Web littéraire
Actualités
Musique et littérature, entre Amazonie et Caraïbes. Autour d’Édouard Glissant.

Musique et littérature, entre Amazonie et Caraïbes. Autour d’Édouard Glissant.

Publié le par Marc Escola (Source : Hélène Hôte)

Référence bibliographique : Musique et littérature, entre Amazonie et Caraïbes. Autour d’Édouard Glissant., (c) Publications numériques du CÉRÉdI, 2014. EAN13 : 17754054.


Musique et littérature, entre Amazonie et Caraïbes. Autour d’Édouard Glissant.

Actes de la journée d’étude organisée à l’Université de Rouen en avril 2012, publiés par Nicolas Darbon

http://ceredi.labos.univ-rouen.fr/public/?musique-et-litterature-entre.html

Avec le soutien de :

- CÉRÉdI, Centre d’études et de recherche Éditer / Interpréter, Université de Rouen

- CMOPC (actuellement département des Métiers de la Culture), Université de Rouen

- LESA, laboratoire d’études en sciences des arts, Université d’Aix-Marseille

- CADEG, Centre d’archivage des documents ethnographiques de la Guyane, Université de la Guyane

- Agence universitaire de la la Francophonie

- Institut du Tout-Monde.

 

Présentation

En 1643, la Compagnie maritime de Rouen constituée de deux vaisseaux, après un voyage fort tourmenté, fonda les premières « habitations » de Guyane. Ainsi commençait une littérature et des échanges « culturels » entre la Normandie et le Cap Nord amazonien. Avant, après, la même histoire se répète dans chaque île de l’espace caraïbéen, aux Antilles, aux Amériques. Les « sauvages » relégués, les esclaves dépossédés, et toutes les populations entrent dans une spirale d’influences mutuelles y compris artistiques. La poésie d’Édouard Glissant, qui est mort en 2011 – ce colloque lui rend hommage –, illustre parfaitement les rapports intimes entre la musique et la littérature, plus particulièrement entre la musique créole, le jazz, la négritude et la diversité ultra-marine – de Victor Ségalen, Léon Gontran-Damas, Saint-John Perse à Aimé Césaire, Patrick Chamoiseau… Pourtant, Glissant revendique une non-appartenance à une communauté, une ouverture sur le Tout-monde, au Chaos-monde, une pensée du Tremblement, de la Créolisation, de la Relation. Autant de concepts-métaphores susceptibles d’éclairer cette affirmation du poète : « Mon style d’écriture est le style de jazz de Miles Davis ». Des rives du Maroni en Guyane où vivent les amérindiens et les Bushi Konde Sama (fils des esclaves fugitifs aussi appelés « marrons ») au littoral créole, asiatique, du Lamentin à la montagne Pelée en Martinique, de la France au Brésil, à la Louisiane… la littérature plonge plus qu’ailleurs ses racines dans la Musique et dans l’Oralité.

 

Table des matières et résumés

Nicolas DARBON, Introduction générale

  • Poétiques musicales

Jean-Luc TAMBY, Édouard Glissant et les partis pris du rythme

Résumé :

Dans la thèse que j’ai consacrée aux prolongements musicaux de la pensée et de l’œuvre d’Édouard Glissant, la question du rythme a occupé une place centrale. Édouard Glissant propose en effet de rapprocher par le rythme « le style de jazz » de Miles Davis et son propre style. Les praticiens du rythme, poètes, comédiens, musiciens ou danseurs, utilisent les métaphores du rythme comme un vecteur de communication qui réunit les différents arts et surtout comme une source d’inspiration qui les pousse à dépasser les limites inhérentes à leur propre discipline. À l’inverse, certains théoriciens et critiques, musicologues, poéticiens, se méfient des métaphores du rythme qui contredisent l’exigence scientifique de leurs travaux. À la fois producteur et critique, Édouard Glissant nous engage dans une écoute presque métaphysique des rythmes, en même temps qu’il se défie des imprécisions et des idées reçues qui entourent cette notion. C’est donc à la fois l’ampleur du rythme glissantien et son ancrage dans une histoire déterminée et un « lieu incontournable » que cet article propose d’évoquer.

Pierre Albert CASTANET, Pour une poétique musicale des profondeurs

Résumé :

 « Pour une poétique musicale des profondeurs » désire rendre un hommage spécialement musical à la pensée en archipel d’Édouard Glissant. Entre allégorie et métaphore, introversion et extension, réalité et irréalité, l’étude de Pierre Albert Castanet tente de montrer que la musique peut devenir le corrélat expressif de la proposition littéraire. Illustrée d’exemples précis puisés dans les partitions de Schwitters, Honegger, Migot, Schoenberg, Scelsi, Messiaen… Dufourt, Gubaidulina, Pärt, Feuillie, Louvier, Grisey, Cendo, Bedrossian… l’article musicologique embrasse des considérations esthétiques relatives à l’obscur, l’enfer, l’enfermement, la chute, l’infini, le vertige ou l’ombre.

