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Modèles et théories du genre en confrontation

Modèles et théories du genre en confrontation

Publié le par Matthieu Vernet (Source : Driss ABLALI)

Journée CONSCILA (ENS)

Modèles et théories du genre en confrontation

Organisée par Driss ABLALI (Université de Franche-Comté, LASELDI)

21 OCTOBRE 2011

Salle des Actes, ENS, 29 rue d'Ulm, Paris, 75005

Programme

Président de séance : Sylvain LOISEAU

9H30-10H00 : Marie-Anne PAVEAU, CENEL & Université Paris 13-Nord : « Genre de discours et technologie discursive. Tweet, twittécriture et twittérature ».

10h00-10h30 : Nicolas COUEGNAS, CERES & Université de Limoges : « Genre, degré de généricité et singularité : le cas des albums d'enfance ».

10h30-10h45 : pause

Président de séance : Magalie BIGEY

10h45-11h15 : Driss ABLALI, LASELDI, Université de Franche-Comté : « Tous les textes ne sont pas des contes. Contre-"propositions pour l'étude de la généricité" ».

11h15- 11h45 : Sylvain LOISEAU, LDI UMR 7187 CNRS/Université Paris 13-Nord : « La notion de tradition discursive : une perspective diachronique sur les genres textuels et sur les phénomènes de fréquence ».

11h45-12h15 : Caroline MELLET, Fanny RINCK, MODYCO & Université Paris Ouest Nanterre La défense, & Frédérique SITRI : Syled-Université Paris 3 et Université Paris Ouest Nanterre La défense : « Hétérogénéité des genres ».

Déjeuner

Président de séance : Marie-Anne PAVEAU

14h00-14h30 : Magali HUSIANYCIA, ATILF CNRS & Université de Nancy 2 : « Etudier les genres de discours à l'oral en situation professionnelle : l'exemple des réunions de travail ».

14h-30-15h00 : Muriel BOURGEOIS, UMR 8599 Paris IV & Université de Montpellier II : « Entre psychologie cognitive et herméneutique: comment penser un "texte" sans "genre"? ».

15h00-15h30 : Marie DURET-PUJOL, Université de Paris III / Université de Bordeaux III : « Conflits génériques autour du terme « comédie ».

15-30 -15-45 : pause

Président de séance : Frédérique SITRI

15h45-16h15 : Magali BIGEY, LASELDI & Université de Franche-Comté : « Genre sériel et hybridation : du texte à la réception romanesque ».

16h15-16h45 : Sandra GLATIGNY, CEREDI & Université de Rouen : « Genre et textualité lyrique : l'impossible modèle ? ».

16H45-17H30 Discussion finale avec la participation

de Sonia BRANCA-ROSOFF (Syled-Université Paris 3)


Dans l'esprit de l'association CONSCILA, et sous un angle peu étudié, nous organisons une journée d'études interdisciplinaire consacrée à la confrontation des modèles textuels qui permettent l'interaction entre texte et genre. La notion de genre a donné lieu à des prises en charge théoriques variables, voire divergentes, et rares sont les disciplines des sciences humaines à n'y avoir pas recouru. C'est aussi une question longuement débattue en théorie littéraire, alors qu'en linguistique, elle fut jugée, durant une bonne partie du siècle dernier, comme dénuée de sens. Comme notre objectif ne consiste pas à faire l'histoire de cette problématique, ni à lui trouver une solution, nous souhaitons consacrer une journée au dialogue des théories qui cherchent à articuler textualité et genre.

Évoquer la question du genre, c'est nécessairement s'installer dans la pluralité des disciplines et des points de vue. En sciences du langage, la notion de genre est floue et instable, et soulève encore de nombreuses difficultés théoriques et épistémologiques dans des domaines aussi variés que l'analyse du discours, la sémiotique, la psychologie du langage, la pragmatique, la sociolinguistique et la didactique. Différents paliers de la textualité sont convoqués pour explorer l'impact des genres sur les textes : l'ancrage social, les régularités syntaxiques, énonciatives et stylistiques, les marqueurs discursifs et lexicaux, les caractéristiques compositionnelles, les contraintes situationnelles, etc…

Les théories littéraires poursuivent le débat sur cette question, loin du carcan typologique où le genre a pendant longtemps été cantonné, en cherchant au contraire à explorer ce que la pratique des genres requiert et produit dans l'acte de lecture, ou à cerner les modes poétiques et les enjeux épistémologiques du redéploiement dans la littérature contemporaine des formes génériques, comme en témoigne le concept de « transgénéricité ».

