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Appels à contributions
Médecine, sciences de la vie et littérature

Médecine, sciences de la vie et littérature

Publié le par Bérenger Boulay (Source : Lise Dumasy)

Appel à contribution

L'équipe de recherche Traverses 19-21 de l'université Stendhal-Grenoble 3 organise, dans le cadre d'un projet pluriannuel sur « Sciences, techniques, pouvoirs, fictions : discours et représentations XIXème-XXIème siècles », un
colloque international
les 13, 14 et 15 mars 2008
sur le thème :
« Médecine, sciences de la vie et littérature ».


Le personnage du médecin, ce maître des secrets de la vie, ce déchiffreur des énigmes du corps, s'impose, de la Révolution française jusqu'à nos jours – en étroite liaison avec le « désenchantement du monde » (Max Weber) et le développement de l'idéologie matérialiste –, comme l'une des figures les plus fascinantes, voire la plus fascinante de l'imaginaire collectif moderne. En témoignent une bonne partie du corpus théâtral et romanesque des XIXème et XXème siècles, de Balzac à Céline, de Dumas à Martin Winckler, de Vigny à Reverzy, mais également bien des textes théoriques ou politiques des deux siècles considérés, ainsi qu'une commune fascination face aux développements et aux mutations contemporaines des sciences de la vie.
Parallèlement, la médecine s'impose comme un modèle privilégié de l'activité herméneutique et curative des XIXème et XXème siècles, tant au niveau individuel que social. La scientificité grandissante de ses procédures, au XIXème siècle, en même temps que l'ambiguïté de son statut de « science » dite « de l'homme » fait de la médecine une référence majeure pour une littérature aspirant à l'autorité que les sciences progressivement lui dérobent. L'exploration médicale devient ainsi le paradigme de l'investigation scientifique du réel et de l'homme (pensons, au début du siècle, à l'importance du modèle des sciences naturelles chez Balzac ou à l'accueil fait par Zola à l'Introduction à la médecine expérimentale de Claude Bernard). Le discours littéraire cherchant ses modèles et ses références du côté des sciences humaines et de l'anthropologie, la médecine devait conserver, au XXème siècle encore, une influence considérable.
Symboliques sont ainsi, aux tournants des deux siècles, les figures de Cabanis, l'Idéologue, et de Claude Bernard, le positiviste, dont les ouvrages-sommes – respectivement les Rapports du physique et du moral de l'homme (1802), et l'Introduction à la médecine expérimentale (1865) – ont fourni un double paradigme pour la création littéraire contemporaine, leurs personnes elles-mêmes servant, sous une forme fictionnalisée, voire mythifiée, à l'élaboration de maints personnages romanesques contemporains. Car les médecins sont, dès le XIXème siècle, non seulement des hommes de science, mais aussi, souvent, des hommes de pensée, et, parfois, de pouvoir. Tels ont été, par exemple, en-dehors de Cabanis et de Claude Bernard, déjà cités, Marat, Buchez (disciple de Robespierre, l'un des fondateurs du saint-simonisme, historien de la Révolution par ailleurs), Emile Littré, auteur du célèbre dictionnaire et disciple de Comte, dont il a diffusé la pensée, et bien d'autres encore.

Plus radicalement encore, la construction et le langage littéraires et poétiques sont affectés en profondeur, dès le début du XXème siècle, par les bouleversements induits par la psychiatrie et la psychanalyse dans les conceptions anthropologiques : du magnétisme à l'hypnose et à la psychanalyse, une autre lignée, de Pinel à Charcot et au-delà, aliénistes, psychiatres et psychanalystes, concrétise en effet l'évolution, voire la révolution de la conception moderne de l'individu et de ses rapports à la société, à la norme, à l'humain, au langage, dans des images renouvelées du fou et de la folie, et de la constitution de la psychè humaine. L'hésitation sur les limites de ce qui constitue la norme paraît très révélatrice des tensions sociales et nourrit la fascination des modernes pour ces territoires de l'imaginaire.
Le rapport médecin/patient comme figure du rapport rêvé auteur/lecteur, voire écrivain/corps social mériterait aussi d'être mieux étudié, sur l'ensemble de la période envisagée. L'impact des différents développements de la médecine (psychanalyse, recherche génétique) sur les représentations – non seulement de la médecine dans la littérature, mais encore sur celles que la littérature se fait d'elle-même – est par ailleurs significatif, la fascination pour la médecine et ses pouvoirs perdurant jusqu'à nos jours, en particulier dans la littérature de grande diffusion ; le roman de médecine est quasiment un sous-genre du roman sentimental comme du roman policier, et l'on trouve des fictions équivalentes quel que soit le support – BD, film, ou feuilleton-télé.
La médecine apparaît ainsi comme un noeud de la problématique questionnant les rapports entre science, pouvoir et littérature dans la modernité.

Cinq pistes demanderaient d'être explorées plus avant :

► médecine, matérialisme, spiritualisme, littérature : transformations de l'épistémè sous l'influence des savoirs et imaginaires médicaux.
► médecine et herméneutique.
► de la mélancolie à l'hystérie : la relation médecin-patient, auteur-lecteur.
► le médecin du corps social et politique ; textes de la littérature d'idées, mais aussi roman policier et social.
► médecine, corps et langage.


Ce colloque se veut largement ouvert aux approches pluridisciplinaires.
Les propositions de communication (entre 300 et 600 mots) sont à adresser, avant le 15 mars 2007, à Lise Dumasy (lise.dumasy@u-grenoble3.fr) ou à Hélène Spengler (helene.spengler@normalesup.org).
Les propositions seront, si possible, assorties d'une (brève) bio-bibliographie.

Sauf défraiement possible par votre institution de rattachement, vos frais de déplacement et de séjour seront pris en charge par notre centre de recherches.

Les travaux issus du colloque donneront lieu à publication.


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Lise Dumasy, Hélène Spengler

Comité d'organisation :
Jean-Pierre Bobillot, université Stendhal-Grenoble 3
Bernadette Bost, université Lumière-Lyon 2
Marie-Rose Corredor , université Stendhal-Grenoble 3
Lise Dumasy, université Stendhal-Grenoble 3
Hélène Spengler, université de Savoie