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Nature(s) : concevoir, vivre, représenter (18e-21e siècles)

Nature(s) : concevoir, vivre, représenter (18e-21e siècles)

Appel à communication colloque international

Nature(s) : concevoir, vivre, représenter (18e-21e siècles),

Université de Nantes, 6-8 juin 2013

 

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     Toute réflexion sur la nature, l’écologie, les écosystèmes, la biodiversité ou les environnements naturels implique de s’interroger sur la place et le rôle des êtres humains dans la nature. Et pourtant ce deuxième aspect n’est pas souvent envisagé dans toute sa complexité. Car si les êtres humains font partie de la nature, leur instinct le plus sûr est celui de la domination. Se demander si l’être humain est capable de laisser la nature s’épanouir en liberté en dehors de sa sphère d’influence serait une manière de reconnaître les limites humaines et le rôle joué par l’inconscient dans les actions de l’homme : la nature et sa spontanéité seraient comprises comme des métaphores de l’inconscient humain. En outre, l’être humain est-il capable d’admettre que toute idée de nature sauvage ou non domestiquée est impossible tant qu’il règne en maître, a fortiori dans un contexte urbain ? Quelle est la part de mythe dans l’idée de nature libre et spontanée ?

     Il est par ailleurs intéressant de constater que les concepts de lieu et de paysage intègrent l’idée de nature à l’intérieur d’un certain cadre, celui de la mémoire d’une part et du regard d’autre part. Il est possible de rapprocher ce cadre d’une forme d’appropriation intellectuelle ou artistique du côté sauvage et libre de la nature. Quelle place les êtres humains ont-ils réellement laissé à la nature sauvage ou non domestiquée au cours des deux siècles passés et à quel point se sont-ils fait croire que les constructions et les paysages qu’ils construisaient s’intégraient dans la nature en la respectant véritablement?

      Ce colloque a pour objectif d’interroger les relations qui ont lié les êtres humains et la nature urbaine en France, au Royaume-Uni et en Irlande depuis le 18e siècle dans des domaines aussi variés que les arts, la littérature, l’urbanisme et l’architecture paysagère. Avec quel degré de conscience les hommes et les femmes ont-ils pu apprécier le caractère artificiel ou paradoxal de leurs actions sur la nature au cours de cette période et précisément dans un contexte urbain ? 

      Lors d’une première journée d’études, qui a eu lieu en octobre 2011, les participants ont examiné les rapports complexes entre nature et temporalité depuis le 18e siècle. On s’est par exemple interrogé sur le rapport de la géographie pour les dames avec la nature des aspirations coloniales anglaises, sur la place de la nature dans les ruines antiques du poète Shelley, ainsi que sur la signification de la notion de nature à l’époque victorienne. Cette première journée d’étude s’est achevée sur la manière dont cette notion est utilisée dans deux textes contemporains, une nouvelle de William Trevor et une pièce de théâtre de Tom Stoppard.

     A l’occasion d’une deuxième journée d’étude, en juin 2012 nous nous sommes penchés sur les interactions entre nature et milieu urbain : hier parcs et squares urbains raffinés et domaines bucoliques aux portes des villes, aujourd’hui trames vertes, couloirs verts et friches apprivoisées. Ces espaces de nature en réseaux indiquent le souci actuel des pouvoirs publics d’encourager la biodiversité, de recenser et de guider la faune et la flore dans des espaces dominés par l’homme tout en prônant un retour de la nature dans les interstices des jachères urbaines. Nous avons vu comment dès les 18e et 19e siècles, la création des Champs-Elysées parisiens a été le fruit d’une réflexion sur la place de la nature dans la ville. Un éclairage contemporain a été donné par une présentation des politiques publiques et de leurs objectifs diversifiés à Nantes. Cette réflexion s’est poursuivie avec une fresque chronologique qui a mis en lumière la problématique de la création des espaces verts et parcs publics au Royaume-Uni et en particulier à Londres : peut-on en effet parler d’un « management écologique urbain » à Londres ? Les enjeux de santé dans le traitement des espaces de nature dans et autour des villes au 21e siècle dans les politiques publiques britanniques actuelles ont également été soulignés. Enfin, la question de la nature dans la ville nord-irlandaise de Belfast, divisée par des décennies de guerre, a été abordée à travers un roman de Robert McLiam Wilson, Eureka Street (1996).