Le genre intéresse aussi les théories de l'information et de la communication qui ne peuvent pas s'en passer dans le traitement des questions liées au stockage et à la circulation de l'information, au référencement sur le web, à la fouille de texte ou à l'extraction de connaissances.

Pour cette nouvelle rencontre sur le genre, nous souhaitons privilégier les communications interdisciplinaires qui contrastent des positions théoriques, afin de créer une plate-forme de discussion, de comparaison et de coopération durable. Ainsi, cette journée favorisera volontiers les propositions à caractère comparatif, dont l'objectif sera de circonscrire l'expression de la question des genres sous ses différents aspects, d'appréhender l'ensemble de ses manifestations. L'objectif de la journée est de faire le point sur ces avancées diverses, loin des querelles et des rivalités théoriques, en croisant les regards des différentes branches issues des sciences du langage, des théories littéraires ou du champ de l'information et de la communication.


Résumés des communications :

« Tous les textes ne sont pas des contes. Contre-"propositions pour l'étude de la généricité" », Driss ABLALI, Université de Franche-Comté, Laseldi :

Dans le sillage des travaux linguistiques qui continuent à s'affronter à la tentative de comprendre les relations entre genre et texte, nous souhaitons discuter des fondements épistémologique et empirique de la notion de « généricité », développée en linguistique textuelle par J.-M. Adam. Plus particulièrement, on reviendra sur les six propositions qui sont au centre de cette notion qu'Adam et Heidmann ont développées essentiellement à partir des contes pour voir si ces propositions, qui soulèvent de sérieux problèmes théoriques et méthodologiques, peuvent être rapportées à tous les genres, comme le veulent les deux auteurs, ou si elles sont spécialement fondées sur des canons littéraires qui neutralisent leur prétention à l'universalité. Il y a donc des raisons de vouloir faire le point à ce sujet, à partir des travaux de Hjelmslev, Rastier et Coseriu, pour explorer sur différents corpus ce que présuppose la légitimité de ces propositions. Plusieurs questions se posent donc et méritent qu'on s'y attarde. La première concerne le cadre théorique dans lequel les six propositions sont définies. La deuxième essaiera de répondre point par point à leur transversalité. Enfin, sera posée la notion de « cooccurrence autoconstituante » que nous développons, dans le cadre des sciences des textes, pour la caractérisation générique des textes en corpus.

Bibliographie :

ABLALI, D. (à paraître), « La grammaire fonde-t-elle une nouvelle typologie des genres textuels ? Le cas de la cooccurrence autoconstituante », in Revue de l'institut de Linguistique Française, P. Haillet (dir.), Mars 2012.

ADAM, J.-M. (2001), Les textes : types et prototypes, Paris, Nathan.

ADAM, J.-M. & HEIDMANN, U. (2007), « « Six propositions pour l'étude de la généricité », in La Licorne, n°79, Le Savoir des Genres, Baroni, R. & Macé, M. (Eds), p.21-34.

ADAM, J.-M. (2004, ), « Des genres à la généricité. L'exemple des contes (Perrault et les Grimm) », Langages n°153, Les genres de la parole, Bouquet, S. (Ed.), Larousse, 2004, p. 62-72.

ADAM, J.-M. (2005), « Les sciences de l'établissement des textes et la question de la variation », in Sciences du texte et analyse de discours, U. Heidmann & J.-M. Adam (dirs), Genève, Slatkine, p. 69-96.

COSERIU, E. (2001) : L'Homme et son langage, Peeters, Leuven.

COSERIU, E. (2007 [1958]) : « Synchronie, diachronie, histoire », in Texto !, 12, 3/4, non paginé.

