Colloque de Cerisy-la-Salle - Septembre 2005
MEMOIRES ET ANTIMEMOIRES LITTERAIRES DU XXe SIECLE - LA PREMIERE GUERRE MONDIALE
La question de la mémoire a toujours fait partie des hantises humaines, mais elle a pris, au XXe siècle une ampleur et des accents particuliers, d'une part en raison de la croissance exponentielle des archives et de la documentation ; de l'autre, du fait de la tendance contemporaine à l'occultation ou à l'amnésie, consécutive aux tragédies de notre époque et aux nouvelles formes d'hégémonie idéologique.
Tout cela va de pair avec une raréfaction, dans les sociétés développées, de la tradition orale, et avec une mainmise croissante de l'instantanéité propre aux médias.
Il n'empêche que l'écrit, et sa formalisation littéraire, ont pris en charge, tout au long du siècle écoulé, et parfois bien après-coup, la mémoire complexe et ravageuse d'un temps historique qui plonge l'extrême contemporain dans une perplexité et une absence de repères.
A l'heure où il est de bon ton, particulièrement dans l'enseignement, de minimiser les questions de l'histoire et de la littérature, ce colloque se propose, au contraire, de les mettre en avant et d'interroger, dans les textes et essais littéraires de langue française, ce qui s'y dit de l'histoire du XXe siècle et s'y invente de l'histoire à venir. Par définition, en effet, la mémoire est toujours aussi une réélaboration. Celle-ci passe bien sûr par des focalisations, mais aussi par des effacements. En quoi le dialogue avec des historiens paraît essentiel.
Ce colloque est le premier d'une série sur les répercussions que les grands événements du XXème siècle (Première Guerre Mondiale, Ere des révolutions c.à.d. l'entre-deux-guerres, Seconde Guerre Mondiale, Décolonisation et Indépendances, Guerre froide et fin des deux blocs etc.) ont eues sur les littératures et sur la vie intellectuelle françaises et francophones.
Cinq colloques sont prévus en conséquence, chacun d'entre eux étant centré sur une période déterminée.
Ce premier colloque traitera de l'événement le plus important des vingt premières années du siècle, la Première Guerre mondiale, et de sa mémorisation à travers des textes littéraires, des essais philosophiques et politiques, mais aussi des témoignages d'époque qui pourront servir de contrepoint..
Les communications et tables rondes seront organisées en fonction des axes de réflexion suivants :
1) Mise en valeur du cadre théorique de la réflexion sur les notions de mémoire et d'histoire. Examen de textes d'écrivains, de philosophes, de responsables politiques, etc. de l'époque (Barrès, Bergson, Clémenceau, de Broqueville, Destrée, Eekhoud, France, Jaurès, Maeterlinck, Picard, Proust, Péguy, Rolland, Vandervelde, ...) ;
2) Construction de la mémoire « officielle » sur la guerre et de sa critique : textes de propagande, discours politiques de droite et de gauche, Monuments aux morts, Construction de mythes (ex : Roi-chevalier, Belgique héroïque et martyre, Fureur teutonne,) etc.;
3) Examen des définitions que les écrivains et intellectuels ont données de leur statut et de leur rôle une fois qu'ils ont été confrontés à la nécessité de transmettre et de mémoriser l'expérience de la guerre;
4) Évaluation des témoignages sur la guerre (carnets de guerre, journaux, correspondance, etc.) et examen des discussions qu'ils ont soulevées ( Norton Cru, etc.) ;
5) Examen de la rhétorique des textes littéraires sur la guerre (Barbusse, Boumal, Céline, Cendrars, Chistophe, Dorgelès, Gauchez, Lekeu, Nothomb, Verhaeren etc.);
6) Examen des attitudes et des positions par rapport à l'événement:
a. Exaltation
b. Pacifisme
c. Compassion
d. Dérision
e. Cynisme
f. Mise entre parenthèses
g. Onirisme
h. Intériorisation et sa transformation dans la forme
i. etc...
7) Mémoire de la guerre dans les colonies et rôle ultérieur dans l'idéologie coloniale.
8) Traces ou reprises dans les oeuvres postérieures ou qui ne sont pas de témoignage.( Aragon, Bauchau, Drieu la Rochelle, Ferney, Giono, Hanotte, Martin du Gard, Mertens, Romains, Rouaud, etc)
Annamaria Laserra (Università di Salerno)
Marc Quaghebeur (Archives et Musée de la Littérature - Bruxelles)