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Loxias 49 :

Loxias 49 : "Charlot, ce poète ? (Chaplin et la poésie)"

Publié le par Marc Escola (Source : Odile Gannier)

Prière d’envoyer vos propositions sous forme d’un résumé d’une demi-page accompagnée d’un bref CV jusqu’au 15 janvier 2015 à sandrine.montin@orange.fr, avec copie à gannier@unice.fr .

C’est en 1914 que Charles Chaplin crée à Hollywood son personnage de Charlie, ou Charlot comme l’appellent bientôt Espagnols et Français. Le succès est immédiat. La production d’objets dérivés (bandes dessinées, poupées, jouets, livres) témoigne dès 1915 d’une véritable « chaplinmania », et Chaplin devient le comédien et le cinéaste le mieux payé du monde. Parallèlement, les avant-gardes artistiques et poétiques, notamment européennes, sont de plus en plus cinéphiles, et dans ces cercles pointus on manifeste un intérêt marqué pour le cinéma burlesque, notamment pour la figure devenue familière de Chaplin. Charlie (Charlot, Carlito…) incarne aux yeux de ses admirateurs le poète moderne par excellence et nombreux sont les poètes qui, au cours des deux décennies suivantes, lui consacrent essais et poèmes : Louis Aragon, Ricciotto Canudo, Yvan Goll, Blaise Cendrars, Jean Epstein, Hart Crane, Camille Goemans, Henry (sic) Michaux, Federico García Lorca, Rafael Alberti… Comme l’écrit Philippe Soupault dans la revue Europe du 15 novembre 1928, « Son comique, pourrait-on dire, est d’essence supérieure. Remarquons à ce propos que le comique d’essence supérieure est très proche de ce que nous appelons aujourd’hui poésie. » Pourtant, comme chacun sait, Charlot ne parle pas. Le cinéaste et comédien continue même de résister au parlant bien après les premiers succès de films sonores, à commencer par celui du Jazz Singer en 1927, et il y a pour le moins un paradoxe dans cette invention d’un poète muet, qu’il s’agit de comprendre.
Ce numéro de Loxias explorera les rapports entre Chaplin et la poésie dans plusieurs directions :
- on souhaite s’interroger sur la fascination des poètes des années 20 et 30 (mais aussi des périodes plus récentes) pour le cinéma burlesque, et plus particulièrement pour Charlot. Quelle place occupe le cinéaste britannique dans les cercles cinéphiles et poétiques, en concurrence avec les autres grandes figures du burlesque, comme Buster Keaton ? dans quelle mesure Chaplin invente-t-il un rapport au monde proche des préoccupations des dadaïstes et des surréalistes ? parallèlement à son art de la surprise, ses gags et courts-circuits logiques, sa désinvolture sociale et sa résistance à l’ordre, n’incarne-t-il pas aussi un héritage plus idéaliste, voire post-romantique, à la fois assumé et distancié ? On pourra aussi se demander ce que la poésie doit au burlesque, en particulier à Chaplin, quel rapport entretiennent avec lui les personnages de clowns poétiques, comme le Plume de Michaux, dans quelle mesure le cinéma de Chaplin inspire de nouvelles pratiques d’écriture, parmi lesquelles des « poèmes cinématographiques » ou « ciné-drames » (comme la « Chaplinade » d’Yvan Goll).
- on se demandera ce que peuvent signifier les termes « poète », « poétique », « poésie » employés hors du contexte du poème, au sujet de Chaplin. Par exemple, quel usage Chaplin fait-il de la métaphore dans The Circus ou The Gold Rush ? Dans quelle mesure peut-on parler de poésie non verbale et pourquoi ?
- on tâchera de définir le rapport de Chaplin à la langue. La critique de la langue, outil de domination sociale réservé à ceux qui n’agissent pas, est présente dès les courts-métrages (dans The Tramp ou Easy Street par exemple). Les longs métrages de la maturité, postérieurs à l’invention du parlant, City Lights (1931) et Modern Times (1936) en particulier, sont à plusieurs égards des manifestes en faveur du cinéma muet, cohérents avec la posture critique plus ancienne. Ils inventent une parodie de langue, musicale (le discours des notables au début de City Lights), ou imaginaire (la langue inventée par Charlot chanteur de cabaret, dans Modern Times). Cette critique et cette invention ne sont peut-être pas sans rapport avec les entreprises de destruction verbale et l’invention de poésie syllabique ou concrète des années 10 et 20, des recherches futuristes (autour du zaoum), dadaïstes, lettristes, et plus largement des essais de poésie sonore. De façon générale, quel rapport Chaplin entretient-il avec la poésie et avec les expérimentations les plus contemporaines ?
Les textes dont le principe aura été accepté seront à remettre pour le 31 avril 2015. La publication est prévue le 15 juin 2014 sur Loxias, http://revel.unice.fr/loxias.