COSERIU, E. (2007b [1980]) : « Du primat de l'histoire », in : Texto !, 12, 2, non paginé.

GADET, F. (2003) : La variation sociale en français, Paris, Ophrys.

HJELSMLEV, P, (1929), Principes de grammaire générale, Copenhague, Bianco Lunos Bogtrykkeri.

HJELMSLEV, L. (1943), Prolégomènes à une théorie du langage, Paris, Minuit, (cité d'après la traduction de 1968).

LOISEAU, S. (2008), « Corpus, quantification et typologie textuelle », in Texto !, Vol. XII, n° 4, http://www.revue-texto.net/

RASTIER, F. (2001), Arts et sciences du texte, Paris, PUF.

RASTIER, F. (2011), La mesure et le grain - Sémantique de corpus, Paris, Champion.

« Genre sériel et hybridation : du texte a la réception romanesque », Magali BIGEY, Université de Franche-Comté, Laseldi :

Les genres sont pensés comme des « critères servant à juger de la conformité d'une oeuvre à une norme, ou plutôt à un ensemble de règles » (SHAEFFER, 1989 : 33). Qu'en est-il quand il s'agit de l'hybridation des genres, quelles sont les règles à respecter, en fonction de quelle norme, si norme il y a encore ?

A partir de ce postulat, l'idée n'est pas de créer une nouvelle épistémologie du genre sériel sentimental par exemple, mais de l'étudier et de l'accepter tel qu'il se dégage par ses éléments et sa récente hybridation. Ce genre particulier se définit par nombre de critères tels que des invariants narratifs, des contraintes structurelles, et il articule avec le texte un miroir social, d'autant plus que depuis plusieurs années, l'hybridation vue par les éditeurs comme genre classificatoire est garante d'un nouveau lectorat populaire. Nous verrons comment, d'un genre populaire à un autre il n'y a qu'un pas, et nous étudierons l'horizon d'attente par l'analyse de discours, tel qu'il se dégage des blogs et forums de discussion. Enfin, nous verrons comment, en matière de lecture romanesque, les horizons d'attente se rejoignent dans l'actualisation de l'acte de lecture.

Bibliographie :

ADAM J.-M., 1999 : Linguistique textuelle : des genres de discours aux textes, Paris, Nathan, Collection Fac. Linguistique

BIGEY Magali, OLIVIER Séverine, 2010, « Ils aiment le sentimental, et alors ? - Lecteurs d'un « mauvais genre », des lecteurs en danger ? », in Belphégor (numéro spécial), actes des rencontres « Idéologie et stratégies argumentatives dans les récits imprimés de grande consommation (XIXe - XXIe siècles) » de l'Université de Limoges (revue électronique)

http://etc.dal.ca/belphegor/vol9_no1/articles/09_01_Magali_aiment_fr.html

CONSTANS E., 1997 : « Du roman sentimental au roman d'amour : qu'en est-il du déclassement ? » in Le roman populaire en question(s) : actes du colloque international de mai 1995 à Limoges / dir. J. Migozzi, Limoges, PULIM, p.349-378

RASTIER F., 2001 : « Eléments de théorie des genres » in Texto !, revue électronique

http://www.revue-texto.net/Inedits/Rastier/Rastier_Elements.html

SCHAEFFER J.-M., 1989 : Qu'est-ce qu'un genre littéraire ?, Paris, Seuil

« Entre psychologie cognitive et herméneutique : comment penser un "texte" sans "genre"? Etude de cas: les "petits papiers retrouvés" à la mort de Pascal », Muriel BOURGEOIS, Université de Montpellier II & GEM Paris IV (UMR 8599) :

Peut-on penser un "texte" écrit (la notion sera discutée) sans articuler son décodage, en compréhension, à l'intentionnalité d'une forme, qui informe son sens? Peut-on lire, autrement dit, un "texte", sans que les processus cognitifs mobilisés en lecture compréhensive (on exclut le décryptage syllabique de l'enfant en apprentissage) ne statuent (consciemment ou inconsciemment/ automatiquement ou non, ce seront des points également abordés) sur des informations articulées à une typologie de la forme textuelle?

