Questions de société

"Masterisation : Valérie Pécresse annonce le calendrier" (blog de S. Huet 15/07/09) + communiqué intersyndical "Une rentrée sous haute tension ?"

Publié le par Bérenger Boulay

Voir aussi sur SLU: CNESER du 15 juillet : discours de V. Pecresse et déclaration des organisations syndicales

Cneser= Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche

Sur le blog de Sylvestre Huet:

"Masterisation : Valérie Pécresse annonce le calendrier" (15/07/09)

http://sciences.blogs.liberation.fr/home/2009/07/masterisation-val%C3%A9rie-p%C3%A9cresse-annonce-le-calendrier.html

Aujourd'hui, Valérie Pécresse s'est rendue devant les membres du CNESER pour y prononcer un discours qui ressemble beaucoup à une tentative de déminage de la rentrée universitaire.
Mission principale : annoncer que la réforme dite de la mastérisation n'est pas écrite, que son contenu sera élaboré à travers une concertation qui durera jusqu'en décembre 2009.

Laministre s'est ainsi bien gardé d'émettre quelque opinion sur lesplaces et contenus respectifs des concours, des formationsdisciplinaires et pédagogiques, des stages, du devenir des enseignantsd'IUFM etc. En revanche, elle a insisté sur un calendrier qui devraitpermettre aux différents acteurs de défendre leurs points de vue. Voiciquelques extraits significatifs de son discours sur ce point(l'intégralité se trouve ici). et surtout, en geste de bonne volonté, a annoncé que les décrets préparés par Xavier Darcos ne seront pas publiés avant la fin de la concertation :

«Réussirla masterisation, cela veut aussi dire donner toute sa place à laconcertation. C'est pourquoi nous avons engagé la discussion avec lesorganisations syndicales en mettant en place des groupes de travail.Nous sommes ainsi arrivés à des conclusions claires sur de nombreuxsujets. Sur d'autres, des pistes de réflexion ont été ouvertes. Danstous les cas, ces réflexions nous ont permis d'avancer. De la mêmemanière et quelles qu'aient été les circonstances, la commissionprésidée par William Marois et Daniel Filâtre a beaucoup travaillé.Elle nous présentera ses conclusions vendredi : avec Luc Chatel, nousles attendons avec intérêt et même impatience, car à nos yeux, cestravaux sont au coeur de la réflexion commune que doivent conduireensemble le secondaire et le supérieur. C'estpourquoi nous nous sommes engagés avec Luc Chatel à ce que les décretssur le statut des enseignants du second degré ne soient pas publiésavant que nous n'ayons pu prendre connaissance de ces travaux et de l'avoir fait de manière approfondie.»

Le calendrier est désormais le suivant : «En novembreprochain, les groupes de proposition devraient avoir achevé leurstravaux. Leur organisation permettra de respecter la suite logique quiconduit des maquettes de concours aux maquettes de diplôme, puis à laformation continuée. La singularité des différents concours –agrégation, CAPES, concours de professeur des écoles ou de professeurde lycée professionnel – sera prise en compte dans le respect d'uncadre commun. Au cours du mois de décembre, au vu des conclusionsdes différents groupes, je recevrai avec Luc Chatel les partenaires dela concertation, pour recueillir leur sentiment avant de procéder auxderniers arbitrages sur les maquettes de concours et le contenu desmasters. Je tenais à vous le dire : vous pourrez suivre l'avancée deces réflexions, car le cadrage national des masters fera l'objet d'unediscussion au CNESER. De même, une fois que les universités nous auront transmises leurs offres et maquettes de formation, à la mi-avril, elles seront naturellement soumises pour avis au CNESER.»

Parailleurs, la ministre revient dans son discours sur le passage àl'autonomie de nouvelles universités, sur le plan licence, l'aidesociale aux étudiants, leur insertion professionnelle, l'allocation desmoyens aux universités ou la simplification de la gestion deslaboratoires universitaires.

Les organisations syndicales suivantes

  • FSU,  SNESUP-FSU, SNASUB-FSU, SNETAP-FSU
  • CGT, UNSA, CFTC, CESEN Autonomes, SNPDEN
  • UNEF, FAGE

ont réagi à ce discours par un communiqué commun :

Unerentrée sous haute tension ?