            Bien d’autres questions demeurent, telles que celle des ruines et des cimetières paysagers « naturels », y compris en ville. De même,  à la nature « civilisée » qui s’était imposée sur une nature « sauvage », a succédé la réhabilitation de natures pré-coloniales et pré-industrielles, souvent fantasmées. Quels échos trouve-t-on de ce phénomène dans la pensée écocritique ? Ainsi, la tension entre la pastorale et la géorgique dans la conception de la nature anglaise au 18e siècle peut être perçue comme une préfiguration de la tension actuelle entre esthétique du sauvage et esthétique du cultivé, parfois résolue dans les jardins « en mouvement » ou les forêts urbaines, où cohabitent nostalgie d’une nature sauvage, besoin humain de la maîtriser et contraintes de la vie urbaine.  Dans le contexte de la crise économique et financière actuelle, quel est l’avenir des paysages urbains émaillés de chantiers inachevés, des sites industriels abandonnés ? La nature est-elle laissée libre de reconquérir ces espaces devenus des friches parce que les nations en guerre ou les économies modernes ont été mises à mal ?

     Le rapport à la nature est en outre très influencé par le rapport au temps. Tandis que les interventions dans la nature s’inscrivaient autrefois dans la durée et visaient à la pérennité, elles sont bien souvent aujourd’hui marquées au sceau de la vitesse et de la nécessité obsessionnelle du résultat rapide. Comment comprendre cette posture paradoxale entre l’exigence de l’immédiat, voire la culture de l’éphémère (festivals des jardins, installations, land art), d’une part, et la conscience aiguë de l’impératif de développement durable, d’autre part ? En outre, l’avènement de systèmes de réalité augmentée permet la matérialisation d’un désir utopique de faire apparaître toutes les strates du palimpseste de l’histoire, et une réappropriation de tous les rapports à la nature au travers des époques antérieures. Comment interpréter ces « arrêts sur images » qui caractérisent le traitement de nombreux espaces naturels aujourd’hui et ont pour conséquence la muséification d’espaces par définition en mouvement ?  Ces changements dans les relations que les êtres humains entretiennent avec les espaces naturels ont fait évoluer considérablement leur relation à l’espace mais aussi au temps et leur sentiment d’appartenance à un lieu. De même, malgré des méthodes de culture plus écologiques, la nature n’est-elle pas souvent considérée davantage comme un décor de vie que comme faisant partie de la vie elle-même ? Quels paradoxes se cachent derrière les mots eux-mêmes utilisés pour décrire la nature, spécialement dans un contexte urbain ? Les « éco-cités », méthodes et environnements « naturels » ou le « développement durable », ainsi que la cohorte des qualificatifs « éco »  ou « verts » sont-ils autre chose que de doux euphémismes modernes dissimulant une réalité moins reluisante? Ou au contraire sont-ils le signe dans le langage d’un besoin poétique fondamental des hommes de préserver des espaces de friche ou des zones interstitielles comme autant d’espaces d’innovation  et de créativité, un moyen pour les êtres humains de rêver et imaginer leur futur ?

     Le colloque international « Nature(s) » qui aura lieu du 6 au 8 juin 2013 et coïncidera avec d’autres manifestations culturelles et scientifiques à Nantes, « Capitale Verte Européenne 2013» posera la question des enjeux de la nature et des espaces naturels dans un contexte urbain. Comment au fil des siècles les écrivains, artistes, peintres ou urbanistes  se sont-ils emparés de ce concept de nature dans un monde devenu de plus en plus urbain pour rêver un futur pour l’espèce humaine ?

     Les propositions de communication (300 mots maximum) pour le colloque international de juin 2013  sont à adresser avant le 20 décembre 2012 aux organisateurs, accompagnées d’une brève notice biographique.

Organisateurs :

Sylvie Nail (Sylvie.Nail@univ-nantes.fr)

Pierre Carboni (Pierre.Carboni@univ-nantes.fr)

Marie Mianowski (Marie.Mianowski@univ-nantes.fr)

Comité scientifique :

Pierre Carboni, Professeur de littérature, Université de Nantes

Sylvie Nail, Professeur de civilisation britannique, Université de Nantes

Marie Mianowski, Maître de conférences en littérature, Université de Nantes

Francine Barthe-Deloizy, Maître de conférences HDR en géographie, Université de Picardie

Jacques Carré, Professeur émérite de civilisation britannique, Université de Paris IV

Frédéric Ogée, Professeur de littérature, Université de Paris VII

Michel Racine, Architecte, Enseignant à l’Ecole Nationale Supérieure du Paysage de Versailles

Paul Volsik, Professeur émérite de littérature, Paris VII

 

Call for Papers International Conference

Nature(s): Designing, Experiencing, Representing the Natural environment, 18th to 21st centuries

University of Nantes, 6-8 June 2013

 

     Any reflection on nature, ecology, ecosystems, biodiversity or natural environments implies a reflection on the place and function of human beings in nature. And yet the latter is usually curtailed or biased. Human beings are part of nature and their surest instinct is indeed domination. The underlying question is therefore whether they allow some aspects of nature to evolve freely outside their power or influence, which would be a way of recognising man’s limitations and/or the role of the unconscious in their actions - nature and its free reins acting as a metaphor of men’s unconscious - or whether they acknowledge that such a thing as wild nature or untamed nature in the vicinity of humans is impossible, even more so in an urban context, and that they therefore need to admit that the notion of a free nature is a myth. Interestingly, reflections and discussions on the notions of place and landscape envision nature within a certain human frame, either the frame of memory or that of gaze. This framing could be compared to an intellectual or artistic taming of the wilder aspects of nature. In what proportions have men accepted nature to be wild or untamed over the centuries and how far have they gone in the belief that the constructions and landscapes they built were still nature at its most “natural”?

