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Mostefa Lacheraf comme une présence tutélaire

Mostefa Lacheraf comme une présence tutélaire

Publié le par Florian Pennanech (Source : Amina Bekkat)

 

Mostefa Lacheraf, comme une présence tutélaire

 

En 2004, cinquante ans après le soulèvement révolutionnaire algérien, s’est tenu à Alger un colloque : Mostefa Lacheraf : une oeuvre, un itinéraire, une référence, à l’initiative de l’association AADRESS et de l’équipe de la revue NAQD. Dans le texte de présentation des actes du colloque en ces termes : « Ce livre (…) n’est qu’une balise, peut-être la première, au chemin qui reste à accomplir. »

Aujourd’hui, 2012, cinquantenaire de l’indépendance de l’Algérie, nous voudrions à notre tour poser une autre balise « au chemin qui reste à accomplir » pour redonnersa place à une personnalité qui manque assurément d’audience dans nos universités. Ces nouvelles analyses ne peuvent que  redynamiser la portée intellectuelle de Mostefa Lacheraf et en réactiver les fondements épistémologiques.

Dans ce dessein, il faut reconnaître que la diversité et la richesse des articles actés laissent plutôt la place étroite à d’autres lectures analytiques de l’oeuvre plurielle de Mostefa Lacheraf. Cependant, en étant attentif à la remarquable bio-bibliographie répertoriée, on y décèle des possibilités d’embrasser plus largement, plus profondément les écrits qui jalonnent la vie de Mostefa Lacheraf.

De ce dernier, le public initié garde essentiellement  l’image de l’intellectuel révolutionnaire, celui de la décolonisation, le tiers-mondiste qui ne pouvait exclure de ses préoccupations la colonisation de la Palestine sur laquelle il s’est exprimée dans le bulletin d’information du Centre Culturel Algérien d’Argentine (1967, 1970) et à Mexico (Etudes d’Asie et d’Afrique, Vol XV, El Colegio, 1980). Vient ensuite l’analyste de l’Algérie à la lumière des ressources de l’anthropologie culturelle locale qui délivre les fondements identitaires et autorise, à titre d’exemple, une appréciation éclairée de la place et de la pratique du religieux, une des racines culturelles de l’Algérie dont la dégénérescence s’est manifestée aux plans sociétal et politique dans la dernière décennie. Ou encore cet autre exemple, l’ancrage de la paysannerie, sa survivance, son prolongement dans l’espace urbain. Ce que l’on retient aussi de Mostefa Lacheraf, mais plus accessoirement, c’est sa posture d’écrivain-poète qui viendrait comme un surcroît compléter une stature déjà en place. Presque intentionnellement on oublie le responsable de l’institution scolaire dont le projet d’écolea braqué contre lui des courants opposés. C’est là un segment sur lequel il conviendrait de revenir pour comprendreetpeut-être corriger les représentations du système scolaire actuel.

 Notre objectif est donc d’augmenter la visibilité de Mostefa Lacheraf dans une visée de complémentarité avec les travaux déjà engrangés: apparaîtra alors l’unité de pensée du polygraphe, rendue par l’écriture et le style assurément distinctifs d’un écrivain.

Presque tous les écrits de Mostefa Lacheraf, d’abord parsemés entre journaux, revues, actes de colloques, séminaires et autres lieux, ont été ordonnés et rassemblés en cinq volumes dont l’ensemble tient lieu d’autobiographie intellectuelle à laquelle vient s’ajouter celle de l’homme qui se dit à travers ‘’ Des mots et des lieux’’ en convoquant ses ‘’Mémoires d’une Algérie perdue’’. Il serait intéressant aussi d’étudier la matière fictionnelle du roman inachevé ; enfin une écriture aussi au plus près de l’écoute de la littérature orale et de l’acte poétique.

De ces écrits, à la périphérie de son engagement politique et de sa vision de la société, mais leur faisant largement écho, rappelons, à toutes fins utiles :

  • « Petits poèmes d’Alger »,Les Cahiers du Sud, 1947.
  • Chansons des jeunes filles algériennes, Seghers, 1953 ; rééd. Algérie : Littérature/ Action,  N° 20-21, avril-mai 1998, avec ajout d’une note introductive.
  • Poésie : « Poème » dans Départs, recueils de poèmes,Béziers, éd. Sodiep, 1952 –Dans Simoun, n°21, 1955 – Dans Esprit, n°2, 1962 –« Pays de longue peine »,Anthologie des écrivains maghrébins d’expression française, Albert Memmi, Présence Africaine, 1964 –dans Diwan algérien, de J. Lévi-Valensi et J-E. Bencheikh, SNED, 1967.
  • Contes traduits : « Le chasseur, la femme et les trois fauves », dansSimoun, n°24, 1957–« Le jeu du Gaïr » dans Entretiens, numéro spécial sur la culture algérienne, Subervie, 1957.
  • « Une jeune fille venue de loin », extrait d’un roman inédit inachevé (1953), Amitié des hommes, dans Contes algériens, Christiane Achour et Zineb Ali Benali (dir.), Paris, L’Harmattan, « Légende des mondes », 1989.
  • Le cheval algérien. Un long voyage dans une histoire avec ses ancêtres barbeet arabe (1988), Catalogue de l’exposition ‘’Cheval et tradition en Algérie’’ (1994).
  • Pays de longue peine, éd. complète en livre d’art de l’ensemble des poèmes de Mostefa Lacheraf, Limoges, J-M. Ponty pour Adélie, juillet 1994, 120 exemplaires. Recueil des poèmes Christiane Chaulet Achour et Dalila Morsly, livre d’art et illustrations, Ali Silem.

