Essai
Nouvelle parution
Nouveautés Honoré Champion (XVIe-XVIIIe siècle) - Second trimestre 2004

Nouveautés Honoré Champion (XVIe-XVIIIe siècle) - Second trimestre 2004

Publié le par Camille Esmein (Source : Editions Honoré Champion)

 


XVIe siècle

Gaspar Gil Polo, Première partie de La Diane amoureuse (1564). Edition, introduction, notes et traduction inédite de l'espagnol par François Géal. Coll. "Textes de la Renaissa,ce", n° 88, 416 p.
Remake original des Siete libros de la Diana de Montemayor, La Diane amoureuse du Valencien Gaspar Gil Polo (1564) renouvelle la fiction pastorale dans le cadre d'une imitatio bien comprise : déplaçant l'Arcadie vers sa région d'origine, l'auteur nuance le message néo-platonicien de son prédécesseur tout en réservant une place décisive au discours et au désir féminins. Gil Polo tie nt le parfait équilibre entre une prose d'une rare musicalité et une poésie d'une grâce indépassable : dans La Diane amoureuse,figurent quelques-uns des plus beaux poèmes d'amour de toute la littérature espagnole...

Susanna Gambino Longo, Savoir de la nature et poésie des choses. Lucrèce et Epicure à la Renaissance italienne. Coll. "Bibliothèque littéraire de la Renaissance", n° 59, 336 p.
Depuis la redécouverte humaniste du De rerum natura, Lucrèce et la doctrine épicurienne ont joué, entre le XVe et le XVIe siècle, un rôle très particulier. À travers l'étude de la fortune de Lucrèce, cet ouvrage se propose d'analyser la présence de ce poète classique dans plusieurs domaines de la culture renaissante : l'assimilation tout d'abord dans la pensée éthique de certains h umanistes de l'hédonisme épicurien ; la façon ensuite dont la physique épicurienne, transmise par la science aristotélicienne, est intégrée dans cette dernière en "corrigeant" la physique du Stagirite. L'enjeu majeur consiste cependant à cerner l'influence de Lucrèce comme modèle rhétorique et littéraire. Grâce à l'usage de certaines métaphores, de mythes et de procédés spécifiques à la poésie cosmologique, voire de thèmes lucrétiens comme l'invocation à Vénus, le plaisir, la peste ou l'homme primitif, l'oeuvre de poètes et philosophes comme Giovanni Pontano, Lorenzo Bonincontri, Marulle, Aonio Paleario, Palingène, Jérôme Fracastor, du Tasse et de Giordano Bruno transmet et diffuse l'idéologie et l'image lucrétiennes de la nature et d'une science "vénusienn e". Enfin, la déclinaison des différents portraits de Lucrèce de la Renaissance explique comment la Contre-réforme est parvenueà imposer une lecture inoffensive de Lucrèce et de l'épicurisme

Le Masque de Lancelot. Lumières de la Renaissance au XVe siècle. Traduction de l'italien par Arlette Estève. Coll. "Etudes et essais sur la Renaissance", n° 52, 252 p.
La littérature du Moyen Âge finissant évoquerait, selon l'image séduisante que proposait jadis Johan Huizinga, la scène d'un théâtre où des chevaliers inexistants jouent - et joutent - en portant un masque : le masque de Lancelot. Atmosphères lourdes, grandeurs apparentes, rituels grandioses ne sont pas pour autant les seules manifestations d'une époque de transition qui se veut, b ien au contraire, sous le signe de la nouveauté. À travers l'étude des transformations profondes qui renouvellent la prose narrative - des XV Joyes de mariage à Jehan de Saintré, aux Cents Nouvelles nouvelles - et des métamorphoses que subissent d'une part la poésie, entièrement remodelée par les Rhétoriqueurs et, d'autre part, le théâtre, ce livre se propose d'illustrer cette rena issance autonome et autochtone à laquelle François Rabelais aimera se confronter.

Kirsti Sellevold, "J'ayme ces mots...": expressions linguistiques de doute dans les Essais de Montaigne. Coll. "Etudes montaignistes", n° 42, 318 p.
Cette étude, très nouvelle par sa méthode interdisciplinaire, offre une analyse - basée d'une part sur le concept linguistique de polyphonie, d'autre part sur le principe de pertinence - des expressions modalisantes à l'avanture, je pense que et leurs analogues dans les Essais. Ces expressions, auxquelles Montaigne portait une affection particulière, sont fondamentales pour une com préhension des stratégies de doute et d'expression réservée qui caractérisent les Essais. Traces d'un "jugement polyphonique", libératrices de points de vue extrêmement variés, elles permettent de saisir, au fond du langage même, les enjeux épistémologiques des Essais ainsi que la pluralité de leurs perspectives.