  • Études guyanaises

Nicolas DARBON, Bruits, création sonore et performance : trois contes (Palikur, Créole et Saramaka) de Guyane

Résumé :

Cet article expose des pistes transdiciplinaires : a) musicologiques (la création sonore en direct), b) anthropologiques, c) musico-littéraires. Il s’intéresse à la performance du conteur et utilise l’outil de la « transdiction » afin d’aborder les transferts d’un Dit vers un autre Dit dans sa dimension sonore et corporelle. Parmi les contes abordés et reproduits, qui eux-mêmes contiennent une dimension musicale : le conte Créole révéyé (« Ravet et poule »), le conte Saramaka (« L’abattis de Coq et Cafard »), et le conte Palikur (« La femme baboune »).

Nicolas DARBON, Qu’est-ce que la transdiction ?

Résumé :

La transdiction est un néologisme désignant un outil pour approcher l’intertexte au-delà du texte, incluant le sonore, l’oralité, la gestualité, etc. Elle s’envisage comme une théorie du « ton ». Provenant de « trans » et de « diction », elle insiste sur le mouvement, la dynamique du transfert. La transdiction circule dans le champ musico-littéraire ; elle croise les approches, examine les empreintes, dévoile la complexité, encycle et recycle. Elle cherche à analyser l’indicible. Se situant quelque part dans le polyart et l’intermodalité, elle compare les cultures et tient compte du temps.

Apollinaire ANAKESA, Musique et parole, parole musicale guyanaise. Écho à la mémoire du verbe poétique d’Édouard Glissant

Résumé :

Le discours poétique d’Édouard Glissant est un chant profond d’une parole qui se meut, cohérent, au sein d’un projet littéraire structuré autour de quatre piliers moteurs : langage et paysage d’une part, espace de l’histoire et espace de la mémoire de l’autre. C’est pour lui une manière d’interroger le monde qui, dans son unité éclatée, requiert que chacun s’efforce d’aller vers « l’opacité reconnue de l’autre ». En écho à cette parole et quelques discours sous-jacents – tel que le Discours de la relation –, je m’interroge sur la nature et le sens de la mémoire en musique. Pour ce faire, je m’appuis sur l’art de sons guyanais d’aujourd’hui, dont la musique est un genre de « langue spécifique », moteur révélateur et d’élaboration de connaissances et de savoirs divers et variés.

  • Études glissantiennes

Hugues AZÉRAD, L’Intention poétique d’Édouard Glissant à rebours de la tradition poétique française

Résumé :

La parfaite mesure du monde : Édouard Glissant réinvente la poésie française du XIXe siècle. Dans cet article, nous nous pencherons principalement sur les lectures que Glissant a faites de Rimbaud et de Mallarmé dans son livre poétique princeps, L’intention poétique, pour tenter de dégager en quoi ce XIXe siècle poétique français est à son tour réinventé par la lecture permanente – maintenant en sa dynamique la révolution « permanente » incarnée par Rimbaud et Mallarmé – que le poète martiniquais en a faite.

Émilie YAOUANQ-TAMBY, Entre mer et source : flux et reflux dans les romans d’Alejo Carpentier et d’Édouard Glissant

Résumé :

Cette communication propose d’explorer le traitement du temps et de ses rythmes, en suivant les thèmes de la mer et du fleuve, dans La Lézarde d’Édouard Glissant, et dans plusieurs romans d’Alejo Carpentier comme Le Partage des eaux et Le Siècle des Lumières.

Paul PAUMIER, Figures de Toussaint Louverture : Monsieur Toussaint d’Édouard Glissant confronté au regard des historiens contemporains

Résumé :

La figure de Toussaint Louverture est multiple : porte-drapeau des abolitionnistes (Victor Schœlcher), chantre de la négritude (Aimé Césaire), il apparaît comme un élément du discours antillais chez Édouard Glissant. Seule pièce de théâtre de l’écrivain mort en 2011, Monsieur Toussaint a été publié en version « théâtre » en 1961 et en version « scénique » en 1978. Monsieur Toussaint est une fiction qui prend l’histoire de la révolution de Saint Domingue pour contexte (1791-1804). C’est une « œuvre de récapitulation » centrée sur la mort de Toussaint-Louverture en France au fort de Joux (1802). Glissant précise que « dans “les Jacobins Noirsˮ, CLR James soutient que Toussaint Louverture, premier artisan de l’émancipation de Saint-Domingue, ne garda pas le contact avec la révolution populaire ». En effet, on s’accorde à penser qu’en 1802, date de son enlèvement et de sa déportation en France, le pouvoir de Toussaint, libérateur des esclaves et gouverneur de Saint Domingue, est vacillant après avoir été tout puissant : « À partir d’un apogée de puissance, [il est] abandonné de ceux qu’il avait libéré de la servitude. » L’œuvre du libérateur semble avoir trouvé sa finalité dans celle de gouverneur. Certes, la révolution a triomphé dans la colonie de Saint-Domingue, mais elle a été vaincue en France métropolitaine ; la contradiction est évidente, et tout l’édifice idéologique de Toussaint s’effondre. Que nous disent les biographes contemporains de ce personnage historique si singulier : Toussaint Louverture ?