Essai
Nouvelle parution
Maurice Scève. Délie object de plus haulte vertu,

Maurice Scève. Délie object de plus haulte vertu,

Publié le par Cécile Alduy

Maurice Scève. Délie object de plus haulte vertu , texte annoté et établi par Eugène Parturier, introduction et bibliographie par Cécile Alduy, Paris, Société des Textes Français Modernes, octobre 2001.


En 1544 paraissait chez Sulpice Sabon Délie, de Maurice Scève. uvre unique, isolée entre deux générations poétiques irréductibles, celle de Marot et celle de la Pléiade, elle marque lentrée de la poésie lyrique amoureuse française dans la modernité, à la fois en tant que premier "canzoniere" écrit sur le modèle de Pétrarque, mais surtout comme uvre maîtresse qui pose lautonomie du champ littéraire et labsolu du langage poétique. À loccasion de la réimpression par la Société des Textes Français Modernes du texte de référence établi par Eugène Parturier en 1916, une introduction inédite dresse le bilan de quarante années de recherche scévienne, de 1960 à nos jours. Accompagnée dune bibliographie critique exhaustive, elle servira doutil indipensable pour aborder un texte réputé difficile, et en cerner les enjeux théoriques, poétiques, herméneutiques et historiques.


Au silence ou au dénigrement qui marquèrent près de trois siècles et demi doubli, a en effet succédé une avalanche de publications et une fascination non dissimulée pour lobscurité même qui fut tant reprochée à Délie. La nouvelle préface de Cécile Alduy recense cette abondante production et cartographie les apports quelle nous lègue en dégageant plusieurs grands domaines dinvestigation. "Le sens de lobscur" aborde la question séminale de lobscurité, de ses motifs et de son élucidation dans Délie. Cette question na cessé de guider de nombreuses études, dans un perpétuel retour à lexpérience première du texte, labyrinthique et déroutante. La question du langage se lit à la fois comme motif thématique de lineffable et de limpuissance poétique, comme pratique, avec la création dune syntaxe propre, et comme herméneutique. Lhermétisme supposé de maints dizains nest que le signe dune perpétuelle quête de sens, mais aussi le moyen de réactiver cette dernière chez le lecteur lui-même, appellé à reproduire la recherche dindices et de clés de lamoureux et du poète.

Les cinquante emblèmes qui émaillent la suite des dizains continuent eux aussi de poser problème : ni leur nature (devise ou imprese), ni leur statut, ni leur fonction structrale ou iconographique ne font lunanimité.

Sous la rubrique "ordre et désordre" sont exposées les avancées de la recherche concernant la genèse de luvre et les hypothèses concurrentes afférant à sa structure, de linterprétation numérologique et néo-platonicienne aux constructions post-structuralistes pour lesquelles le texte du recueil est un réseau déchos et de liens à distance qui transcendent la linéarité apparente de la succession des poèmes et déjouent toute narrativité. La poétique de luvre se lit aussi dans lénigme de son titre, tour à tour envisagé comme référent biographique ou mythologique, signifié caché (lIdée platonicienne), ou comme pur signifiant propices aux équivoques signifiantes (délit, délices, délire, délier). Linconscient du texte se lit alors dans cette déroute des ignifiants et ce jeu de paronomase généralisée.

Enfin, lanalyse des sources et de lintertexte a bénéficié de nouvelles exigences méthodologiques en ce domaine, et la critique sest penchée sur des aspects encore méconnus de luvre, tels que lintrusion du politique dans le lyrique ou larrière-plan idéologique dune uvre baignée dun évangélisme diffus.