Le 15 juin dernier, le Directeur Général (DGSIP) annonçait enfin uneséance plénière du CNESER le 7 juillet attendue depuis le début del'année 2009. Devant le puissant mouvement de contestation de lacommunauté universitaire et scientifique engagé fin janvier et lesvraies réponses que le gouvernement se devait d'apporter, à quatrereprises, la large majorité des organisations représentées au CNESERont exigé une séance plénière en présence de la Ministre. C'est sansordre du jour et au lendemain du 14 juillet que cette séance a lieu.Les organisations soussignées dénoncent le mépris affiché à l'encontredu CNESER.

Vous déniez ainsi son rôle et celui de sa représentationélue, largement attachée au service public de l'enseignement supérieuret de la recherche.Le mouvement dans les universités et les organismes a permis le retourd'un financement des emplois 2009 et l'annonce du gel des suppressionsd'emplois pour 2010-11 dans l'enseignement supérieur puis dans larecherche, ainsi que la restitution d'emplois associés aux chairesmixtes dans les organismes de recherche, ce qui a rendu effectif desrecrutements au CNRS. Si le ministère a été contraint de reconnaîtrel'augmentation des tâches administratives et pédagogiques qui se sontajoutées aux missions des enseignants chercheurs, rien n'est envisagépour leur financement et celui de l'application de l'égalité TP=TD à larentrée, rien n'est annoncé en matière de créations d'emplois pour laprise en compte de ces charges.

C'est donc une rentrée difficile dansles établissements qui se prépare. Nous demandons la création d'uncollectif budgétaire permettant leur financement et exigeons desmesures sur l'emploi public pour que les établissements puissentassurer leurs missions de service public et que des mesures derésorption de la précarité soient engagées. Au moment où il estquestion de revenir sur le modèle d'allocation des moyens auxétablissements (dit « SYMPA »), nous exigeons un mode de financement àla hauteur des besoins des établissements – et de leurs composantesarticle L. 713.9 que sont les IUT et les IUFM - et à être associé à larévision du mode d'allocation des moyens.Alors que ces dernières semaines, les annonces d'augmentation desdépenses obligatoires des étudiants se sont succédées aucune annoncesur l'augmentation des bourses n'est prévue. Pire encore au vu de lasituation de crise qui touche particulièrement les étudiants aucunemesure d'urgence n'a été annoncée. Alors que le chantier vie étudianteouvert en janvier dernier aurait pu être un lieu de concertation, iln'a débouché sur aucune mesure concrète.

La rentrée va être trèsdifficile et la situation sociale des étudiants va se retrouveraggravée suite à l'augmentation des droits d'inscription décidée enjuin dernier. Alors que plus de 50% des étudiants sont obligés de sesalarier pour financer leurs études et que plus de 100 000 étudiantsvivent sous le seuil de pauvreté, cette nouvelle augmentation est unfrein supplémentaire à la démocratisation de l'enseignement supérieur.Pour la première fois cette année, la part d'une génération accédant àl'enseignement supérieur est en recul. La réussite des étudiants dansl'enseignement supérieur ne semble pas faire partie des « dépensesd'avenir » avancées par le Président de la République le 22 juin devantle congrès. Pourtant, étudier dans de bonnes conditions, sans devoirtravailler pour financer ses études, est une des conditions majeures dela réussite dans ses études, il est donc nécessaire d'annoncer au plusvite une augmentation conséquente des bourses et un élargissement de lapériode sur laquelle elles sont versées, 10 mois au lieu de 9.
La suite est ici.

Pour ceux qui n'aurait pas suivi le film, voici un bref rappel du dossier mastérisation :

La réforme de la formation et du recrutement des enseignants du primaire et du secondaire lancée par Xavier Darcos et Valérie Pécresse a provoqué un séisme à répliques.
► Elle a mobilisé largement les UFR de SHS et les IUFM, donnant lieu à une opération de véritable «désobéissance civile»de la part de fonctionnaires avec le refus d'envoyer les «maquettes»des formations à l'Agence d'évaluation de l'enseignement supérieur etde la recherche.
► Le caractère très large de la protestation apermis de faire taire les concurrences boutiquières entre certainesuniversités géographiquement proches, comme Paris-1 et Paris-4, dont onaurait pu craindre que chacune tente de « piquer » les étudiants del'autre en déposant ses maquettes.
► Les deux ministres ont dû manoeuvrer en recul, faire des concessions sur le contenu et le calendrier de la réforme.
► La CPU, divisée sur le sujet, a soufflé le chaud et le froid.
►Enfin, elle a mis en difficulté la FSU, où les syndicats desdifférentes grades de l'éducation n'ont pas partagé la même analyse dela réforme.

