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Modèles romains de l'épopée ibérique au seizième siècle 

Modèles romains de l'épopée ibérique au seizième siècle

Publié le par Alexandre Gefen (Source : CLEA 3 (Paris-Sorbonne))

Modèles romains de l’épopée ibérique au seizième siècle

Journée d’études organisée par Aude Plagnard

Séminaire doctoral 2013-2014, "Rome vue d’Espagne. Humanisme, humanités et littérature (Espagne, XVIe-XVIIe siècles)", sous la direction du professeur Mercedes Blanco

 

Programme

14h30-16h : 

Mercedes Blanco : ouverture du séminaire 

Aude Plagnard : Introduction, « Aspects littéraires et éthiques de l’imitation des modèles romains dans l’épopée du XVIe siècle »

Hélio Alves (Universidade de Évora),

« Lisboa nova Roma? Modelos romanos adoptados e silenciados nas primeiras epopeias em língua portuguesa »

16h15-17h45 :

Roger Friedlein (Ruhr Universität, Bochum),

« La Araucana de Alonso de Ercilla y Zúñiga y la Eneida en el episodio de la casta Dido »

Aude Plagnard (Casa de Velázquez EHEHI, CLEA 3),

« Virgile en question : modèles épiques croisés dans La Araucana »

17h45-18h30 : débat

 

Vendredi 16 mai 2014, 14h30-18h30. Maison de la Recherche, salle 009, 28, rue Serpente, 75006, Paris. 

 

Argumentaire 

L'épopée en langue vernaculaire se développa dans la péninsule Ibérique après 1550, sous la plume de poètes ayant reçu une éducation humaniste par les lectures et les maîtres de leur jeunesse. Ainsi Gonzalo Pérez, secrétaire du prince Philippe d’Espagne, traduisit vers le milieu du siècle l’Odyssée du grec en vers castillans, étudia le grec, la rhétorique et le droit à l’université de Salamanque. Sa traduction fut corrigée par le Cardinal de Mendoza et par son secrétaire, l’humaniste Juan Páez de Castro. L’ambition et les vastes proportions de leurs poèmes amenèrent des auteurs tels qu’Alonso de Ercilla, Luis de Camões ou Jerónimo Corte-Real, à choisir des modèles antiques, principalement latins et lus dans les mêmes éditions latines et dans les mêmes traductions vernaculaires en Espagne et au Portugal. Les épopées latines guidaient les poètes des deux pays dans le choix de leur matière, le dosage de l’histoire et de l’affabulation, l’agencement du récit et sa dramatisation. Elles leur fournissaient aussi un arsenal de motifs, d’images, de figures, tout un langage propre à soutenir le grandiose et le sublime, composantes rhétoriques indispensables du genre. Différents types d’imitations ont été mis au jour dans de récents travaux (Thomas Greene) qui permettent d’approfondir l’analyse de l’imitation et le rapport ainsi créé entre les poètes et leurs modèles.

Hélio Alves analysera ces modes de l’intertextualité, non seulement pour comprendre les problèmes esthétiques que tentent de résoudre les auteurs mais aussi pour saisir l’enjeu éthique et politique de poèmes. C’est le cas de l’imitation de Virgile par Camões, qui file le parallèle entre Vasco de Gama et Énée, entre les Lusiades (1572, António Ribeiro, Lisbonne) et l’Enéide, entre lui-même et le poète latin par une série d’allusion explicites. 

À ce premier mode d’imitation, explicite, affichée et revendiquée, il opposera celui du poète contemporain Jerónimo Corte-Real, plus implicite et moins visible. Il s’interrogera en particulier sur la façon dont ce dernier ne tire pas parti du triomphe « à la romaine » qui clôt le Siège de Diu (~1568-1574, António Gonçalves, Lisbonne) et échappe à une logique de célébration impériale.

La référence à ces modèles affleure tantôt par des imitations ponctuelles, tantôt par des renvois explicites aux personnages et aux épisodes de Virgile, de Lucain, de Stace ou de Silius Italicus. Le cas de l’épisode de Didon dans la Troisième partie de la Araucana (ed. pr., 1589, Pierres Cossin, Madrid) est problématique à cet égard : alors que dans l’ensemble du poème les modèles de Virgile et de Lucain sont constamment utilisés, le personnage de Didon, que Roger Friedlein étudiera, est lui construit sur le modèle anti-virgilien et historique de la Didon de Justin. L’intertextualité avec les modèles antiques, destinée à être interprétée et goûtée par le lecteur idéal, dotait les créations des poètes portugais et espagnols d’un supplément de légitimité dans le monde des lettres de leur temps, et leur donne encore aujourd’hui un surcroît de sens. 

Ces poèmes convoquent à la fois des éléments d’éloge et de blâme dans un discours où l’on a souvent vu des contradictions internes, et une tension certaine avec le propos panégyrique que l’on prête au premier chef à l’épopée de cette époque. Le discours de la critique se trouve en effet polarisé par ces dichotomies (éloge ou blâme, optimisme et pessimisme). Aude Plagnard, cherchera à exposer le fonctionnement conjoint des éléments d’éloge et de blâme dans les poèmes de Corte-Real et d’Ercilla où l’imitation des modèles antiques se veut explicite (Seconde partie de la Araucana, 1578, Pierres Cossin, Madrid) et Victoire de Lépante, ~1575-1578, António Ribeiro, Lisbonne). On partira des quelques propositions qui permettent dépassent cette contradiction – au premier chef, celles d’Hélio Alves et de Craig Kallendorf.