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Matérialités et immatérialité de l'église au Moyen Age

Matérialités et immatérialité de l'église au Moyen Age

Publié le par Alexandre Gefen (Source : Stéphanie Diane DAUSSY)

Si l'expérience des matériauxet de la matérialité est intense à chaque époque de création, il revient auMoyen Age d'avoir cherché à l'articuler explicitement sur une expérience pluscomplexe d'immatérialité. De l'une à l'autre se développe, durant le Moyen Age,une pensée de la « continuité discontinue », de la tension entreséparation et communication du matériel et de l'immatériel. Que cette tensionsoit pensée comme participation dupremier au second ou seulement comme réflexionde l'invisible dans le visible, l'accent tombe sur la communication dansles philosophies néoplatoniciennes, relayées par les théologiesimmanentistes ; il est mis sur la séparation dans les théologies – parfoisdominantes – plus soucieuses d'établir une rupture entre les deux mondes.Partant du constat qu'il n'y a pas de distance infranchissable entre la matièreet l'immatérialité, entre l'humain et le divin, il s'agit de savoir ce que leMoyen Age entend par immatérialité et comment le lien se fait avec la matière.Comment aussi la matière est reçue et travaillée comme une potentialité de soncontraire. Tout en évitant de confondre les deux pôles du matériel et del'immatériel, on se gardera tout autant de les séparer, comme trop souvent onle constate quand les diverses sciences s'ignorent l'une l'autre. L'objet de cecolloque pluridisciplinaire est de penser la matérialité comme une puissance(signe, symbole, trace, promesse… ?) d'immatérialité.

On entendra les matérialités au sens large de réalitésconcrètes, visibles : tout objet tangible comme un texte, une image, unearchitecture, un chantier, une orfèvrerie, un objet cultuel, un livre, unesculpture, et même un rituel, un genre littéraire, un programme iconographique,une procédure juridique, un contrat etc. Le pluriel est l'indicatif d'unegrande ouverture.

Il est sans doute plusdifficile de préciser a priori ladéfinition de l'immatérialité, sinon comme le résultat du travail desartisans/artistes/penseurs/écrivains qui, partant d'une matière brute,parviennent à une oeuvre dont l'aura excède manifestement la seule littéralitédes mots, des images, des constructions, des espaces. Sans doute que la tensionentre le visible et l'invisible est déjà un indicateur de cette réalité autre(en particulier dans les phénomènes de visions et de visionnaires). Plussubtilement, l'intervention des thèmes iconographiques dans la commande et laréception des oeuvres relève de ce dialogue entre l'intention et lasignification officielle ou parallèle qui ne peut se faire sans le support d'unobjet précis ; il serait utile d'envisager, dans ce contexte, les rapportsentre les tendances théologiques médiévales occidentales et orientales quantaux modalités d'approche des matérialités. Le fait de montrer et de cacher enmême temps (ou de ne montrer que dans des circonstances particulières)relève-t-il d'une volonté d'évoquer un mystère avec retenue et de recharger laquête du sacré menacé par la profanation du regard ? Peut-on identifier desstratégies par lesquelles les images marquent les seuils et les limites del'espace sacré, l'installation des images dans un livre ou dans un lieu, lesimple fait d'écrire, les usages de voiler et de révéler, de lire à haute voixou au contraire de tenir en silence des textes entiers, d'approcher l'absencetout autant que la présence, de ne disposer bien souvent que de restes ou dereliques pour évoquer des totalités disparues ou sublimées, constituent autantde pistes de travail permettant d'appréhender comment s'opère cette médiationentre un « matériau » et sa formulation esthétique, spirituelle, incorporelle.On pourrait déjà avancer que la quête de la lumière en toutes choses de lacréation est l'expression de ce désir de voir Dieu incarné et invisible à lafois. Dans notre réflexion sur la représentation de l'invisible il faudraaccorder une place importante à la figuration de l'église comme lieu de culte,corps mystique du Christ, communauté des chrétiens, symbole de l'Univers, ainsiqu'aux pratiques liturgiques, telles qu'elles se retrouvent dans lalittérature.

Il nous a semblé opportund'explorer cette voie qui peut renouveler l'étude plus éprouvée des techniquesafin de redonner à la poésie, à la symbolique, à l'interprétation, à lacontemplation, le dernier mot des entreprises artistiques médiévales. Lesapproches orientales et occidentales seront exposées. Les théoriescontemporaines viendront utilement questionner les pensées médiévalestraditionnelles ou déjà soucieuses de modernité.

Pour néanmoins s'assurerprudemment d'une convergence de communications, il est proposé de se limiter àtout ce qui touche l'église, tant dans son objet monumental ou ses ornements,que dans sa représentation ou sa citation littéraire, ou même sa métaphore,sans oublier la compréhension du phénomène ecclésial dans les autres religionsque la religion chrétienne.