Questions de société
Mission d'Aubert sur les organismes de recherche et les universités : les propositions co-signées par l'intersyndicale, SLR & SLU.

Mission d'Aubert sur les organismes de recherche et les universités : les propositions co-signées par l'intersyndicale, SLR & SLU.

Publié le par Marc Escola (Source : SLU)

Lettre à la commission d'Aubert

SLU s'est associé à l'Intersyndicale et à SLR pour adresser à la commission d'Aubert (qui examine la gestion des UMR) les propositions suivantes. En document joint, la lettre qui accompagne ces propositions.


Mission d'Aubert sur les organismes de recherche et les universités : nos propositions


1- L'engagement de l'Etat. Les laboratoires de la recherche publique doivent avant tout recevoir un financement de base conséquent des organismes de recherche et des universités, les contrats à court terme ne devant venir qu'en complément. Il faut multiplier par deux, sur cinq ans, ces crédits de base. Les établissements pourront ainsi, lors de la contractualisation, remplir leurs engagements financiers, pendant quatre ans, vis-à-vis des laboratoires contractualisés à la suite de l'évaluation positive de leur programme.

Le but est que les laboratoires puissent développer dans le temps leurs thématiques, ainsi que des projets que l'ANR ou d'autres agences ne prendraient pas le risque de financer. Les laboratoires doivent élaborer et participer à des projets scientifiques collectifs et être dotés de Conseils de laboratoires. Ils ne doivent pas se transformer en « hôtel » d'équipes de recherche, fonctionnant d'abord sur des contrats à court terme.

2- La programmation des emplois. Un plan pluriannuel de création d'emplois de titulaires est indispensable dans toutes les catégories de personnels tant pour assurer les activités de recherche que celles d'enseignement dès la première année de licence. Du fait qu'aucune création d'emploi ne soit prévue dans les cinq ans à venir, il y aura une explosion du nombre de CDD sans perspectives d'emploi. Si le gouvernement veut éviter une désaffection massive des filières de recherche par les étudiants, s'il veut maintenir la pérennité du savoir faire scientifique et technologique, il doit débloquer des postes notamment pour que ces milliers de personnels précaires recrutés sur CDD, via l'ANR particulièrement, accèdent à des emplois de titulaires. Pour favoriser le recrutement dans le privé, le Crédit d'impôt doit être conditionné à l'embauche de docteurs.

3- Le rôle majeur des UMR. Les UMR sont au coeur du lien enseignement-recherche. Il faut les préserver et améliorer leur fonctionnement. La pluralité des tutelles scientifiques est un moyen simple et efficace pour décloisonner notre système, pour favoriser les regroupements « hors-site » souvent nécessaires. Assurer une double tutelle de gestion une garantie de souplesse. En ce qui concerne le « préciput » son partage entre les tutelles scientifiques doit faire partie du contrat quadriennal.

4- Les libertés académiques appuyées sur l'autonomie des grands organismes. Si les universités doivent accroître leur rôle dans la recherche, cela doit se faire par des partenariats équilibrés et plus nombreux avec les organismes. Ces partenariats, organisés autour d'UMR, concilient la vision nationale d'une politique scientifique avec les impératifs d'une politique d'université, ce qui suppose de donner tout son rôle au Conseil scientifique des universités. L'affaiblissement des organismes ne peut que laisser les universités démunies face au pilotage à court terme par l'ANR ou par d'autres agences.

5- L'évaluation de suivi des laboratoires et des personnels. Le Comité national de la recherche scientifique évalue simultanément l'activité et les projets des laboratoires, donc l'activité des chercheurs dans leur contexte de travail. Il pratique une évaluation de conseil et de suivi. Son indépendance est assurée par la présence d'une majorité d'élus de la communauté scientifique. Sur cette base, le Comité national de la recherche scientifique et les autres instances fonctionnant sur le même modèle doivent être habilités pour faire cette évaluation, en harmonisant les critères. Les équipes d'accueil devraient, elles aussi, bénéficier d'une évaluation collective, contradictoire et effectuée par une majorité de pairs élus. Le rôle, la composition et le fonctionnement de l'AERES doivent être revus.

