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Œuvres abandonnées, remodelées ou reniées : le pouvoir de décréer (Rouen)

Œuvres abandonnées, remodelées ou reniées : le pouvoir de décréer (Rouen)

Publié le par Jean-Louis Jeannelle

« Œuvres abandonnées, remodelées ou reniées : le pouvoir de décréer »

Colloque du CEREdI (Centre d’études et de recherche Éditer/Interpréter, EA 3229),

organisé par Jean-Louis Jeannelle et François Vanoosthuyse, 

1er-2 avril 2019,

Université de Rouen, Bâtiment A, 3ème étage, Salle du Conseil

 

Lundi 1er avril

Matinée

9h30 : accueil des participants

9h45 : allocution introductive de Jean-Louis Jeannelle

Écrire dans la durée, Présidence : François Vanoosthuyse

10h : Sylvain Ledda (Université de Rouen) : « L’adaptation est-elle un reniement ? Pour une poétique théâtrale au temps du romantisme ».

10h40 : Jacques Neefs (Université Johns Hopkins) : « Saint-Antoine, la vieille toquade ».   

11h20-11h30 : pause

11h30 : Isabelle Daunais (Université McGill) : « La maturité comme valeur ».

12h10 : Yvan Leclerc (Université de Rouen) : « Ne rien renier, ne rien abandonner : réécrire. Flaubert ou la rumination perpétuelle ».

 

Après-midi,  L’œuvre impossible, Présidence : Nathalie Kremer

14h30 : Massimo Natale (Université de Vérone) : « “En comptant toujours préluder” : Leopardi et ses Disegni letterari »

15h10 : Robert Kahn (Université de Rouen) : « Franz Kafka : abandonner, abandonner toujours, abandonner mieux ? »

15h50 : Adrien Chassain (ENS de Lyon)  : « Inadvenue et paratextualité : autour de trois prépublications du Grand Incendie de Londres de Jacques Roubaud ».

16h20-16h35 : pause

Présidence : Laurence Macé

16h35 : Emanuele Arioli (Université Polytechnique Hauts-de-France) : « À la recherche du roman perdu : Ségurant ou le Chevalier au Dragon »

17h05 : Nathalie Kremer (Université Sorbonne Nouvelle) : « Couper court : la leçon de Frenhofer ».

 

Mardi 2 avril

Matinée, Contraintes, autocontraintes, autocensures, Présidence : Isabelle Daunais

9h30 : Laurence Macé (Université de Rouen) : « Dissimulation, invisibilisation, autocensure au xviiie siècle: œuvres inachevées/non publiées en régime de censure ».

10h10 : Barbara Cooper (Université du New-Hampshire) : « Les Massacres de Saint-Domingue (1837) : une pièce abandonnée par ses auteurs ? »

10h50-11h : pause

Présidence : Yvan Leclerc

11h : Marguerite Bordry (Université de la Sorbonne) : « Le destin éditorial des Storielle vane de Camillo Boito (1876-1899) ».

11h40 : Béatrice Lefebvre-Côté (Université de Montréal) : « Du Soleil à cinq heures à Mémoire de fille d’Annie Ernaux : une posture de l’échec ».

 

Après-midi, Reniements, Présidence : Jean-Louis Jeannelle

14h : Nicolas Aude (Université Paris Nanterre) : « Quand dire, c'est défaire : confessions littéraires et autocritiques politiques en Russie-URSS ».

14h40 : Linda Rasoamanana (Université de Mayotte) : « Caserne (1947) de François Lerouvre alias Emmanuel Roblès : une désertion justifiée ? »

15h20-15h30 : pause

15h30 : Clément Sigalas (Université Paris Est-Marne-la-Vallée) : « “Renier un premier reniement” ? Le fantôme de La Corde raide dans La Route des Flandres et Le Tramway de Claude Simon ».

16h10 : Jean-Paul Louis (École des Mines) : « “Et sauf un petit nombre de pièces…” — Pierre Jean Jouve renie, réagit & réécrit La Rencontre dans le carrefour ».

