée soit comme quantité négligeable parce que du domaine de l’imaginaire, soit seulement comme source documentaire mais véritablement en tant que domaine de réflexion et de recherche sur l’homme et le comportement humain au même titre - mais de façon différente – que les sciences humaines. »5

L’œuvre littéraire est à cet égard un champ d’articulation et de recoupement entre les différents domaines du savoir humain. Par sa contribution au repérage des manifestations symboliques du sujet culturel, la littérature rejoint dans ce cadre l’anthropologie, la sociologie, la psychanalyse et l’ethnopsychanalyse, à titre d’exemples. La traduction de la littérature en langage scientifique (S. Freud : le complexe d’Œdipe est emprunté à la pièce de Sophocle) ne la réduit pas à un simple document mais la mesure à un système théorique qui parle d’une même voix que les sciences humaines. 

« Ouverte à l’étude des relations entre littératures et sociétés, des rapports entre littératures et pratiques artistiques et culturelles, tournée, dans son principe même, vers l’étranger, les formes de l’altérité, comptable des métamorphoses verbales et imagées que prend la dimension étrangère, installée, de façon précaire et résolue, dans l’entre-deux de la médiation culturelle, littéraire et symbolique, la littérature générale et comparée peut revendiquer une place originale dans les sciences humaines. »6

          La littérature donne corps aux affects, aux rites et aux normes qui charpentent l’imaginaire. Elle procède d’une étude métaculturelle, contextuelle et extralinguistique de la psyché humaine par l’intérêt accordé à l’imaginaire collectif et au refoulé groupal afin de représenter le schéma relationnel où se situent les rapports d’appartenance et/ou d’exclusion de l’individu.

Sur la base de ce champ d’investigation théorique, la littérature développe, entre autres, un appareil conceptuel se formulant à partir de la mise en narration de l’histoire d’une vie et de la mise en psychologisation de l’écriture qui représente l’imaginaire socioculturel. Dans Histoire et psychanalyse entre science et fiction, Michel de Certeau dit que « le texte littéraire, qui est aussi un jeu, constitue un espace, également théorique et protégé à la manière d’un laboratoire, où se formulent, se distinguent, se combinent et s’expérimentent les pratiques rusées de la relation à autrui. »7 La littérature répond, par conséquent, à l’analyse de la mise en scène des archétypes et rend intelligible l’espace anthropologique, le fonctionnement du comportement humain qu’il soit valorisé, minorisé ou exclu.

Ainsi, derrière le dialogue entre la littérature et les sciences humaines se tapit et/ou se dévoile « l’espace potentiel de l’expérience culturelle entre l’individu et son environnement (originellement l’objet). »8 L’espace potentiel constitue le lieu de la vie créative où se reflète le pattern culturel. Dans cet espace s’opère vraisemblablement la somatisation de l’activité psychique et la représentation du modèle socioculturel par la psychologisation de l’acte d’écrire.

Dans l’économie du récit, « l’écriture, comme expérience positive joue un rôle d’exposition du psychisme humain qui concurrence directement l’étiologie médicale et permet au philosophe de s’appuyer sur elle pour contester la nosologie psychiatrique et la théorie psychanalytique. »9 Car l’écriture empiète sur le domaine médical puisqu’elle est le fruit de l’imagination où l’écrivain n’est soumis ni à des règles disciplinaires préétablies, ni à des modèles scientifiques préconçus.

Les contributions attendues sollicitent le lien entre le réel narrativisé et celui rationalisé. Comment est représenté l’espace potentiel de l’expérience culturelle ? Peut-on parler d’un dialogue entre la littérature et les sciences humaines ? Existe-t-il une complémentarité entre la fiction et le document scientifique ? Quel enjeu soulève l’entrecroisement entre le fictionnel et le rationnel ?

Somme toute, l’ouvrage collectif s’interroge sur le rapport entre la fiction et la science tout en mettant en exergue ses enjeux psychologiques, sociologiques, anthropologiques, philosophiques, esthétiques et littéraires.

Cet appel à contribution sur le rapport entre le réel narrativisé et le réel rationalisé s’étend sur plusieurs axes de recherche. Nous désignons à titre indicatif :

  • Littérature et psychanalyse
  • Littérature et sociologie
  • Littérature et anthropologie
  • Littérature et philosophie
  • De la relation entre poésie et philosophie.
  • Littérature et esthétique
  • Littérature et religion
  • Romantisme et science
  • Herméneutique du texte francophone
  • Ethnopsychanalyse du texte francophone
  • Critique littéraire du récit postcolonial
  • Neuroscience et théories d’apprentissage
  • Cognition et sciences sociales
  • L’ethnofiction et l’ethnotexte
  • L’identité à l’épreuve du scalpel et de la plume
  • Littérature et vision du monde.

Notes :

1. Daniel-Henri Pageaux, La Littérature générale et comparée, Colin, Paris, 1994, p. 16.

2. Texte cité et traduit par J. TRABANT, Du génie aux gènes des langues, 2000, p. 69.

3. Daniel-Henri Pageaux, op. cit., p. 26.

4. Herbert MARCUSE, Eros et civilisation, Editions de Minuit, Paris, 1963, p. 128.

5. Daniel-Henri PAGEAUX, op. cit., p. 126.

6. Daniel-Henri Pageaux, La Littérature générale et comparée, op, cit, p.183.

7. Michel De Certeau, Histoire et psychanalyse entre science et fiction, Editions Gallimard, collection Folio Histoire, Espagne, 2016, p.136.

8. Ibid., p.186.

9. Anne Sauvagnargues, Deleuze et l’art, Coll. « Lignes d’art », PUF, Paris, 2005, p. 44.

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Modalités de soumission des articles :

Les articles doivent être envoyés, le vendredi 03 mai 2019 au plus tard, à l’adresse suivante : elhimani.abdelghani@gmail.com.

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Responsables :

Abdelghani EL HIMANI

Abdelmounïm EL AZOUZI

Mohammed EL FAKKOUSSI