Paola Iemma, Les Repentirs de l'exemplaire de Bordeaux (Montaigne, Essais, Livre I). Traduit de l'italien par Arlette Estève. Coll. "Etudes montaignistes", n° 44, 275 p.
L'Exemplaire de Bordeaux est le seul texte dont nous disposons pour suivre de plus près l'écriture et la réécriture de Montaigne en train de se faire. Ce livre tente d'en pénétrer passions et idiosyncrasies en les vérifiant à la lumière de la réflexion métascripturale qui parcourt les Essais. La recherche de la brevitas, avec son corollaire prévisible, les répétitions ; le goût tou t aussi manifeste pour la matérialité du langage dont les effets spéciaux se multiplient ; l'attention extrême à la dimension dialogique du texte indubitablement renforcée grâce à une savante redéfinition des voix en présence. Il serait cependant très réducteur de lire les Essais dans l'unique perspective de l'amélioration : l'Exemplaire de Bordeaux nous permet de prendre acte d'un processus de réélaboration virtuellement infini. L'écriture est vie, en plus d'être sa (fidèle) représentation.

L'Oeuvre de Jean Bodin. Actes du colloque tenu à Lyon à l'occasion du quatrième centenaire de sa mor (11-13 janvier 1996). Travaux publiés sous la direction de G.-A. Pérouse, N. Dockes-Lallement, J.-M. Servet. Coll. "La Renaissance européenne", n° 41, 544 p.
Trois centres de recherches lyonnais ont organisé en janvier 1996 un Colloque international pluridisciplinaire pour faire le point des travaux sur Jean Bodin et la question posée par l'ampleur de son oeuvre. Ce Colloque de Lyon a sans doute été le premier en date de ceux qui ont marqué l'année du quadricentenaire de la mort de cet auteur (1596-1996). Dans ces actes les éditeurs ont respecté la diversité des approches et des méthodes qui se sont exprimées. Ils se sont bornés à ordonner les communications quiconduisent, à partir de La République - ici longuement re-visitée - à l'examen des conséquences économiques, financières et politiques de cette nouvelle conception de l'État. Le lecteur est ainsi amené, dans la troisième partie, à mieux percevoir les vraie s cohérences de l'oeuvre, et à s'interroger sur la réalité des contradictions qu'offrirait par exemple - selon certains - l'étonnante Démonomanie des sorciers.

Mémoire du volcan et modernité. Colloque international du Programme Pluriformation "connaissance et représentation des volcans" Université B. Pascal. Ed. D. Bertrand. Coll. "La Renaissance européenne", n° 47, 492 p.
Les analyses rassemblées dans ce volume permettent de dégager quelques éléments de continuité et de rupture significatifs dans les représentations volcaniques de la Renaissance au XXe siècle. Cette mémoire sélective centrée sur la culture européenne s'ouvre sur des sémiologies plus exotiques du volcan, révélant à la fois des traits spécifiques et des lieux communs archétypaux. Pren ant en considération des discours, des parcours et des pratiques, l'exploration des représentations volcaniques s'efforce d'intégrer les apports d'une double mémoire, verbale et iconique. Une attention particulière est accordée aux déplacements métaphoriques et aux dérives parodiques de la topique volcanique.


XVIIe siècle

Jean-Marc Civardi, La Querelle du Cid(1637-1638). Edition critique intégrale. Coll. "Sources classiques", n° 52, 1230 p.
La querelle du Cid s'est déroulée pendant près d'un an et a vu s'affronter des dramaturges, des polémistes et de nombreux libellistes anonymes. Cette querelle littéraire importante du XVIIe siècle a joué un rôle majeur dans la formation des règles théâtrales (inventio et dispositio, vraisemblable, bienséance, merveille) et la carrière de Corneille. Ses enjeux sont également d'ordre linguistique (création de l'Académie française, remarques de style), critique (place des doctes, évolution de la "censure" littéraire), social (rôle du public, statut de l'écrivain). Si cette polémique clôt pratiquement le débat entre irréguliers et réguliers, au profit de ces derniers, elle amorce aussi d'autres réflexions sur le sublime et la dispute entre anciens et modernes. C ette édition critique est la première depuis plus d'un siècle à proposer l'ensemble des textes de la querelle, accompagné d'uneannotation nouvelle, et à faire le point sur les recherches entreprises.

