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Ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre

Ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre

Publié le par Florian Pennanech (Source : Perin Emel Yavuz)

Colloque 23 octobre 2009 Auditorium de la Louvière, Epinal

Abstract

En philosophie, la notion de réflexivité est ce par quoi la pensée opère un retour sur elle-même. Or, c'est cette notion qui apparaît comme une des caractéristiques fondamentales de la modernité - cet état de conscience de lui-même et de ses actes auquel l'homme accède. Ainsi, rapportée aux représentations (littéraires, picturales ou autres), la réflexivité se constitue comme un discours interne de l'oeuvre portant sur sa propre forme. L'oeuvre donnerait ainsi des indices de sa propre conscience. Forme récurente de la modernité (radicalisant et systématisant progressivement son usage du modernisme au postmodernisme), la citation apparaît comme l'une de ces marques de la réflexivité de l'art en ce qu'elle produit une distanciation entre le producteur et son oeuvre, révélatrice de sa conscience et de son autorité dans le processus de création.

Dans La Seconde main ou le Travail de la citation (Seuil, 1979), Antoine Compagnon, historien de la littérature et critique littéraire, définit la citation dans le champ du texte selon trois modalités : le prélèvement d'un fragment dans un texte-source, sa greffe telle quelle dans un autre texte, sa distinction par le biais d'une marque d'énonciation linguistique (déictique, phrase) ou tyopgraphique (alinéa, deux points et guillemets, italique). Au-delà de cette stricte définition, la notion d'intertextualité qui se développe depuis les années soixante impose une grande variabilité des degrés de la citation allant ainsi du plus explicite (la citation directe signalée typographiquement) au plus implicite (référence, allusion, commentaire, parodie, plagiat, etc.). Dans l'article « Texte (théorie du) » qu'il rédige en 1974 pour L'Encyclopædia universalis, Roland Barthes écrit, en effet, que « tout texte est un intertexte ; d'autres textes sont présents en lui à des niveaux variables, sous des formes plus ou moins reconnaissables : les textes de la culture antérieure et de la culture environnante ; tout texte est un tissu nouveau de citations révolues. » Dans Palimpsestes (Seuil, 1982), Gérard Genette opère une nouvelle distinction dans laquelle il fait intervenir la notion d'hypertextualité, qu'il différencie de l'intertextualité en ce qu'elle implique une dérivation de sens : elle repose sur l'imitation de l'objet initial qui produit quelque chose de nouveau. L'intertextualité renvoie ainsi à la parodie et au pastiche.

Si la littérature abonde de ces jeux qui impliquent la reconnaissance du lecteur, les arts plastiques ne sont pas en reste. Du tableau de Manet, Le Vieux musicien (1862) qui repose sur une série d'allusions plus ou moins directes, aux oeuvres de Mark Leckey (lauréat du Turner Price 2008) qui reposent sur la référence perpétuelle au bain culturel populaire, en passant sur les travaux critiques de l'appropriationnisme tels que la série After Walker Evans (1981) de Sherrie Levine, en passant par la parodie de La Joconde de Léonard par Marcel Duchamp (L.H.O.O.Q., 1919) ou par les Money Chords de Saâdane Afif adaptant avec une erreur les codes colorés des bâtons de Cadere, ou par toute la tradition des collages et des montages démarrée avec Picasso en 1912 avec La Nature morte à la chaise cannée, ou encore par l'iconographie du tableau dans le tableau (du Portrait de Zola de Manet aux Combine-paintings de Robert Rauschenberg), ou encore par la mise en scène photographique (des tableaux vivants photographiques d'Oscar Rejlander au début du xxème siècle à la Picture for Women (1979) de Jeff Wall), etc., l'histoire de l'art moderne regorge de pratiques citationnelles. De la même manière que pour le texte littéraire, ces quelques exemples pointent la grande diversité des degrés de la citation dans les arts plastiques.

Rapportées aux productions plastiques, les définitions nous interrogent alors sur les modalités de la citation dans le champ de l'iconique. Tout d'abord, questionner l'usage de la citation renvoie à son historicité : quelle est l'histoire de la citation dans l'histoire de l'art ? N'est-elle qu'une marque de la modernité ? Qu'est-ce qui différencie son usage postmoderne de son usage moderne ? Ensuite, si l'on considère que l'intention de l'artiste qui vise la reconnaissance de l'élément greffé par le spectateur, quels sont alors les procédés mis en oeuvre ? Comment intervient-elle dans l'oeuvre ? Quel appareil formel tiendrait lieu de guillemets, par exemple ? De quels ordres sont les éléments repris (motifs ? détails ? cadrages ? etc ?) ? Enfin, à la suite de Dominique Chateau qui, dans L'Héritage de l'art : imitation, tradition, modernité (L'Harmattan,1998), pose la citation comme une marque de l'énonciation de l'artiste, nous pouvons interroger sur sa fonction et sa signification. Est-elle purement ludique ou alors critique ?

C'est à ces questions que le colloque organisé par l'ESAE et le Musée de l'image tentera de répondre.


Programme

Ouverture du colloque par Monsieur Michel Heinrich, député-maire de la Ville d'Epinal.

Introduction et présentation du programme par Martine Sadion conservatrice en chef du musée de l'Image à Epinal, Perin Emel Yavuz et Roselyne Bouvier, professeurs à l'ESAE.

10h – 12h La citation dans l'art contemporain
Modération: Roselyne Bouvier
- Annabelle Teneze, Conservatrice Musée national Picasso, "Warhol copiste / Warhol copié"
- Camille Debrabant, Collaboratrice Cabinet des arts graphiques à l'ENSBA, Paris, Doctorante à Paris I, "La citation dans le portrait, entre masque et miroir"
- Présentation d'oeuvres vidéo en collaboration avec les Yeux de l'Ouïe

14h – 16h La citation est-elle une marque de la modernité?
Modération: Perin Emel Yavuz
- Ludovic Recchia, Conservateur des arts et industries, Musée royal de Mariemont (Belgique), "Emprunt, citation, « sample » dans le design actuel"
- Alain (Georges) Leduc, Critique d'art, professeur à l'Ecole supérieure d'art de Metz-Métropole, "La citation en littérature, barrière épistémologique ?"
- Violaine Boutet de Monvel, Critique d'art, doctorante à Paris I, "Le passage du texte à l'image, intervention et projection de vidéos"

16h30 Visite de l'exposition d'Alain Simon « Les sept péchés capitaux » à l'ESAE, rue des Jardiniers et de « Ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre » au Musée de l'Image, quai de Dogneville