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M. Rannou, Vincent Giard et les jeux de piste

M. Rannou, Vincent Giard et les jeux de piste

Publié le par Nicolas Geneix

Maël Rannou, Vincent Giard et les jeux de piste

Article paru sur le site du9.org, juin 2018.

"Certains savent qu’un de mes passe-temps favoris est de faire des dépouillements détaillés de revues et collectifs pour le site bulledair, activité qui surprend souvent plus qu’elle ne soulève l’enthousiasme. Mis à part la revue Biscoto qui m’a abonné, dans une sorte de SP de base de donnée, c’est plutôt une indifférence polie qui accueille cette passion, qui m’a sans doute poussé à devenir bibliothécaire. La base de données, l’archivage, la joie d’avoir des infos qui se recoupent par un clic dans une illusoire exhaustivité sont assez proches de ce que pourrait espérer un archiviste ou un bibliothécaire attaché au dépôt légal.

Vincent Giard, auteur et éditeur (Colosse puis La Mauvaise Tête) s’en est, lui, toujours amusé. De manière potache, il avait édité un fanzine nommé Houba plus où les auteurs ne signaient quasiment rien et mélangeaient leurs travaux, me le dédiant en imaginant l’enfer d’en faire un sommaire, et mon désarroi. Cette blague ne concernait que nous, mais en se penchant sur différents travaux du concerné, se dessine alors un étonnant jeu destiné à la seule audience susceptible de s’y intéresser : ceux qui trieront les archives — ou un éventuel collectionneur complétiste. Rien ne semble tant l’amuser que de glisser quelques absurdités, allant de la boutade au jeu méta-littéraire.

Ainsi des 500 premiers cadieux, livre publié en 2016 à La Mauvaise Tête. Dans cet album particulièrement drôle, Xavier Cadieux trace une généalogie imaginaire de sa famille à l’occasion d’une fête familiale organisée pour « une fête qui n’existe pas pour de vrai, mais qu’on fête quand même ». Comme en résonance avec le titre, cette fresque familiale affiche 500 pages sur le site de La mauvaise tête (image 1), quand le catalogue général des Bibliothèques et Archives nationales du Québec en affiche 499, chose normale, les règles des bibliothèques voulant que l’on se base sur le dernier folio indiqué, même si quelques pages suivent. Cependant, n’importe quel lecteur se rendra vite compte qu’il s’agit d’une imposture : le livre est bien trop fin pour faire le nombre de pages promis. De fait, à partir de la page 26, la numérotation commence faire des sauts (la pages suivante porte le nombre 29), le phénomène prenant progressivement plus d’ampleur : ainsi, entre les pages 286 à 500, il n’y a que 26 planches. L’escroquerie est visible et joue assez bien avec le principe de fresque généalogique un rien décousue, porté par le récit. Les bibliothèques affichent donc une pagination fantasque (là où il serait plus logique d’indiquer un « n. p. » car on ne va quand même pas tout compter), mais cela reste visible et compréhensible par tous ceux qui saisiront l’ouvrage. (...)"

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