Agenda
Événements & colloques
Matières de texte

Matières de texte

Publié le par Camille Esmein (Source : Ambroise Barras)

En quoi consiste un texte? Le Centre de Recherche sur les Nouveaux Espaces Textuels (CeRNET, Genève) reprend à son compte cette interrogation à laquelle Nelson Goodman et Gérard Genette (dans Les Langages de l'art et dans L'Oeuvre de l'art, I) ont consacré d'importantes réflexions. Il s'agit de revenir sur le paradigme dominant qui s'est dégagé de ces travaux, de le contester en mettant en évidence ses exclusives, le reste de sa définition théorique.

Dans leur entreprise théorique, Goodman autant que Genette ne peuvent faire l'économie d'un recours aux usages relatifs à un état de culture. Si, selon le premier, une collection d'occurrences textuelles, bien que non totalement identiques, peut être reconnue comme un même texte, c'est qu'une convention culturelle -- celle qui reconnaît leur identité littérale (sameness of spelling) -- les pose comme artistiquement équivalents. Genette renchérit: En littérature [...] les choses sont assez simples, parce que [...] le principe d'individuation d'un texte est fourni par la détermination de la chaîne lexicale. Mais il reconnaît que le niveau d'individuation [peut] être exceptionnellement abaissé, lorsqu'un auteur spécifie par exemple une police typographique ou une couleur d'impression.

Les pratiques créatrices contemporaines autant que les perspectives qu'elles ont ouvertes dans le champ de l'histoire, de la théorie ou de la critique littéraires, semblent pour leur part contredire la "simplicité" de ce modèle et infléchir la règle au profit de l'exception. Ce n'est sans doute pas si exceptionnellement, pour des cas si rares, qu'un texte peut être qualifié à un niveau extralinguistique -- hors son identité littérale. Calligrammes, poésies visuelles et concrètes, poésies sonores, livres d'artistes, textes génératifs, illustrés, manuscrits..., représentent quelques-uns de ces cas où, avec ses composantes discursives, le texte donne à lire des éléments non discursifs, où sa consistance paraît aussi dépendre de procédures n'ayant pas trait à l'exercice du langage.

L'émergence de nouveaux supports, de nouvelles formes d'éditions, de nouvelles techniques d'écriture est peut-être à même de manifester une opposition à la pensée dominante de l'identité idéale du texte, et de favoriser une tendance à composer les textes, à les assembler, à les disposer et à les publier selon des procédures neuves et inédites.

Dans le cadre de sa prochaine journée d'étude (15 avril 2005), le CeRNET invite ainsi à entamer l'exploration de cet espace textuel en mutation.