6- La place des scientifiques dans les orientations de la recherche. S'il appartient au Parlement de définir des priorités, avec le souci de répondre à l'ensemble des besoins de la société, et de répartir les grandes masses financières, la mise en cohérence scientifique au niveau national ne peut se faire par un mécanisme d'appel d'offre sur des thèmes décidés par le seul gouvernement. La coordination des recherches, que le CNRS impulse dans des domaines (i.e. : sciences de l'univers) doit être étendue à l'ensemble des champs disciplinaires : l'organisation régulière de rencontres entre les laboratoires relevant d'un même champ disciplinaire doit être impulsée et systématisée. Ce travail de coordination des acteurs pourrait être confié au Comité national et aux instances scientifiques équivalentes, pour servir de base à l'analyse de la conjoncture, ainsi qu'à la définition d'une politique d'équipement cohérente.

Pour développer des recherches interdisciplinaires, il faut éviter de créer des instituts étanches entre eux, tant du point de vue de l'appartenance des laboratoires, de la circulation des idées, que de la mobilité des hommes. Celle-ci est entravée par la multiplication de "statuts" locaux. Les statuts nationaux sont aussi un atout pour la science et l'innovation.

7- La qualité des recrutements. Pour les chercheurs, comme pour les enseignants-chercheurs, la possibilité de s'engager sur des projets à long terme implique un recrutement jeune sur des emplois de titulaires par des jurys constitués sur la base des disciplines scientifiques. Pour les enseignants-chercheurs, il faut des commissions de recrutement permanentes, constituées sur la base du CNU et comportant une majorité d'élus. Ces procédures permettent aussi de recruter sur des thématiques pluridisciplinaires ou aux frontières de plusieurs disciplines.

8- La reconnaissance des qualifications et l'attractivité des carrières. L'attractivité de nos métiers ne pourra pas être restaurée sans que les qualifications soient développées par un effort important de formation permanente et reconnues par une amélioration importante des carrières. En particulier, la thèse doit être reconnue comme un diplôme de niveau au moins « bac+8 » ; les docteurs doivent être très majoritairement recrutés au plus près de la thèse. Dans le privé, cela exige une reconnaissance du doctorat dans les conventions collectives. Il doit être pris en compte, dans le public dans les administrations centrales ou les collectivités territoriales. Dans nos secteurs, il justifie une revalorisation forte de la grille des emplois de titulaires.

9- Le maintien partout du lien enseignement/recherche. Si les moyens de la formation universitaire doivent être rapprochés des filières « grandes écoles », le contenu des enseignements ne doit pas être aligné sur celui des classes préparatoires. Il doit au contraire assurer un contact des enseignants avec la recherche dans tous les cycles de formation. Les enseignants-chercheurs doivent avoir des services d'enseignement allégés. Les unités de formation et de recherche doivent avoir des dotations, en personnels scientifique, techniques, administratif et de bibliothèques, suffisantes pour permettre un fonctionnement correct de l'enseignement et de la recherche. Une organisation des universités en réseau est nécessaire pour organiser la complémentarité de leur diversité, coopérer avec les écoles, favoriser le lien enseignement/recherche.

10- Une gestion des laboratoires allégée. Pour « alléger la gestion » les mesures sont connues : avoir un seul système informatique entre les universités et tous les EPST, alléger partout le système des marchés, permettre aux laboratoires d'avoir des "reports" pour faire une politique à terme. « Débureaucratiser », c'est surtout en finir avec les nombreux lotos, avec les milliers de projets qu'il faut penser, écrire puis expertiser. Les laboratoires doivent fonctionner d'abord sur crédits des établissements et postes statutaires.

Signataires : FSU (SNESUP, SNCS, SNASUB, SNEP, SNETAP), CGT (SNTRS, FERC-SUP, UGICT), UNSA (Sup'Recherche, SNPTES, A&I), CFDT–CEA, CFTC-INRA, SOLIDAIRES (Sud Education), SLR, SLU, UNEF.