Le rapport à la littérature est aussi présent chez Mostefa Lacheraf, le préfacier. L’ouvrage Littérature de combat. Essais d’introduction, études et préfaces,(Bouchène, 1991), regroupe les présentations de :

  • Matinale de mon peuplede J. Senac (1961)
  • Algérie, capitale Algerd’Anna Greki (1963)
  • Pour une anthologie absente,  (préface volontairement retirée)
  • Abécédaires en devenir. Idéologie coloniale et langue française en Algérie deChristiane Achour (1984)
  • Décoloniser l’histoire, Mohammed Sahli
  • Nedjma, Kateb Yacine (30° anniversaire)

D’autres préfaces ont été écrites pour d’autres ouvrages :

  • La Casbah d’Alger, et le site créa la ville d’André Ravereau, Sindbad, 1989
  • Images d’Amériqued’Adriana Lassel, ENAP, 1982
  • Pierres et lumières deBelkacem Aït Ouyahia, Casbah, 1999
  • Les Syndicalistes algériensde R. Bourouiba, 1997

L’homme de lettres s’est interrogé sur le pouvoir de la littérature dont il définit la mission dans un débat sur le roman maghrébin (Ecrits didactiques, ENAP, 1988) et qui ne manque pas d’interpeller comme sa lecture du roman de Mouloud Mammeri,‘’La Colline oubliée ou les consciences anachroniques’’ (Le Jeune musulman, N° 15- 13 Février 1953). Toujours dans le segment culture et société, le septième art interpelle Mostefa Lacheraf qui s’exprime sur ‘’Le cinéma algérien’’ (Histoire, culture et société, ANEP- 2004), ‘’ Du voleur de Bagdad à Omar Gatlato’’ (Cinéma Action, N° 14)

L’actualité immédiate qui frappe les pays arabes ne peut que nous inviter à remettre en lumière l’analyste des idéologies de la régression. Les essais sur la décolonisation trouvent naturellement leur pendant quand il s’agit d’observer ce qui mine l’Algérie de l’intérieur. Nous y trouvons matière dans Les ruptures et l’oubli (Casbah, 2004) et autres articles :

  • « L’intégrisme est la preuve flagrante de l’absence de toute pensée religieuse structurée »,Le Soir d’Algérie, 31-07-1993
  • « Pour que l’intégrisme ne soit plus l’obsession de l’Algérie », Le Siècle, N°5 11-17, Août 1999

L’école, appareil idéologique d’état, s’en trouve menacée. Mostefa Lacheraf, ministre de l’éducation nationale, avance son projet d’école qui fait réagir ses détracteurs. Il s’exprime alors publiquement dans différents organes de presse comme El Watan (9-10- 1999). Mais bien avant, en 1963 et 1964 il énonce déjà sa conception de l’éducation nationale dans Révolution Africaine, (N° 43, 44,46, 50) et dansEl Moudjahid(9-10-11 Août 1977 et 25-09-1977).

Sans exclure les autres centres d’intérêt toujours porteurs d’enseignements, en privilégiant les axes ci-dessus énoncés compte tenu de leur rapport avec les données présentes de l’Algérie, en mettant à l’honneur les écrits littéraires et para littéraires parce qu’ils sont peu connus, nous voudrions signifier l’unité et la cohérence d’une pensée qui s’est déployée sur différents segmentsen une variété de registres formels et dans une parfaite harmonie.

Il s’agit donc d’aller à la rencontre de Mostefa Lacheraf, le romancier, le  conteur, le poète, le préfacier, le théoricien de la littérature, de l’homme et sa société, l’homme et son temps.

A ces axes dictés par son oeuvre s’ajouteront volontiers les témoignages de ceux qui l’auront connu en diverses circonstances.

 

Les résumés d’intention de proposition sont recevables jusqu’au 31 Août 2012.

Le délais de réception des articles finis, le 31 octobre 2012, en prévision d’une publication en décembre 2012. Joindre impérativement à l’article un résumé (10 lignes) en français, anglais et arabe.

Contacts : afifabererhi@yahoo.fr

                  Reflexions.perspectives@hotmail.fr

 

Conseil de rédaction : Christiane Chaulet-Achour, Mohamed Benguerna, Amina Bekkat,

 Mohamed Ghamallah, ZoubidaHaddab, Saliha Zerrouki