En croisant des outils théoriques issus de la théorie littéraire, de la linguistique textuelle (qu'est-ce qu'un texte ? qu'est-ce qu'un genre? Comment le décrire ? ) et des acquis de la psycholinguistique textuelle, on voudrait travailler à partir du cas d'espèce constitué par les "petits papiers retrouvés à la mort de Pascal.

Les liasses retrouvées sur le bureau de Pascal, dont la "visiblité" ne nous parle pas (s'agit-il d'un manuscrit, d'une somme hasardeuse de petits écrits, des papiers d'un mort, d'un projet qui a sa cohérence jusqu'au coeur du hasard ..., d'une apologie, d'un miscellanae, de l'écriture des "pensées" qui nous traversent à l'aventure...etc..?.) permettent en effet d'après nous de réinterroger la question du "texte", du "genre" et de ce que le phénoménologue Mikel Dufrenne nomme "l'intentionnalité de la forme".

Lit-on un "texte" totalement indépendamment d'une appréciation portée sur sa catégorisation? (La notion de "genre" sera elle-même remise en perspective). Si la forme informe (nécessairement) l'activité herméneutique, peut-on faire l'économie d'une "pensée de son intentionnalité"? Comment est-il possible aujourd'hui de croiser psycholinguistique textuelle, réflexions sur l'herméneutique et théorie littéraire? C'est ce dialogue que nous souhaitons très vivement avoir la chance de pouvoir mener dans le cadre de votre journée d'études.

Bibliographie :

Adam A., Les Textes. Types et prototypes, Paris, Nathan, 1992.

Borillo M., Approches cognitives de la création artistique, Bruxelles, Mardaga, 2005.

Coirier P., Gaonac'h D., Passerault J.M., Psycholinguistique textuelle. Approche cognitive de la compréhension et de la production des textes, Paris, A. Colin, 1996

Compagnon A., Le démon de la théorie. Littérature et sens commun, Paris, Seuil, 1998.

De Biasi, La génétique des textes, Paris, A. Colin, 2000

Dennet D., La stratégie de l'interprète, Paris, Gallimard, 1990

Dufresne M., Phénoménologie de l'expérience esthétique, Paris, PUF, 1953

Fuchs M., La genèse des textes: modèles linguistiques, Paris, CNRS, 2003.

Green A., La Déliaison. Psychanalyse, anthropologie et littérature, Paris, Hachette, 1992

Hay L., Essais de critique génétique, Paris, Flammarion, 1979.

Hay L., Le manuscrit inachevé, écriture, création et communication, Paris, Ed. du CNRS, 1986

Pareyson L., Esthetica-Teoria della formativita, Turin 1948.

« Genre, degré de généricité et singularité : le cas des albums d'enfance », Nicolas COUEGNAS, Université de Limoges, CeReS :

La question du genre des albums d'enfance semble faire problème car ceux-ci empruntent indistinctement à plusieurs grands genres ou sous-genres (policier, roman de formation, etc.) dûment répertoriés. Or le problème peut cesser d'en être un dès lors que l'on considère le genre non plus comme une étiquette préexistante mais, à la suite de Rastier, comme une interaction normative des grandes composantes textuelles du plan de l'expression et du plan du contenu. Le genre joue alors sur le texte comme degré de généricité qui va contraindre plus ou moins la production et l'interprétation. L'une des questions clés, dans cette perspective consiste à montrer comment et jusqu'où pèsent ces contraintes génériques, par la mise en oeuvre d'un « arbre générique », comment les créations textuelles singulières s'en nourrissent et s'en accommodent. En d'autres termes, le genre comme degré de généricité perm0et d'entrer de manière opératoire dans les modes générique et herméneutique de la textualité, il n'est plus dans ce cas une description externe mais un acteur à part entière du sens.

