Questions de société
Nouveaux programmes d'Histoire-Géo au lycée (et au collège) - dossier màj 12/02/10

Nouveaux programmes d'Histoire-Géo au lycée (et au collège) - dossier màj 12/02/10

Publié le par Bérenger Boulay

Dossier réforme du lycée

À propos des projets de nouveaux programmes [d'histoire] de seconde - par Philippe Olivera (lycée Diderot, Marseille)

En découvrant la première mouture des nouveaux programmes de seconde, je mesuis trouvé partagé entre plusieurs réactions immédiates. D'abord, le refus de participerde quelque manière que ce soit à toute forme de (pseudo)« concertation » qui ferait« remonter » des avis plus ou moins éclairés fondés sur on ne sait quelle légitimité.Ensuite, le sentiment que nous étions en présence, sinon d'une situation inédite, dumoins d'une rare occasion de réfléchir et d'agir ensemble.

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À propos des programmes de collège, lire sur le site Rue 89: Quand l'Histoire au collège oublie ceux qui l'ont faite. Par Bernard Girard (08/02/10)

Indignés par le contenu et la facture des nouveaux programmes d'histoire et de géographie, les professeurs d'Histoire-Géographie du lycée Camille Saint-Saëns, Deuil-la-Barre, Val-d'Oise, proches du SNES, souhaitent en obtenir la modification.
Texte des professeurs d'HG du lycée Camille Saint-Saëns (Deuil-la-Barre):

Lesnouveaux programmes d'histoire et de géographie de la classe deSeconde, proposés à la hâte dans le cadre de la préparation de laréforme du lycée, sont à la fois matériellement inapplicables (pluslongs que les anciens programmes, ils sont censés être traités avec uneheure de moins) et inacceptables d'un point de vue pédagogique etépistémologique.

Dansleurs objectifs généraux, ces programmes, qui s'inscrivent dans la mêmeligne que le socle commun des connaissances mis en place au collège,sont une apologie de la misère intellectuelle, le rôle de l'école selimitant désormais à survoler les différents champs de la culture dansle but de mettre en place des savoirs et des savoir-faire minimalistesadaptés à la stratégie d'économies budgétaires du gouvernement.

Leprogramme d'histoire, intitulé « les Européens dans la diversité desmondes du passé » se donne, dans l'introduction au texte deprésentation, le fil conducteur suivant : « approfondir la connaissancede la diversité des mondes du passé et […] inscrire l'histoire desEuropéens dans cette diversité ». Outre le fait qu'il suffit deparcourir rapidement la liste des thèmes pour se rendre compte del'impossibilité d'approfondir quoi que ce soit, l'ensemble consiste enune série de sauts de puce, d'une période et d'un espace à l'autre,dans une vision patrimoniale et touristique du passé. En effet, quesignifie cette « nécessité de faire sentir aux élèves que des mondesont été « perdus » ou qu'il n'en reste plus que quelques traces » ?Quel rapport avec le truisme qui dit « qu'il est impossibled'appréhender le passé à travers le prisme exclusif du présent » ?Outre le caractère extrêmement simpliste de la proposition(viendrait-on expliquer aux professeurs d'histoire l'irréductibilité dupassé au présent ?), n'y a-t-il pas là une forme de fossilisation dupassé, limité à ses reliques patrimoniales, et ce, à rebours de lalogique ancienne d'un programme de Seconde qui se donnait précisémentpour objet l'étude des fondements du monde contemporain ? S'agirait-ilde couper l'enseignement de l'histoire de celui du présent (surtout, nefaisons pas de politique) et de promener les élèves sur la carte dupassé comme un conférencier traîne ses touristes sur un sitearchéologique ? Car c'est bien la seule perspective qui est proposée,sous l'apparente intention d'explorer la pluralité des temporalités etdes échelles. Quant à la centralité de l'Europe, on ne cherche même pasà la dissimuler, puisqu'il s'agit de faire faire aux petits Européensla découverte enchantée des « mondes passés » ! Mondes figés, qui ontévacué l'Islam, dont il ne reste qu'une étude de cas surConstantinople-Istanbul (et encore, comme carrefour des civilisations)dont on voit mal comment on pourrait y consacrer plus d'une heure à uneheure et demie. Et tant pis si une bonne partie de nos élèves vient dela culture de l'Islam.. Quand à la « découverte du monde », limitée auxvoyages de Magellan, elle est posée comme l'un des éléments de «l'élargissement des horizons des Européens ». Après tout, quel intérêtdes autres espaces de la planète et de leurs habitants que de compléterla carte européenne du monde ? Européo-centré, le programme d'histoirede seconde reste encore celui d'une histoire de l'humanité qui estcelle des hommes. Et tant pis pour l'histoire des femmes, tant pisencore pour les problématiques du genre ou pour l'étude des minorités.Si l'introduction prétend que le programme place « au coeur  desproblématiques les hommes et les femmes qui constituent les sociétés ety agissent », on a beau chercher les femmes, il faudra se contenter duchoix qui nous est donné, dans le cadre du chapitre sur le Moyen-âge,entre Hildegarde de Bingen et Bernard de Clairvaux et entre Galilée,Emilie du Châtelet et James Watt (et que dire de la cohérence desalternatives proposées) ! Enfin, pourquoi ce programme donne-t-il tantl'impression de vouloir à tout prix figer le passé pour le couper duprésent ? L'exemple caricatural est sans doute celui de « lacivilisation rurale dans l'Occident chrétien médiéval du IXè au XIIIès. ». Dans ce thème, où les hommes travaillent la terre, prient et selivrent aux cérémonies et rites de la chevalerie et de l'amourcourtois, on donne à voir un Moyen-âge sans villes, sans liens avecl'extérieur, mais surtout, sans enjeux de pouvoir ! Pourquoi ne pasrenvoyer les élèves à une production culturelle pourtant foisonnanteplutôt que de venir apporter la caution de l'école au fantasme agraired'un monde figé et d'une société sans politique?

