Compte rendu dans Acta fabula: De bruit et de fureur, par Laure Meesemaecker
Michel Brix
Le Nez de Cléopâtre. Sainte-Beuve et la philosophie de l'histoire,
La Louve Editions
Cahors 2007
154 pages
ISBN : 978-2-916488-13-4
17€
Prière d'insérer:
Le nez de Cléopâtre, s'il eût été plus court, toute la face de la terre aurait changé. » Cette « pensée » de Pascal, bien connue, sert à étayer la thèse selon laquelle les faits historiques dériveraient de causes fortuites et aléatoires : si Cléopâtre n'avait pas été aussi belle, Antoine aurait conservé sa clairvoyance, serait sorti vainqueur de la bataille d'Actium (31 avant J.-C.), et « la face de la terre aurait changé ». Semblable conception de l'histoire, pourtant, ne se trouve point partagée par tout le monde : on lit souvent, en effet, que l'issue de la bataille d'Actium, ou de n'importe quel affrontement majeur, n'a pas dépendu du comportement privé d'un des chefs de guerre, mais bien de lois supérieures, qui règlent le déroulement des choses et où les humains n'entrent pour rien. Ces deux conceptions de l'histoire s'affrontent depuis la Renaissance, dans un débat que retrace le présent ouvrage et qui tourne autour des mêmes questions essentielles : l'histoire est-elle le domaine du contingent et de l'irrationnel, ou le lieu du sens ? les événements du passé devaient-ils arriver ou sont-ils advenus par hasard ? faut-il rechercher les causes de ces événements dans des principes indépendants des actions des hommes ? quel est le poids et le rôle du libre-arbitre humain ? le futur, voire la fin de l'histoire, sont-ils prévisibles ? l'humanité a-t-elle un Destin ? Historien lui-même (avec Port-Royal), Charles Augustin Sainte-Beuve est maintes fois revenu sur ces questions. On ne pouvait trouver, dans ce parcours, meilleur guide que lui.