Laurent Drelincourt, Sonnets chrétiens sur divers sujets. Texte établi, présenté et annoté par Julien Goeury. Coll. "Sources classiques", n° 50, 464 p.

Jean-Yves Vialleton, Poésie dramatique et prose du monde. Le comportement des personnages dans la tragédie en France au XVIIe siècle . Coll. "Lumière classique", n° 52, 832 p.
Les textes critiques écrits au XVIIe siècle à l'occasion de la création d'une tragédie analysent les "moeurs" des personnages enrecourant aux notions de savoir vivre. Lire la tragédie à la lumière des traités de comportement permet une description méthodique des circonstances mises en scène, de la présentation de soi, de l'usage sur scène des termes d'adresse et des actes de langag e. Au fil de cette description est mise au jour la tension sur laquelle repose l'écriture de la tragédie, partagée entre représentation prosaïque du monde et recherche d'une poésie qui est pensée fondamentalement comme déraison. La stylisation du comportement dans le "poème tragique" au XVIIe siècle n'est pas le reflet de la "civilisation de moeurs", mais s'inscrit dans les question s que le siècle se pose sur le statut de la parole poétique et sur l'usage même de la littérature.

Jacob Spon, Voyage d'Italie, de Dalmatie, de Grèce et du Levant (1678).Textes présentés et édités sous la direction de R. Etienne. Coll. "L'Atelier des voyages", n° 2, 528 p.
Jacob Spon (1647-1685) consacra sa vie à deux pôles d'intérêt : l'exercice de la médecine et l'étude des antiquités, notamment l'archéologie, véritable passion dont les publications savantes témoignent des progrès qu'il fit accomplir à la science antiquaire : recherches des antiquités et curiosités de la ville de Lyon (1673), Voyage du Levant (1678), Histoire de Genève (1680) et Mi scellanea Eruditae Antiquitatis (1685), véritable somme qui a servi longtemps de référence à toutes les études sur les antiquités. De famille, d'éducation, de culture protestantes, Spon a puisé dans la foi des richesses spirituelles hors du commun : rigueur morale, indifférence au prestige et aux honneurs, sens du devoir. C'est à l'époque - deuxième moitié du XVIIe siècle - où l'Em pire ottoman offre encore au monde occidental l'image d'une puissance redoutable, que Spon entreprit le périple de près de deuxans qui, après l'Italie, devait le conduire à Constantinople et à Athènes, en passant par l'Asie Mineure. Ce ne sont pas seulement par les sujets abordés, mais par la façon de les traiter, que Spon s'affirme comme un savant et son voyage comme une explorat ion archéologique. Humaniste, curieux de tout, Spon se livre à mille observations, passant des curiosités naturelles aux anecdotes pittoresques, des ruines antiques aux considérations sur les modes culinaires ou le prix des denrées. Son témoignage est l'un des plus vivants et des plus colorés qui nous ait été transmis, le petit groupe de voyageurs était exposé au brigandage, à la p iraterie, à l'exaction des fonctionnaires turcs, aux accusations d'espionnage, sans compter la peste endémique et les naufrages. Le Voyage dans le Levant fit autorité, fut traduit en plusieurs langues et devint le guide des voyageurs éclairés jusqu'au XIXe siècle.

Pierre Bayle dans la République des Lettres. Philosophie, religion, critique. Etudes recueillies et présentées par Antony McKenna et Gianni Paganini. Coll. "La Vie des Huguenots", n° 35, 592 p.
Les études sur Bayle ont connu, au cours des vingt dernières années, une extraordinaire renaissance : après l'importante monographie et les autres travaux d'Élisabeth Labrousse, qui ont reconstruit une image d'ensemble de l'homme et de l'oeuvre, de nouvelles monographies ont peu à peu élaboré des interprétations aussi générales quoique différentes dans leur substance et dans leur mé thode d'approche. Les articles de ce recueil dressent le bilan des recherches sur la vie de Bayle dans le Refuge rotterdamois, définissent son statut dans le grand complexe européen de réseaux qui constitue la République des Lettres et font le point de larecherche la plus récente sur le "Philosophe de Rotterdam" dans les différents domaines de son activité intellectuelle : philoso phie, religion, critique, ainsi que sur la réception de ses ouvrages en France, en Italie, en Allemagne et en Angleterre.