« Conflits génériques autour du terme « comédie », Marie DURET-PUJOL, Université de Paris III / Université de Bordeaux III :

Avec l'apparition du drame au XVIIIe siècle, l'effacement des contours stricts entre les catégories dramatiques et la tendance à l'hybridation, auxquels s'ajoutent une profusion de sous-genres, la comédie recouvre tant de formes qu'elle apparaît sans doute comme le genre le plus malaisé à définir. De plus, hormis au boulevard, qui continue à revendiquer la comédie, les auteurs ne catégorisant plus leurs oeuvres théâtrales, ou jouant avec les règles de composition (par exemple, écriture de comédies sur le modèle de représentation des drames ou des tragédies et superposition du tragique et du comique), avant de chercher à la définir, il devient difficile de seulement la repérer.

Face aux flous et aux incertitudes génériques, la catégorisation et le classement des oeuvres ne relèvent plus toujours des auteurs mais des chargés d'information et de communication des théâtres et des sites internet. Une même comédie, comme Cocorico de Patrice Thibaud, par exemple, peut ainsi se retrouver dans les catégories « comédie », « spectacle comique », « humour », « mime », « visuel » ou encore « inclassable », en fonction des projets des lieux et des sites. Le terme « comédie » n'est pas univoque et son usage diffère suivant les disciplines dans lesquelles il est employé.

Cette communication ne vise pas à comparer les écarts génériques entre les disciplines, le sujet est bien trop vaste pour se déployer le temps d'une communication ; elle proposera une réflexion autour des emplois du terme « comédie », au théâtre, en littérature et en information-communication. En posant davantage de questions qu'elle ne donnera de réponses, elle espère ainsi croiser les points de vue et nourrir le débat sur la confrontation des genres dans différentes disciplines.

« Genre et textualité lyrique : l'impossible modèle ? », Sandra GLATIGNY, Université de Rouen, CÉRÉDI :

Je me propose d'interroger le régime générique du lyrisme : y-a-t-il un modèle qui régit l'écriture et la lecture des textes lyriques ? Au coeur des traditions critiques les plus marquantes de l'histoire littéraire, ce nom de genre semble appliqué à des textes présentant des différences énonciatives, stylistiques et formelles significatives. En confrontant les modèles d'analyse à un corpus de textes considérés comme lyriques, on obtient un ensemble hétérogène qui oblitère toute unité. Le rapport entre les théories sur le lyrisme et les réalisations scripturales semble dominé par l'écart. Cette comparaison met au jour les limites des différentes approches mais également la difficulté à circonscrire la spécificité de cet ensemble en synchronie comme en diachronie. Peut-on extraire des textes une définition du genre ? Mais comment sélectionner un corpus pertinent en l'absence de critères génériques stables ? La détermination générique est-elle identique pour l'auteur et pour le lecteur ? Le rapport entre genre et textualité lyrique serait-il condamné à l'aporie ou à un point de vue partial et partiel ?

Mon hypothèse est qu'il existe dans la classification littéraire des noms de genres, en l'occurrence le genre lyrique, qui ne se situent pas dans une relation de verticalité avec les textes (que ce dernier repose sur l'exemplification ou la modulation générique tels que les a définis J.-M. Schaeffer) mais sur une relation horizontale dépassant les modèles génériques. À cet égard, il semble que le lyrisme puisse être davantage considéré comme un principe transgénérique que comme un genre. C'est certainement ce qui explique le caractère très général et très vague des définitions qu'on lui donne et le fait qu'il ait été longtemps, et encore maintenant, un catégorie commode pour placer tous les petits genres ou les textes qui échappaient aux classifications institutionnalisées. Si l'on considère le lyrisme comme un hypergenre dans la mesure où l'expression de l'affect singulier et collectif peut recouvrir une grande partie de la production littéraire, on risque de perdre la particularité de certains textes. Si l'on le considère comme un principe transgénérique, on peut saisir une partie de ses traits spécifiques et notamment son interaction avec d'autres arts comme la musique.