     The forthcoming conference wishes to question more specifically the relationships between human beings and urban nature, in France, Britain and Ireland from the 18th century onwards, with a view to highlighting how consciously men and women have acknowledged the artificial and/or paradoxical notion of acting upon nature in those centuries, especially in an urban context and as shown in such varied fields as aesthetics, literature or landscape studies.

     In October 2011, a first workshop gathered participants who discussed the complex relationships between nature and time from the 18th century until today. It opened with a reflection on ladies’ interest for geography and the connections with English postcolonial aspirations, went on with a presentation of the place of nature in Shelley’s antique ruins, followed by a reflection on the meaning of nature in Victorian times. This first workshop also questioned the ways in which William Trevor and Tom Stoppard, two contemporary authors from very different backgrounds, represented nature in their works.

     In June 2012, a second workshop focused on the interplay between nature and urban life, from yesterday’s refined parks and gardens to today’s green corridors and cultivated former industrial lands. Those natural networks are an illustration of how public policies choose to promote biodiversity, in encouraging the fauna and flora to re-conquer man-dominated spaces, nest and take root in the nooks and crannies of urban fallow-lands. We also saw how, as early as the 18th and 19th centuries, the creation of the Champs-Elysées in Paris was the result of a reflection on the place of nature in the city. A contemporary French example was provided by the city of Nantes and how it has developed and managed its green and natural spaces over the past decades. This presentation was prolonged by a timeline that showed the specific context leading to the creation of public parks and gardens in Britain and specifically in London. While questioning the notion of an ecological urban management of London, it also addressed the links between health issues and the role played by public policies in the development of natural spaces in and around cities in the 21st century. So was the question of urban nature in the context of violence in the Northern Irish city of Belfast, as illustrated in Robert McLiam Wilson’s novel Eureka Street (1996).

     And yet many questions have as yet not been broached upon, such as the question of ruins and ‘natural’ landscape cemeteries, even in cities. In the same vein, pre-colonial and pre-industrial forms of nature have often been presented in ways that often verge on caricature just as ‘civilized’ nature has often been opposed to ‘wild’ nature. What are the echoes or traces of these binary systems of thought in eco-criticism today? The 18th century pastoral versus georgic conception of English nature could be interpreted as foreshadowing the present-day interest in wild as opposed to cultivated nature. The nostalgia for wilderness, the need to master nature, as well as the constraints of modern urban life merge and ground themselves in the designing of  ‘gardens in movement’ or the planting of urban forests which echo the preoccupations of earlier urban planners or garden designers of centuries past. In the context of the present economic and financial crisis, what of the urban landscapes of unfinished construction sites in some parts of Europe? What of battlefields in former times of war? Has nature been left to re-conquer freely those spaces because nations at war or modern economies have been in a way vanquished?

     Moreover, the relationship to nature is very much influenced by the way time is perceived. While human beings used to build their relationship to nature in the long run, nature is nowadays dominated by speed and an obsession with quick results. How can we understand and reconcile the double paradox of immediacy or even the ephemeral (garden festivals, installations, land art) on the one hand, with a genuine realisation of how urgent it is to address sustainable development issues? Today, the Web 2.0 revolution often reveals the different strata of history’s palimpsest and can turn so-called natural spaces into outdoor museums. This breakthrough in the relationship of human beings to natural spaces changes radically people’s relationships to space but also to time and to a sense of place. Also, despite more environmentally friendly methods of cultivation, is nature not too often considered as a background and an agreeable scenery for human beings to live in, rather than as an intrinsic part of our lives? What contradictions lie behind the terms themselves, used to describe nature, especially in an urban context? Are ‘eco-cities’, ‘friendly’ environments and methods, or ‘sustainable development’ and other such ‘eco’ or ‘green’ labels, nice and modern euphemisms hiding a far dire and gloomy reality? Or do they reveal a deep poetic need for men to preserve fallow or wastelands that could be interpreted as spaces of innovation and creativity, a way for human beings to dream their future?

      The international conference ‘Nature(s)’ which will be held on June 6-8th, 2013 and will coincide with other cultural and scientific events in Nantes, ‘European Green Capital 2013’, will further question what is really at stake when human beings consciously deal with nature and natural spaces especially in an urban context. How have writers, artists, painters or landscape planners been grappling with nature in a rapidly growing urban world over the centuries, to question the way human beings live but also dream their future?

     Proposals of not more than 300 words for the 2013 Conference should be sent before December 15th, 2012 to the organizers, along with a short biography.