Édition
Nouvelle parution
Lucien, Philopseudès ou « L'ami du mensonge » suivi de Alexandre ou le faux prophète

Lucien, Philopseudès ou « L'ami du mensonge » suivi de Alexandre ou le faux prophète

Publié le par Nicolas Geneix

Lucien, Philopseudès ou « L'ami du mensonge » suivi de Alexandre ou le faux prophète

Traduction et notes de Monique Kantorow.

Paris : Hermann, coll. "Hermann Psychanalyse", 2012.

140 p.

EAN 9782705682507

16,00 EUR

Présentation de l'éditeur :

« Ces deux parfaits fripons avaient aisément compris que la vie des hommes est soumise à deux très grands tyrans, l’espérance et la crainte, et qu’un homme capable de les exploiter à propos pourrait s’enrichir très vite, car ils voyaient que celui qui craint et celui qui espère ont tous deux un besoin absolu et un extrême désir de connaître l’avenir. »
Lucien présente ainsi, dans son pamphlet « Alexandre ou le faux prohète », l’entreprise d’Alexandre et de son complice : fonder un sanctuaire et un oracle pour exploiter de futurs fidèles. Les personnages fictifs du « Philopseudès », doctes philosophes « amoureux du mensonge », sont eux aussi soumis à ces tyrans : ils se grisent d’histoires de miracles. Ils consultent également les oracles comme les clients du prophète, simples paysans ou hauts fonctionnaires, tel le respectable proconsul Rutilianus qui « au sujet des dieux raisonnait comme un malade et était prêt à admettre tous les prodiges ».
Lucien, ami des Épicuriens, brillant conteur et redoutable polémiste, sait faire rire aux dépens de croyants fascinés par l’irrationnel, doux rêveurs du « Philopseudès » ou victimes enthousiastes du prophète, aveuglés par leur besoin de croire.

Extrait de l'introduction :

L'Ami du mensonge ou l'Incrédule et Alexandre ou le faux prophète sont deux ouvrages de facture assez différente : le premier est un drame satirique, oeuvre de pure fiction, mettant en scène des «amis» du mensonge (L Ami est un singulier collectif), ridiculisés par un incrédule imaginaire, Tychiadès, porte-parole de Lucien. Le second est un pamphlet écrit à la première personne après la mort d'un «faux prophète», Alexandre, fondateur d'un véritable culte qui dure encore à l'époque où Lucien écrit ces pages. L'auteur a combattu le prophète de son vivant et a failli en être la victime. Il veut raconter la vie et la carrière de l'imposteur pour dévoiler ses fourberies et ses turpitudes aux yeux de la postérité.
Cependant, l'oeuvre de fiction et le pamphlet relèvent de la même source d'inspiration. Les deux titres grecs ont un point commun : philopseudès et pseudomantis comportent le même radical pseudo, car il s'agit bien de fausseté dans les deux cas.
D'un côté donc, une scène de comédie : des «sages», des notables, réunis autour de leur hôte, Eucratès, racontent des histoires surnaturelles, des contes de magie, auxquels ils croient. Tychiadès-Lucien, libre penseur malicieux, intervient plaisamment en soulignant l'invraisemblance et la fausseté de toutes ces histoires.
De l'autre côté, le récit des exploits d'un manipulateur, Alexandre, fondateur d'un oracle dont la fabrication est une habile mystification. Ses premières dupes sont des paysans paphlagoniens (au nord de l'actuelle Anatolie), présentés comme de braves imbéciles ; puis la masse des fidèles s'élargit, on y compte même le proconsul d'Asie et un intendant de l'empereur. Enfin, des foules entières viennent consulter l'oracle, adorer le prophète et son dieu serpent ; ils sont même prêts à lyncher les contestataires épicuriens qui veulent, comme Lucien, dénoncer le mage Alexandre, faux prophète, faux magicien, faux guérisseur, mais véritable homme d'affaires à la tête d'une entreprise fructueuse, expert en l'art de monnayer les oracles et d'engranger des bénéfices.
Entre les personnages fictifs de la scène de comédie et les fidèles bien réels de l'oracle du dieu serpent, il y a une différence de degré, non de nature. Ils appartiennent au même univers, celui de la croyance. À la fin du Philopseudès, Eucratès, interpellant le sceptique Tychiadès à propos des oracles et des prophéties, emploie, pour désigner l'ensemble de ces croyances, le terme de deisidaïmonia. Ce mot, qui a pris le sens péjoratif de superstition, a d'abord signifié «crainte des dieux», puis «crainte superstitieuse des dieux». Eucratès l'emploie dans son sens premier (que le mot français superstition ne peut pas rendre). Or, c'est précisément cette crainte particulière qu'Alexandre et son associé Cocconas veulent exploiter en décidant de fonder un sanctuaire et un oracle. «Ils avaient compris, dit Lucien, que la vie des hommes est soumise à deux très grands tyrans, l'espérance et la crainte, et qu'un homme capable de les exploiter à propos pourrait s'enrichir très vite, car ils voyaient que celui qui craint et celui qui espère ont tous deux un besoin absolu et un extrême désir de connaître l'avenir» (§ 8).