« Etudier les genres de discours à l'oral en situation professionnelle : l'exemple des réunions de travail », Magali HUSIANYCIA, Université de Nancy 2, ATILF :

Dans le cadre d'une recherche interdisciplinaire s'intéressant aux productions verbales entre professionnels en situation de travail dans des entreprises françaises (D. Biber, 1988, 1991 ; Boutet, 2005 ; C. Blanche Benveniste, 1983, 1997), nous proposons ici d'exploiter quelques extraits de notre corpus de 44 réunions de travail pour analyser les différents rapports entre le langage et l'activité : « langage sur le travail », « langage comme travail » et « langage dans le travail » (M. Lacoste, 1995 ; G. Johnson et C. D. Kaplan, 1980). Nous dégagerons 7 types de séquences relevant chacune d'un des trois types linguistiques (langage co-constructif, expositif et péri-professionnel) que nous mettons en évidence à partir d'un découpage séquentiel (J.-P. Bronckart, 1996 ; J.-M. Adam, 1998, 2001) et de critères linguistiques et extra-linguistiques.

À partir de la comparaison de 3 séquences, nous poserons l'hypothèse que les trois rapports entre langage et activité semblent constituer trois genres de discours en réunions de travail.

Bibliographie :

Adam J.-M., 1992. Les textes : types et prototypes. Lausanne : Nathan Université. 223 pages.

Borzeix A. et Fraenkel B., 2001. Langage et travail ; communication, cognition, action. Paris : CNRS éditions. 379 pages.

Boutet J., 2005. « Genres de discours et activités de travail », In L'analyse des actions et des discours en situation de travail : concepts, méthodes et applications (éd. Par L. Fillietaz et J.-P. Bronckart), pages 19 à 35.

Bronckart J.-P., 1996. Activité langagière, textes et discours. Pour un interactionnisme socio-discursif. Lausanne : Delachaux et Niestlé. 351 pages.

Filliettaz L., 2002. La parole en action. Québec : Editions Nota bene. 395 pages.

Kaplan C.D. et G. Johnson, 1980. « Talk-in-the-work : aspects of social organization of work in a computer center ». Revue Journal of pragmatics, Vol.4, n°4, pages 351 à 365.

Lacoste M., 1989. « Langage et situation de travail », In Courants sociolinguistiques, sous la direction de Drigeat G., Fiala P., Tournier M. Paris : Klincksieck, pages 207 à 224.

« La notion de tradition discursive : une perspective diachronique sur les genres textuels et sur les phénomènes de fréquence », Sylvain LOISEAU, Université Paris 13 Nord, LDI.

Dans cette communication nous proposons de présenter la notion de tradition discursive développée à la suite des travaux de Coseriu par des auteurs comme B. Schlieben-Lange ou P. Koch. Afin de situer cette notion dans le riche paysage des élaborations de la notion de genre, je commencerai par une rapide proposition de typologie. On peut distinguer en effet différentes propositions : celles qui mettent en avant leur statut de forme sémiotique, celles qui mettent en avant leur dimension praxéologique ou sociale, celles qui les fondent sur des corrélats psychologiques ou encore sur des caractéristiques statistiques.

Issue d'une perspective diachronique, la notion de tradition discursive, quant à elle, insiste sur les relations de répétition et d'imitation entre les textes : les textes sont d'abord de larges répétitions et imitations de textes antérieurs. La notion de tradition discursive est donc fondée sur l'historicité, la traditionnalité des textes.

Cette perspective diachronique fait passer au second plan les lancinantes questions de typologie, omniprésentes dans les cadres synchroniques : comment énumérer et classer les genres ? De plus, une tradition discursive peut se développer à n'importe quel niveau de la textualité, sans exclusive : le discours médiatique, l'article de journal, l'article de quotidien, le titre de Libération ; chacun de ces niveaux peut établir une traditionnalité et être considéré comme une tradition discursive. Dans cette conceptualisation souple et adaptée à plusieurs point de vue sur le texte, deux critères prennent une place centrale : celui de la pertinence épilinguistique - la tradition discursive est une catégorie pertinente pour les locuteurs - et celui de la récurrence - pour établir une tradition discursive, il faut observer une forme de répétition. Ce dernier point implique une conceptualisation de la notion de fréquence textuelle et fournit un cadre d'interprétation des faits de fréquence.