De quoi s'agit-il avec cette réforme ? Valérie Pécresse la décrit ainsi : l'enjeu de la réforme de la formation des professeurs est «unenjeu de qualité : une plus grande qualité de la formation des futursenseignants pour assurer une plus grande qualité de l'enseignementdispensé à nos élèves». Quant à Xavier Darcos, il a répété adnauséam qu'elle permettrait de «payer mieux» les enseignants etd'allonger leurs études afin de mieux les former. Mais y a t-ilallongement des études, comme le soutient le ministre... ?

La situation pré-réforme consiste à passerune licence (3 ans), puis à préparer un concours (1 an) puis à suivreune année de formation pratique comme fonctionnaire stagiaire, avec(exemple du certifié en lettres) 690 heures de cours annuel et 6 à 8heures par semaine de stage en classe, encadrées par des visites deformateurs et un conseiller pédagogique. Autrement dit, la réussite àtoutes les années post-bac signifie que l'enseignant n'est pas enpleine responsabilité d'une classe pour un horaire complet avant le6ème mois de septembre suivant son bac.

La réforme telle qu'elle a été présentée initialementpar Xavier Darcos consistait à faire passer un master (bac plus 5 maisavec seulement 340 heures de cours en M2), et lors de cette année deM2, a passer le concours de recrutement. Puis, le 6ème mois deseptembre après son bac, le nouvel enseignant était placé en poste àtemps plein, 18h de cours par semaine à assurer pour un certifié delettres, son complément de formation n'étant assuré que de surcroît.Il n'y avait donc pas allongement des études. Mais diminution du volumehoraire des cours... le tout au détrimement de la formation pratique et pédagogique.Au passage, l'Etat faisait l'économie des salaires de l'année defonctionnaire stagiaire. Et, l'année de l'entrée en vigueur de laréforme, pouvait compter sur un volant de l'équivalent d'environ 5000postes à temps plein suplémentaires puisque les nouveaux recrutésn'allaient pas en année de formation mais directement au turbin.

De cette vision initiale de la réforme, il demeure l'architecture. Mais le gouvernement a dû reculer surla date de sa mise en vigueur, sur la mise en place de stages et deformations complémentaires après le master et la réussite aux concours,la nécessité de multiplier les bourses sur critère sociaux pourcombattre l'aspect sélection sociale de la réforme à été reconnue, legouvernement a dû mettre en place une énième commission(Marois-Filâtre) pour faire des propositions, commission qui a volé enéclat sous les coups de boutoirs de Darcos, juste avant de quitter leministère...

Bref, tout cela sent l'idéologie, la précipitation, la volontéd'économiser des postes, le refus d'améliorer vraiment la formation desenseignants. En outre, cette réforme fondamentale repose sur un déni deréalité gigantesque : en 2007, moins de 18% des présents aux épreuvesdu Capes l'ont obtenu, ce qui n'a rien à voir avec le niveau descandidats, mais résulte mécaniquement du nombre de postes d'enseignantsau budget de l'Etat. De ce fait découle que la seule bonne réforme possibleest celle qui réorganise les formations à bac plus 5 en fonction decette réalité : il faut préparer plus de 80% de ces étudiants à exercerun autre métier. C'est plus important, pour la société et pour lesétudiants, que de sélectionner moins de 20% d'entre eux.

Unefois que l'on a posée cette exigence, on s'aperçoit immédiatement qu'ilfaut recruter les enseignants plus tôt dans leur cursus de formation,afin de permettre à ceux – majoritaires ! - qui ne le seront pas depréparer sérieusement leur vie active par une formation à d'autresmétiers. En outre, c'est la seule solution permettant de distinguerceux – très minoritaires – qui ont le potentiel et la volonté d'allervers un doctorat afin de leur proposer la voie qui y conduit. De cepoint de vue, la confusion entre la préparation à un concoursd'enseignement du primaire et du secondaire et la voie vers un Bac plus8 et le niveau professionnel qui en découle est une hérésie et unefaute politique.