Quand au programme degéographie, « l'humanité en quête de développement durable », on nepeut que s'étonner de la façon dont il intègre la notion dedéveloppement durable, posée d'ailleurs comme l'unique approchepossible de l'écologie. Mais c'est qu'on est bien loin de lagéographie, et plus près de l'approche instrumentale de la nature quicaractérise aujourd'hui le discours du politiquement correct. Voila queles rapports entre l'homme et le milieu se limitent désormais à «[mettre] en relation le développement humain avec les potentialités dela planète ».. Le développement durable, réapproprié par le discoursdominant, est de toute façon devenu cette « autre façon de lire lemonde, de le penser, de le gérer », on aurait presqu'envie d'ajouter, «propre au système capitaliste ». C'est que l'école fait son Grenelle del'environnement et fait de l'ancienne science qu'était la géographieune forme d'éducation civique. « La démarche géographique : unecontribution essentielle à l'éducation au développement durable », nous dit le titre de la seconde partie de la présentation. S'il fautencore se persuader que c'est bien un « management » de la planètequ'il s'agit d'apprendre à nos élèves, il suffit de voir lesmodifications que le nouveau programme apporte à l'ancien. Peu dechoses disparaissent en apparence : un chapitre, autrefois facultatif,sur les montagnes, un autre, sur les risques, qui passe d'obligatoire àfacultatif. Contre quelles nouveautés ? Un chapitre sur « l'enjeuénergétique » et un autre sur « les mondes arctiques, « une nouvellefrontière pour la planète » ». Voici que la fonte des glaces ouvre desfronts pionniers, bien plus intéressants, dans la perspective du thème4, « Gérer les espaces de la planète », que les espaces montagnards,bien moins rentables dans le nouvel espace mondialisé. Il faut bienfaire des choix ! Quand aux risques, c'est bien la problématique mêmede leur étude qui change. On passe des « sociétés face aux risques »aux « espaces soumis aux risques majeurs ». Tiens donc. Ce ne seraitdonc plus la planète, mais des espaces circonscrits, qui seraientsoumis au risque, qui n'est plus l'objet d'une approche globale. Riend'étonnant alors que son étude devienne facultative ! Mais que fairealors du « global warming ? »

Unpassé sans présent et une planète qui se gère comme un portefeuille.Comment peut-on proposer aux professeurs d'histoire-géographiel'application d'un programme qui, outre le fait qu'il soitidéologiquement plus que marqué, se pose en contradiction avec lesfondements mêmes des disciplines scientifiques qu'ils sont censésenseigner et se place à des années lumière de la rechercheuniversitaire?