« Hétérogénéité des genres », Caroline MELLET (Université Paris Ouest, Modyco UMR7114), Fanny RINCK (Université Paris Ouest, Modyco UMR7114), Frédérique SITRI (Université Paris Ouest, Syled-EA2290) :

La notion de genre suscite depuis plusieurs années un intérêt important (colloques, journées d'études, numéros de revues). Du point de vue de l'analyse du discours cet intérêt s'explique si on admet que le genre, interface entre le social et le langagier, fournit un cadre d'analyse pertinent pour la description et l'interprétation des formes linguistiques. Ainsi la notion de genre est-elle aujourd'hui centrale en analyse de discours, notamment dans des réflexions touchant à la dimension socio-institutionnelle des genres, aux valeurs et savoirs qui circulent à travers eux, aux buts qu'ils visent et aux activités qu'ils structurent.

Contrairement à une approche taxinomiste visant à recenser l'ensemble des genres en tant que modèles de textes, l'analyse de discours adopte une approche empirique des genres[1] fondée sur leur dimension linguistique et sur l'importance de la contextualisation.

La référence aux textes de M. Bakhtine apparaît comme une étape décisive de ce tournant qui a fait passer d'une approche taxinomiste à une approche empirique. Pour M. Bakhtine, les genres s'inscrivent dans des « sphères d'activité ». De fait, beaucoup d'auteurs introduisent dans leur modèle d'analyse des textes et des discours ce niveau de l'activité humaine[2], des pratiques sociales où les textes sont en usage, ou encore, selon les cadres théoriques, des formations discursives (Foucault, 1969)[3], des communautés discursives (Nystrand, 1982 et Swales, 1990), du discours (Rastier, 1996, 2001 ; Bronckart, 1997 ; Adam, 1999 ). Sans rabattre ces concepts les uns sur les autres, c'est ce niveau que nous voudrions interroger, en partant non de découpages a priori mais de l'observation de ce qui, dans la matérialité des textes, permet de postuler une « circulation » entre les genres, c'est-dire des phénomènes relevant de l'hétérogénéité. L'hétérogénéité des genres en prise avec l'activité humaine constitue un des axes de la réflexion de Bakhtine :

La richesse et la variété des genres du discours sont infinies car la variété virtuelle de l'activité humaine est inépuisable, et chaque sphère de cette activité comporte un répertoire des genres du discours qui va se différenciant et s'amplifiant à mesure que se développe et se complexifie la sphère donnée (Todorov, 1981 : 265).

Cet auteur apporte ainsi un éclairage nouveau aux impasses taxinomistes : il présente les genres comme des principes de stabilité mais il met également l'accent sur leur hétérogénéité (celle d'un même genre, les frontières entre genres, le fait qu'ils sont « divers », « innombrables » et en évolution perpétuelle) .

Le dialogisme chez M. Bakhtine permet alors d'envisager l'hétérogénéité des genres à la fois du côté de la production et de l'interprétation (à partir du « déjà-là » et en fonction d'un horizon d'attente), et du côté de l'individuel et du social : les genres sont des modèles dans lesquels se moulent nos échanges, construits par familiarisation - acculturation, adoptés et reproduits par convention, en constante évolution.

Notre proposition est que l'hétérogénéité des genres peut être questionnée à travers l'hétérogénéité interne d'un texte, autrement dit les modes de relation du texte avec ses « extérieurs ».

Nous appuyant sur des études de corpus portant sur différents genres (QAG, articles scientifiques, rapports éducatifs, comptes rendus ...) et sur une réflexion entamée depuis un certain nombre d'années sur les relations entre discours rapporté et genres, nous voudrions ici analyser les différents types de saisie des extérieurs propres à un genre. On propose ainsi de distinguer et de croiser

- Les types de présence des extérieurs, des formes les plus marquées de représentation du discours autre aux formes de présence de l'interdiscours, en allant jusqu'à ce qu'on appellera des configurations discursives ou des routines d'écriture (lexique, phraséologie).

