Actualité
Appels à contributions
Ordre des textes, ordre des savoirsdans les recueils épistolaires XVIie-XVIIe s. (revue Arts et Savoirs)

Ordre des textes, ordre des savoirsdans les recueils épistolaires XVIie-XVIIe s. (revue Arts et Savoirs)

Publié le par Marc Escola (Source : Suzanne Duval (Université Gustave Eiffel, LISAA))

« Ordre des textes, ordre des savoirsdans les recueils épistolaires (XVIe-XVIIe siècles) »

(Revue Arts & Savoirs, automne 2021)

 

S’il s’agit d’attirer l’attention sur les recueils épistolaires, qui constituent un genre très en vogue tout au long des XVIe et XVIIe siècles, ce n’est pas pour les soumettre à un regard historiciste – que celui-ci soit motivé par un but patrimonial (les tirer de l’oubli), documentaire (se renseigner sur l’évolution du genre épistolaire) ou encyclopédique (inventorier l’immense corpus que constituent ces recueils). Qu’ils soient composés de lettres fictives ou authentiques, inédites ou déjà connues du public, données à lire par les auteurs épistolaires eux-mêmes ou par des éditeurs aux statuts extrêmement différents, les recueils de lettres semblent voués à susciter toutes sortes de lectures et d’interprétations – à l’instar de toutes les écritures fragmentaires. Dans la mesure où un recueil provoque en général autant une impression d’ordre (il est possible de déceler des principes de composition qui définissent une structure générale) que de désordre (certains éléments textuels s’avèrent irréductibles à la hiérarchisation et à l’enchaînement d’ensemble), ce type d’ouvrage engendre des attitudes lectoriales fort variées.

Mettre au jour les savoirs et les représentations que le lecteur d’un recueil épistolaire mobilise dans l’optique, plus ou moins spontanée, de trouver un ordre, une disposition voire une unité à l’ouvrage : tel est l’objectif de ce numéro. En se situant du côté non pas de la production mais de la réception, non pas des intentions mais des effets, il s’agit d’analyser quelles sont les compétences et les moules de pensée qui incitent le lecteur à trouver, au-delà des phénomènes de discontinuité entre les pièces, des modèles d’organisation et de cohérence – manière de souligner le rôle du lecteur dans la perception du recueil comme une entité ordonnée. Comprendre dans quelle épistémè s’ancre le savoir-lire qui consiste à établir des liaisons entre les différentes lettres permet par ailleurs de mieux cerner les raisons de l’engouement dont bénéficie alors le genre du recueil de lettres.

Divers corpus pourront servir de point de départ à cette réflexion - anthologies de lettres de différents auteurs (plus ou moins classées, avec ou sans table), recueils de lettres d’un seul auteur (à visée tantôt utilitaire tantôt davantage divertissante), manuels (dont la proportion d’exemples assortissant les préceptes est très variable). Pour repérer et décrire les procédures textuelles qui président aux effets de structuration du recueil, c’est-à-dire qui sont perçues par le lecteur, à l’aune d’une configuration des savoirs historiquement datée, comme autant d’indices d’ordonnancement, les contributions pourront s’inscrire, sans exclusive, dans un ou plusieurs des axes suivants :

  • La tradition rhétorique

Comment les éléments du paratexte (préfaces, tables des matières, index, titres des parties) ordonnent-ils les recueils ? Dans quelle mesure les titres-arguments des lettres, irréductibles à de simples indications thématiques, font-ils signe vers les types de discours rhétoriques en général et les nomenclatures épistolographiques en particulier ? De quelle manière la lecture des lettres est-elle orientée par les outils descriptifs que divulguent les traités de rhétorique (perception et identification des ressources disponibles pour l’inventio, la dispositio et l’elocutio) ?

  • Les pratiques socio-discursives

 Dans quelles proportions les lettres des recueils sont-elles dotées d’une valeur descriptive (elles reflètent les usages épistolaires courants) et d’une valeur prescriptive (elles apparaissent comme autant de modèles à suivre) ? En quoi la brièveté, la généralité et la répétitivité de certaines lettres leur confèrent-elles un rendement didactique particulièrement efficace ? Quel est le mode de lecture spécifique qu’appelle, pour l’épistolier soucieux d’améliorer la rédaction usuelle de ses lettres, la mise en série de textes qui exposent de manière voyante les composantes du bien-dire épistolaire (reconnaissance de circuits argumentatifs standardisés, repérage de marqueurs stylistiques, intériorisation d’unités phraséologiques) ?

  • Les lieux communs de la morale et de la religion

Certains recueils ont-ils tendance à privilégier ou au contraire à minimiser la dimension morale et religieuse ? Comment s’opère, à la lecture, la mise en réseau des réflexions, préceptes ou enseignements éparpillés au fil du recueil ? Les lieux communs de la sagesse chrétienne sont-ils signalés par le paratexte, exhibés dans les lettres par des formes sentencielles ou bien suggérés de manière implicite ? Selon quelles modalités les schémas de pensée propres aux moralistes sont-ils sélectionnés, dosés et redistribués ? La disposition d’ensemble du recueil crée-t-elle l’impression d’un agencement à visée démonstrative ?

·      La culture lettrée

De quelles productions appartenant à la sphère des Belles-Lettres peut se servir le lecteur d’un recueil épistolaire ? Quels sont les différents projets de lecture possibles, selon que le lecteur préfère apprécier le recueil comme un ouvrage à teneur philosophique (dans le sillage d’auteurs antiques tels que Sénèque), comme de la poésie (rappelons la prédominance du modèle ovidien en matière de lettres amoureuses), comme un exercice de virtuosité stylistique (Marot ou Guez de Balzac faisant figure d’autorités), comme un réservoir d’exemples offerts à l’imitation (on connaît le succès des manuels d’art épistolaire de Puget de La Serre), comme une anthologie de morceaux de bravoure (notamment celle des « plus belles lettres françaises » que Richelet a « tirées des meilleurs auteurs »), ou encore comme l’incarnation d’un idéal sociolinguistique (les lettres de Voiture illustrant l’enjouement, la grâce et le badinage définitoires de la galanterie) ? Comment ces protocoles et ces parcours de lectures naissent-ils de la capacité des lecteurs à investir, de manière plus ou moins intuitive, certains signaux textuels ? Dans quelle mesure l’actualisation des différentes hypothèses de lecture dépend des références, des goûts et des attentes des lecteurs ?

*

Les propositions de contribution (d'une à deux pages) seront envoyées à l'adresse suivante:

Suzanne.Duval@u-pem.fr, avant le 15 septembre 2020.

Les articles sont attendus pour le 30 avril 2021, pour une parution à l'automne 2021.