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Maîtres et élèves de la Renaissance aux Lumières

Maîtres et élèves de la Renaissance aux Lumières

Publié le par Vincent Ferré (Source : Thibault Catel)

Emblématique du siècle des Lumières, comme l’attestent les oeuvres d’un Rousseau ou d’un Voltaire, la question pédagogique se voit très souvent limitée à l’étude du seul XVIIIe siècle pour l’âge classique. Pour autant, elle s’inscrit dans la continuité d’une réflexion amorcée dès la Renaissance où le rapport au savoir et, partant, la relation du maître et de l’élève, se modifient profondément. L’enseignement humaniste prend ses distances avec l’université médiévale, et notamment avec la scolastique, tout en promouvant une approche plurielle et réflexive des méthodes éducatives. Le couple maître-élève se retrouve dès lors au centre de nombreux débats, et constitue une thématique et une problématique fondamentales des Belles-Lettres sous l’Ancien Régime. Mais alors que plusieurs autres disciplines (l’histoire, la philosophie, ou encore la sociologie) se sont intéressées à l’éducation et à ses acteurs, peu d’études ont été consacrées aux représentations et aux manifestations de la relation maître-élève dans la littérature et les arts de cette période.

Selon les types représentés, la relation – imposée ou choisie – prend des formes variées et l’interaction des personnages se modifie au gré des étapes de l’apprentissage. Fondamentalement dialectique, comme le rappelle George Steiner, la relation pédagogique vise surtout à équilibrer l’asymétrie initiale, voire à l’inverser : « Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maître ! », s’exclame Léonard de Vinci dans son Traité de la peinture. Or les qualités du bon maître et du bon élève ne sont pas stables, elles subissent l’influence des changements épistémologiques – de l’humanisme au sensualisme – qui touchent aussi les contenus et les modes de transmission du savoir. La place de la théorie et de la pratique dans l’éducation n’a de cesse d’être remise question : faut-il habilement passer de l’une à l’autre, privilégier les longues dissertations ou encore livrer l’élève à la seule expérience ? L’oralité des leçons prodiguées par le maître ne doit pas masquer l’importance du livre comme outil d’enseignement ; en rédigeant Les Aventures de Télémaque, Fénelon compose lui-même l’oeuvre destinée à éduquer son illustre disciple et met précisément en scène un maître et son élève, projection idéalisée du couple réel dans l’espace fictif. Plus largement, la visée éducative a d’ailleurs bien souvent permis de légitimer l’acte d’écriture à l’époque classique – l’auctor désigne aussi le maître, le modèle, et les écrivains se déclarent volontiers disciples de l’un de leurs prédécesseurs.

 

Sans sous-estimer la variété des applications du sujet, on pourra privilégier les directions suivantes, du motif littéraire aux relations entre les textes eux-mêmes :

- Une réflexion thématique. Le savant, le pédant, le pédagogue, le précepteur, le guide, sont autant de figures qui jalonnent les textes. Leurs leçons se modulent en fonction de destinataires de plus en plus variés, qu’ils soient princes, femmes, enfants ou hommes du monde. On mettra l’accent sur la spécificité des échanges et des interactions que ces rencontres produisent ainsi que sur le mode de sociabilité propre à la relation pédagogique. La fonction de la représentation du couple maître-élève est aussi une question majeure. L’enseignement est-il le sujet ou l’objet du texte ?

- Une optique générique et poétique. La question éducative se retrouve au coeur de genres aussi divers que l’institution du prince, le traité, le dialogue, la fable, la comédie, le roman et le conte. Elle concerne toutefois la littérature classique dans son ensemble, celle-ci étant soumise aux exigences du docere, qui demeure la pierre angulaire de l’apologétique romanesque et dramatique.

- Une étude stylistique. Existe-t-il un style ou des procédés propres à la visée didactique? De l'apogée humaniste au déclin progressif de « l'empire rhétorique », les stratégies oratoires se succèdent les unes aux autres. Il n'est qu'à voir, par exemple, la place dévolue aux énoncés sentencieux dans la prose narrative : abondants dans la première moitié du XVIIe siècle, ils seront bannis de la nouvelle par Du Plaisir, tandis qu’un Voltaire substituera l’ironie à l’éloquence solennelle.

- Une perspective historique et théorique. Outre la place centrale de l’éducation dans la Réforme, on pourra envisager l’évolution de la transmission des savoirs et l’émergence du concept d’« éducation », depuis l’instauration de la Ratio Studiorum des Jésuites jusqu’à la théorisation de « l’éducation négative » dans L’Émile. Une histoire des rapports maîtres-élèves pourrait aussi mettre en avant le rôle prépondérant des institutions scolaires, comme les collèges, dans la formation des auteurs et l’influence déterminante de celle-ci sur leurs oeuvres. Les cursus traditionnels laissent place à des disciplines nouvelles, telles que l’histoire qui devient l’objet d’un enseignement autonome au XVIe siècle.

- Une approche génétique et intertextuelle. Le sujet pose la question de la filiation littéraire entre auteurs, de l’imitation respectueuse au pastiche moqueur, en passant par l’innutrition masquée. Les maîtres sont alors des modèles à imiter, prolonger ou même dépasser. Ils peuvent faire l’objet d’éloges appuyés de la part de leurs disciples ; à l’inverse certaines autorités se trouvent parfois violemment critiquées et subverties, notamment à l’école libertine. On pourra étudier l’incidence du rapport maître-disciple sur l’histoire littéraire et sa place centrale dans certaines controverses, comme en témoigne la querelle des Anciens et des Modernes.

 

La journée d’étude s’adresse aux jeunes chercheurs en littérature et en langue françaises ainsi qu’aux doctorants d’autres disciplines telles que l’histoire, la philosophie ou l’histoire de l’art. Les propositions de communication (300 mots environ), accompagnées d’une brève notice bio-bibliographique de l’auteur (nom, prénom, courriel, institution d’appartenance, sujet de thèse, publications), doivent être envoyées avant le 31 mars 2012 à l'adresse suivante : cellf1718.colloque@gmail.com

La journée d’étude se tiendra le 16 juin 2012 à la Maison de la Recherche de l’Université Paris-Sorbonne. Les communications retenues seront mises en ligne sur le site internet du C.E.L.L.F. (http://www.cellf.paris-sorbonne.fr/).

 

Organisateurs : Thibault Catel, Céline Fournial, Adrienne Petit.