16h50-17h : conclusion

 

Plusieurs essais ont depuis quelques années ouvert un nouveau champ de recherche que l’on pourrait désigner comme celui des œuvres « inadvenues » : œuvres détruites, censurées, ou qui suscitent l’indifférence. Présence des œuvres perdues de Judith Schlanger (2010), Cardenio entre Cervantès et Shakespeare de Roger Chartier (2011) et Le Tombeau d’Œdipe de William Marx (2012) traitent de ces créations devenues inaccessibles, qui nous obligent à nous interroger sur ce qui, dans notre mémoire de la littérature, nous manque – plus précisément sur les raisons ou les effets de ce manque.

Mais quelle part les écrivains prennent-ils eux-mêmes au processus d’inadvenue des œuvres ? Quel est ce que l’on pourrait appeler leur pouvoir de « décréer » ?

On peut distinguer en particulier trois gestes « négatifs » : l’abandon d’une œuvre en cours d’écriture, le remodelage par un remaniement structurel ou une réorientation idéologique, enfin le reniement d’une œuvre publiée.

Parmi les raisons qui expliquent l’arrêt d’un projet de création, certaines sont bien sûr hétéronomes (la maladie ou la mort de l’auteur en particulier), mais les plus importantes relèvent de la dynamique créative elle-même : du sentiment qu’un écrivain éprouve d’aboutir à une impasse, ou de la survenue d’un nouveau projet qui se substitue purement et simplement au premier. Les mises à l’écart ne sont pas à envisager nécessairement comme les preuves de purs et simples échecs : quel que soit le degré d’inaboutissement d’un projet, il est toujours dynamiquement lié aux productions en cours ou à venir.

Témoignant au grand jour de l’insatisfaction qu’un auteur éprouve face à l’une de ses œuvres publiées, le remodelage implique une transformation d’une ampleur telle qu’elle s’étend au-delà des simples corrections, ajouts ou soustractions et déplacements qui accompagnent une réédition. Il est est une modalité hyperbolique du remaniement, une transformation structurelle qu’un écrivain impose à un texte éventuellement déjà paru, et qui peut avoir pour effet et à tout le moins pour but de renvoyer dans les limbes la ou les première(s) version(s). Mais si les modifications apportées impliquent que le second texte n’est pas le même que le premier, quel statut faut-il précisément reconnaître au premier ?

Le reniement touche le plus souvent les œuvres de jeunesse. Mais quelle qu’en soit la raison, cet act a ceci de frappant que, tout en restant littéralement le même, le texte renié se voit déplacé par décret de l’auteur lui-même aux marges de sa production, et n’est plus lisible que dans cette nouvelle condition de rebut. Cet acte transgressif va à l’encontre de notre foi dans l’intention auctoriale, en tant que source et caution du sens ainsi que de la valeur de l’œuvre. La question se pose toutefois de savoir en fonction de quels critères formels on juge qu’il y a reniement. Faut-il nécessairement qu’il y ait une déclaration expresse et motivée de l’écrivain ? Cette déclaration doit-elle avoir été rendue publique et avoir eu pour effet d’empêcher la réédition du ou des textes concerné(s) ?

Ce colloque se place dans la continuité d’une série de travaux organisés par le CEREdI autour de la notion d’œuvre : L’Ombre dans l’œuvre (dir. Marianne Bouchardon et Myriam Dufour-Maître en 2011, actes publiés chez Garnier en 2015), L’Œuvre inclassable (dir. Marianne Bouchardon et Michèle Guéret-Laferté en 2015, actes publiés dans les « Publications numériques du CEREdI »), « D’outre-tombe » : vie et destin des œuvres posthumes (dir. Aurélien Davout et Alex Pepino en juin 2018), et L’Imperfection littéraire et artistique (dir. Xavier Bonnier et Sylvie Laigneau-Fontaine à l’Université de Dijon en mars 2018 et à l’Université de Rouen en mars 2019).