Il ne s'agit pas seulementd'une attaque supplémentaire (qui vient s'ajouter à la réforme de laformation des enseignants et au recours croissant à des personnelsprécaires qui disposent d'une formation inférieure à celle exigée pourles titulaires) contre le niveau de l'enseignement. C'est bien à uneremise en cause du travail même du professeur que nous sommesconfrontés. D'historien ou de géographe formé dans les universités, ildevient le simple transmetteur d'un discours non-scientifique destiné àrelayer le pouvoir.

D'ailleurs, on fait mine de prendre l'avisdes professeurs sur les programmes. Mais sachant que les éditeurs enont pris connaissance avant nous et que les manuels seront bientôt souspresse, quelle est l'utilité d'une telle consultation? Le ministèrechercherait-il à nous tromper sur son refus d'entendre nos argumentssur des programmes dont il sait pertinemment qu'ils sont incohérents ?Et quand bien même, quelle autre réponse pourrions-nous donner à notrehiérarchie que la suivante : nous avons bien peur qu'il ne nous soittrès difficile de mettre en oeuvre les programmes qui nous sont proposés.

Après consultation,

Un groupe de professeurs d'histoire-géographie du lycée Camille Saint-Saëns, Deuil-la-Barre, Val-d'Oise, à l'initiative du Snes.

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Sur le site Rue 89:

Quand l'Histoire au collège oublie ceux qui l'ont faite

Par Bernard Girard | Enseignant blogueur | 08/02/2010 | 16H15

« Mais, monsieur, pourquoi le pharaon était-il si riche ? » Acette question posée ingénument mais néanmoins légitimement par unélève de 6e, il n'y aura pas de réponse, du moins pas de réponseofficielle dans un cours d'Histoire en collège : les nouveauxprogrammes d'Histoire de collège (en doc joint) sont muets sur la cruedu Nil et le travail des paysans, sans lesquels les pyramidesn'auraient pourtant jamais vu le jour.

Mais un élève de 11 ans n'est pas censé comprendre qu'avant lepouvoir du souverain et les oeuvres d'art, il y a toujours le travail du« petit » peuple et les richesses qu'il dégage.

Pas de paysans au programme

Chose curieuse : alors que dans l'histoire des hommes, le travail dela terre est, jusqu'à une époque récente, la source principale -quandce n'est pas quasi-unique- de l'accumulation des richesses, les paysanssont totalement ignorés des programmes scolaires. Jugés peu dignes,sans doute, de compter au nombre des « acteurs de l'Histoire », titreque les auteurs des programmes réservent sans l'ombre d'une hésitationaux « grands personnages », comprenez les chefs politiques etmilitaires.

Durant toute leur scolarité en collège, les élèves n'auront droitqu'à une fugitive apparition du monde rural, en classe de 5e, dans lecadre de la seigneurie féodale.

Simple négligence ou choix idéologique ? On penchera plusvolontiers pour la seconde hypothèse si l'on veut bien considérer queles travailleurs manuels sont totalement absents des programmes, commesi l'on voulait les faire disparaître de la mémoire collective. Les« ouvriers et ouvrières de la Belle Époque » sont rapidement mentionnésen classe de 4e, parce qu'il est effectivement difficile de faireautrement, mais c'est tout.

Si les travailleurs se font discrets au point d'en être invisibles,il n'en va pas de même pour l'entreprise qui fait une entrée remarquéedans les programmes : parmi les capacités demandées aux élèves de 3e-âgés de 14 ans-, il est demandé de « décrire et expliquer l'évolutiondes formes de production, de la dimension familiale à la firmemultinationale ».

Les élèves de 5e, quant à eux, doivent se glisser dans la peau d'une« famille de banquiers ou de marchands ». On peut se demander si lavolonté de gommer toute dimension sociologique des programmes de SES,en lycée, n'est pas déjà à l'oeuvre avec les programmes d'histoire decollège et si, comme on a pu l'écrire, « le chômage disparaît du programme de SES », l'histoire des travailleurs ne connaît pas le même sort.

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