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L.L. de Mars, Comment j'ai écrit certains de mes livres

L.L. de Mars, Comment j'ai écrit certains de mes livres

Publié le par Nicolas Geneix

L.L. de Mars, Comment j'ai écrit certains de mes livres

Article publié sur le site "du9.org", juillet 2016.

"(...) Vous savez quoi ? quand on arrêtera de présenter systématiquement la lecture d’un livre à quelqu’un comme une épreuve, il le lira. Il jugera bien seul sur pièce si la promenade valait le détour ou non.

Quel rapport avec l’objet de ce texte ? Un lien d’importance, nodal, originel, même, si vous voulez mon avis :
mon travail tourne invariablement autour de deux ou trois toutes petites idées et notamment celle-ci, si banale qu’il m’étonne d’avoir eu à la reformuler si souvent : enfant, ce qui nous grandit et qui nous habitera au point de nous constituer, ce n’est pas ce qu’on nous destine, ce qui est prétendument fait pour nous, mais ce qui nous est impénétrable, inintelligible, ou interdit. Ce sont les livres pris dans la bibliothèque parentale dont nous traquerons le sens pendant des années, les films « de grands » furtivement surpris dans le salon, dont le sens nous a totalement échappé et dont les images nous poursuivrons des années, les idées qu’on n’a pas daigné nous décortiquer et pour lesquelles il nous faudra longtemps inventer nous-mêmes une signification.
Tout ce qu’on nous explique, tout ce qui nous est destiné, ce qui est taillé pour cette caricature de nous-mêmes qu’on appelle l’enfance, est outrancièrement normatif et ne laisse aucune place à l’invention de notre propre chef.
Adulte, cette sensation forte, vertigineuse, que provoque la rencontre d’idées, de productions humaines vraiment autres, insoupçonnables, déstabilisantes, qui ne se donnent pas à nous du premier coup, se fait trop rare. Parce que le mot d’ordre est la clarté, la simplicité, la communication. Nous devrions, croit-on, avancer sans inquiétude dans le sens. Et quand on ne comprends pas, c’est celui qui parle qui est regardé avec soupçon. L’incommuniquant est renvoyé au mieux au caprice d’artiste, à la poésie (ce coup de la poésie qui y balance dans ses cordes toute écriture nouvelle), au pire à l’escroquerie intellectuelle ou la sphère clinique. Ah ah, le poète, le rêveur ! Ah ah, l’intello, le snob, le masturbé ! Ah ah, le taré.
Je continue de préférer dans ma bibliothèque les livres qui me résistent, ceux dont les auteurs n’ont pas cherché à traduire leur vérité en termes illusoirement moyens, intelligibles par tous. C’est à mes yeux la plus belle forme de générosité qu’un auteur puisse m’offrir, celle qui me laisse la place de penser et d’inventer avec lui. (...)"

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