- La nature des extérieurs qui peuvent être ou non identifiés explicitement :

Locuteurs dont les discours sont représentés

Discours circulants relevant d'un interdiscours, une doxa ... moins nettement attribuables

Le repérage de ces deux dimensions et leur croisement permet de se représenter la diversité des « extérieurs » propres à un genre, extérieurs plus ou moins prévisibles par la prise en compte des « conditions de production » (de la visée pragmatique, de la sphère d'activité dont émane le genre). Ainsi pourra-t-on envisager de les représenter sous forme de cercles concentriques en fonction de leur degré de prévisibilité, mais on pourra également concevoir des intersections entre genres, avec recouvrement d'extérieurs, ou encore des transversalités. Cela permettrait de travailler sur la question

-des facteurs de rapprochement ou de différenciation entre genres communs à différentes sphères (et partant, le rapprochement, la différenciation des sphères d'activité)

- des facteurs de rapprochement ou de différenciation entre genres ou sous-genres d'une même sphère

- de la filiation entre genres même différents

- de l'évolution d'un genre en diachronie

- de la transformation des genres quand ils passent d'une sphère à une autre ( ?)

Nous pensons qu'une telle analyse permet d'offrir une vision plus complexe des sphères d'activité, mettant l'accent sur la circulation et l'intersection entre ces sphères, de présenter en quelque sorte une « cartographie » des sphères à partir de l'analyse de la matérialité des textes.

Bibliographie :

Adam J.M. (1999). Linguistique textuelle. Des genres de discours aux textes, Paris, Nathan Université.

Branca-Rosoff S. (1999). « Entre langue et discours », Langage et Société, 87, 5-24.

Filliettaz L. (2004). Les modèles du discours face au concept d'action. Cahiers de Linguistique Française, 26, Genève, Université de Genève.

Foucault M. (1969). L'archéologie du savoir, Paris, Gallimard.

Maingueneau D. (2011). « Pertinence de la notion de formation discursive en analyse de discours », Langage et société, 135.

Nystrand M. (1982). What Writers Know: The Language, Process, and Structure of Written Discourse. New York, Academic Press.

Rastier F. (1996). « Pour une sémantique des textes. Question d'épistémologie », in Rastier, F., (ed.), Sens et Textes, Paris, Didier.

Rastier F. (2001). Arts et sciences du texte, Paris, Presses Universitaires de France.

Swales J. M. (1990). Genre Analysis: English in academic and research settings. Cambridge, Cambridge University Press.

« Genre de discours et technologie discursive. Tweet, twittécriture et twittérature », Marie-Anne PAVEAU, Université Paris 13 Nord, CENEL :

À partir de l'exemple du réseau de micro-blogging Twitter (2,4 millions d'utilisateurs en France), je propose de montrer que la notion de genre de discours, déjà fortement hétérogène dans ses descriptions (Adam 2005, Adam &Heidmann 2007, Branca 1999, Maingueneau 2010, Moirand 2003 et 2009, Rastier 2001) doit aussi intégrer les matérialités du paramètre technologique. Après un point de synthèse sur la mixité de la notion qui croise plusieurs critères de définition du genre de discours (textuel, social, socio-cognitif), j'approfondirai la notion de « technologie discursive » (Paveau 2006, 2007, 2009) qui articule fortement matérialités environnementales et productions langagières. L'activité scripturale sur Twitter, contrainte par les fameux 140 signes, est productrice de genres nouveaux (tweet, retweet ou RT, Follow Friday, etc.) mais reconfigure également des genres stabilisés (Gefen 2009). J'envisagerai ces questions en traitant des genres conversationnels (le #ClavEd par exemple), médiatiques (le tweet comme forme de dépêche), didactiques (Twitter comme support d'activité d'écriture en classe) et littéraires (le cas de la Twittérature).


[1] Voir Branca-Rosoff, 1999 ; Rastier, 2001.

[2] Il est question d'un « virage actionnel » des modèles du discours (Filliettaz, 2004), « caractérisé notamment par un réinvestissement des travaux soviétiques ayant trait à la problématique de l'activité/l'action » (Fillettaz cite Leontiev, Vygotsky et Bakhtine).

[3] Voir Maingueneau (2011) pour un point sur le statut actuel et la pertinence de la notion de formation discursive en analyse de discours.