XVIIIe siècle

Nicolas Weysman, Mise en scène de l'opinion publique dans la littérature des Lumières. Coll. "Les Dix-huitièmes siècles", n° 83, 816 p.
Dès sa naissance à l'âge classique, l'opinion publique est ambivalente. Est-ce une erreur populaire ou une vérité publique ? Une antique rumeur, une clameur ou bien une clarté, une rationalité nouvelle ? À la lecture des textes, le phénomène apparemment unitaire se fragmente en deux figures gémellaires et antinomiques : l'opinion populaire et l'opinion publique. La première s'obser ve avec dégoût ; on rêve à la seconde avec délice. Mais jamais l'une sans l'autre : pas de lumière sans ombre, pas de parole sans silence. Pas d'opinion publique sans opinion populaire sur laquelle s'opère, par reniements successifs, la conversion philosophique du peuple en public. Fuir toujours davantage la réalité de la foule pour orner l'opinion des charmes de l'idée : tel aura été le grand oeuvre des philosophes soucieux de mettre cette idée au service des idées. Idée historique et morale, puis politique, l'opinion publique est avant tout philosophique, façonnée à la mesure du rôle que les philosophes prétendent jouer dans la société d'Ancien Régime. D'autres voix s'élèvent pour opposer à l'inertie et à la docilité d'un public assujetti à la férule philos ophique l'image contraire d'un génie national et d'une force intrinsèque.

Jean-Claude Hauc, Ange Gouda. Un aventurier des Lumières. Coll. "Les Dix-huitièmes siècles", n° 86, 224 p.
Pendant longtemps, Ange Goudar a dû se contenter du rôle de mauvais sujet (espion, tricheur et libertin) que Casanova lui a forgé dans ses Mémoires. Si le Montpelliérain a bien été ce personnage sulfureux, bête noire des censeurs et des inspecteurs de police, nous sommes infiniment redevables à Francis L. Mars d'avoir montré par ses travaux bibliographiques la place que celui-ci a occupée par ailleurs dans le domaine de la littérature et de la pensée. Avec sa curiosité toujours enéveil et son regard aigu, Goudar apparaît aujourd'hui comme un témoin capital de son siècle. Il restait cependant à expliquer comment deux tendances apparemment aussi contradictoires ont pu coexister à l'intérieur d'une même personnalité, se nourrissant l' une de l'autre. C'est à cela que s'efforce de répondre cet ouvrage, à partir d'une étude de l'oeuvre, de documents d'archives inédits et d'une recherche historique visant à situer avec précision chaque épisode de la vie de l'aventurier dans le contexte de son temps. Depuis son enfance languedocienne sous la Régence jusqu'à sa mort à Paris en pleine Révolution, c'est toute l'aventure des Lumières qui s'offre ainsi à nous.

John Toland, Lettres à Serena et autres textes. Edition, introduction et notes par Tristan Dagron. Coll. "Libre pensée et littérature clandestine", n° 20, 416 p.
Les Lettres à Serena, publiées en anglais en 1704, sont un texte majeur de John Toland et ont exercé une influence considérabledans l'histoire du matérialisme des Lumières. La traduction anonyme proposée ici, tirée d'un manuscrit inédit à ce jour, est tout à la fois fidèle et élégante. Initialement rédigé lors des séjours de Toland en Allemagne (à Hanovre et à Berlin) dans les ann ées 1701-1702, l'ensemble disparate des Lettres est le témoin de discussions engagées dans l'entourage de Leibniz etde la reine de Prusse, Sophie Charlotte, dont la présente édition s'est efforcée de reconstituer la chronologie à partir de documents parfois inédits. Les pièces rassemblées ici permettent de mettre en lumière l'évolution de la pensée de Toland qui, en mar ge de ses échanges avec Leibniz, élabore un matérialisme résolument dynamiste, à l'origine d'un "néo-spinozisme" original qui trouvera écho chez des philosophes tels que La Mettrie, Diderot ou d'Holbach. Elles permettent surtout d'apprécier les enjeux philosophiques et spéculatifs qui seront l'occasion, quelques années plus tard, du "système" si paradoxal du Pantheisticon : penseur radical, Toland rapporte partout les divers compromis de l'Âge classique à la crise humaniste dont ils procèdent.