Revue
Nouvelle parution
Mnemosyne o la costruzione del senso n° 6, 2013 : « L’ethos, mémoire autobiographique de l’homme de science » (B. Barbalato, dir.)

Mnemosyne o la costruzione del senso n° 6, 2013 : « L’ethos, mémoire autobiographique de l’homme de science » (B. Barbalato, dir.)

Publié le par Perrine Coudurier (Source : Bérengère DEPREZ)

Mnemosyne o la costruzione del senso n° 6, 2013 : « L’ethos, mémoire autobiographique de l’homme de science »

Revue dirigée par Beatrice Barbalato

Louvain-la-Neuve : Presses universitaires de Louvain, 2013

EAN 9782875582058.

256p.

Prix : 19EUR / pdf : 13EUR

Présentation :

Le sixième numéro monographique de la revue annuelle Mnemosyne, o la costruzione del senso vient de paraître aux Presses universitaires de Louvain.

L’idée conductrice de la revue est l’étude des expressions autobiographiques issues de la culture noble ou populaire, de la littérature, du cinéma, des bandes dessinées, pour en observer la rhétorique.

Volumes déjà parus : La documentation autobiographique comme patrimoine culturel : les témoignages dans la genèse du temps, 2008 ; Témoignages, récits de soi, mémoires : le non-dit et le travail de l’interprète, 2009 ; Le récit de soi : écouter, entendre, ouïr, oreiller, 2010 ; Fatum et téléologie dans le récit de soi, 2011 ; La figure du rebelle : écriture de soi et formes d'autolégitimation, 2012.

L’ethos, mémoire autobiographique de l’homme de science est le titre du présent numéro. Les autobiographies de mathématiciens, physiciens, naturalistes, qui y sont analysées nous parlent de l’image que ces scientifiques veulent donner d’eux-mêmes, et des raisons pour lesquelles ils écrivent dans un langage éloigné de leurs pratiques quotidiennes. Le livre de la nature, disait Galilée, a son propre alphabet fait de cercles, triangles, sphères, pyramides et cônes, dans un code radicalement différent de l’écriture en lettres.

Sont-ils écrivains ou écrivants ? Roland Barthes distingue les ‘écrivants’ des ‘écrivains’ [« Écrivains ou écrivants », Essais critiques, Paris, Seuil, 1998, p. 153. (« Tel Quel », 1964)]  : pour les premiers, le langage est un véhicule ; pour les seconds, le style est un but en soi et pour soi. Dans tous les essais qui sont publiés ici, la distinction barthienne s’avère très faible et la rhétorique qu’on percevra dans tous ces récits est la recherche d’une façon de transmettre, de communiquer l’intrication entre l’œuvre et la vie, entre les découvertes et la vie privée.

Ces récits du soi nous racontent aussi la pluralité des passerelles entre littérature et science, et comment certains auteurs comme Charles Darwin éprouvent un sentiment de culpabilité pour avoir abandonné la lecture de Shakespeare, ou dans le cas de G. H. Hardy comment l’obsession pour la mathématique est vécue douloureusement (A mathematician’s apology, 1940).

Parfois les écrits purement scientifiques sont imprégnés d’esprit littéraire et de subjectivité stylistique. Par exemple, les textes autobiographiques du naturaliste français Georges Cuvier (1769-1832) s’écartent de la convention selon laquelle l’écrit personnel doit manifester une plus grande subjectivité que le texte scientifique proprement dit. L’essai sur Cuvier souligne le fait étrange que les passages à la première personne de Recherches (texte à portée censément scientifique) livrent plus d’épanchements que les sobres Mémoires.

Primo Levi, écrivain, chimiste de formation, dans son livre Le Système périodique (1975) rompt avec les protocoles rhétoriques qui devraient distinguer les ‘deux cultures’ et les présente en miroir l’une de l’autre.

Par ailleurs, dans In-Between Proust and Neuroscience : Kandel’s ‘In Search of Memory’ (2006), Kandel place le récit de soi à l’interface de la Recherche de Proust.

Bref, si on observe précisément ce genre d’écrits, le dialogue entre les deux cultures s’avère récurrent.

Ces textes autobiographiques révèlent aussi un autre aspect : les traits distinctifs du caractère d’un scientifique, ses obsessions, sa persévérance. C’est le cas du livre Discours sur le bonheur (1746-1748), brève autobiographie – qui n’était pas destinée à la publication –  d’Émilie du Châtelet, qui a traduit en français les trois volumes des Principia mathematica d’Isaac Newton. Le XVIIIe siècle n’avait pas encore été témoin d’une telle séparation, si accentuée par contre dans la formation académique contemporaine, entre humanitas et science. Ce livret nous montre comment l’obstination, l’amour pour le jeu de hasard, l’absence de préjugés, une attention obsessionnelle aux phénomènes terrestres, une indépendance extrême, émergent comme les traits spécifiques d’une personnalité prédisposée à la science. Et cela nous dirige, de façon plus large, vers la question : un scientifique est-il doué d’un tempérament particulier qui le prédestine, ou, du moins, favorise le dévouement à la science ?

Autre aspect analysé dans ce numéro, la contribution du cinéma au dialogue entre science et humanitas. Le cas de Jean Painlevé en est exemplaire : les films de ce pionner, scientifique et artiste, inaugurent une discipline nouvelle qui se construit autour d’une pratique de l’entre-deux. Art cinématographique et science se nourrissent réciproquement, dans un état de quasi-nécessité.

Plusieurs articles analysent l’image que la télévision et les journaux donnent des scientifiques à travers des interviews. Il s’avère que les médias parlent ou font parler, subrepticement, à la première personne pour obtenir l’effet-témoignage. Dans le cas tragique de la catastrophe de Fukushima, celle-ci est présentée dans plusieurs articles à travers une utilisation calibrée du nous et du je. Le témoignage, qui prétend être objectif et spontané, en même temps subjective et relativise au maximum les opinions recueillies.

On trouvera aussi des icônes biographiques reconstruites a posteriori. C’est le cas d’un grand physicien, Ettore Majorana, disparu à 32 ans, génie de la physique atomique du XXe siècle, dont l’écrivain Leonardo Sciascia – et il n’a pas été le seul – a tissé un portrait romanesque qui explique son suicide ou sa disparition.

On peut dire que les essais présents dans ce numéro de Mnemosyne o la costruzione del senso posent la question que Charles P. Snow, auteur de The Two Cultures (1959), déploie et explore dans toute son ampleur.

Les articles sont publiés dans la langue de l’auteur, précédés d’un abstract en anglais. Une introduction en italien, en français et en anglais par la directrice de la revue guide le lecteur.

Mnemosyne o la costruzione del senso est aussi le résultat d’une réflexion issue de diverses activités culturelles de l’asbl Mediapolis.Europa

 http://mediapoliseuropa.com/

 

Table des matières

Introduction en français, en italien, en anglais

I - L’homme de science et son image

-Étienne KLEIN : Les figures contemporaines d’Ettore Majorana

-Christiane STRUTH: In-Between Proust and Neuroscience : Kandel’s In Search of Memory

-Alessio PORRETTA : Apologia di un matematico. La difesa di G. H. Hardy – resa spontaneamente

II   Peut-on envisager des prérogatives singulières dans une personnalité scientifique ?                                     

-Beatrice BARBALATO : Le ‘Discours sur le bonheur’ de Mme du Châtelet : portrait d’une personnalité scientifique       

-Noro RAKOTOBE D’ALBERTO : L’Autobiographie de Charles Darwin, l’origine d’une vocation

III Protocoles scientifiques et notes personnelles entre science et littérature

-Valérie NARAYANA : L’éthos fragmentaire : Postures et postérité de Cuvier

-Margherita MESIRCA: L’ethos del mutuo trascinamento: Il sistema periodico di Primo Levi

-Annalisa BONOMO : The role of scientific language in Philip Pullman’s His Dark Materials

IV  La science et les médias : connaissance, documentation, interprétation

-Marie BERNE : Autoportrait du scientifique en artiste : Jean Painlevé et la rhétorique de l’entre-deux               

-Cristina GRECO, La costruzione dell’identità dello scienziato nel graphic novel. Per una lettura di ‘Logicomix’

-Sylvain RIMBAULT : Les Scientifiques Marvel : Des (Super) Héros en Blouses Blanches

V Interviews et sujectivité

-Giulia PELILLO : Il racconto mediatizzato della vita di Margherita Hack tra biografia e autobiografia           

-Loredana TROVATO : ‘Fukushima mon amour’. Le discours sur la science entre ethos et logos dans la presse française                    

VI Science, conscience, mythe

-Nino ARRIGO : Lo scienziato e l’artista : l’ethos a confronto  

 -Catrinel POPA : Ion Vianu’s Autobiographical Account. About the (Dis)advantages of a Borderline Condition        

 -Étienne LETERRIER : L’éthos scientifique comme masque et comme défense : la rhétorique disculpatoire de Cagliostro dans les mémoires judiciaires de l’affaire du collier (1785-1786)