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"Littérature de jeunesse et engagements"

Publié le par Matthieu Vernet (Source : Philippe Clermont)

Appel àcommunications - date limite de réponse : le 30 janvier 2009.


Colloqueinternational à l'Université de Strasbourg, IUFMd'Alsace (Centre d'Étudesen Littérature pour la Jeunesse) – Les 12-13 & 14Novembre 2009, à Strasbourg.


« Littératurede jeunesse et engagement(s) »


SelonIsabelle Nières-Chevrel, la transmission des valeurs constitue« unedes frontières les plus communément admises entre lalittérature destinée aux enfants et la littératuredestinée aux adultes »1.En un sens cela s'apparente à la perception des écrivainspour la jeunesse toujours « suspectésde ne pas écriremais d'écrirepour –écrire pour instruire, pour moraliser… »,et cela reviendrait à considérer cette littératurecomme « disqualifiéeavant tout examen parce qu'elle ne serait pas sa propre fin »2.Pour autant il y a lieu de rappeler – toujours avec IsabelleNières-Chevrel - que la littérature pour la jeunesseest bien née dans une tradition d'enseignement et qu'unepartie de la production contemporaine s'inscrit dans cetteintention. Mais ce caractère éducatif va au-delàde montrer et viser simplement des modèles vertueux, cela dèsles débuts de la littérature pour la jeunesse. Ils'étend également à la transmission de savoirsau sens large, parfois il manifeste l'engagement d'auteurs oud'éditeurs. Par ailleurs, avec d'autres, il faut rappelerque tout texte littéraire est porteur de valeurs, quecelles-ci soient assumées ou non par l'auteur, perçuesou non par le lecteur. En effet, la fiction littéraire met enscène un univers de fiction qui est rarement sans rapport aveccelui du réel du lecteur (T. Pavel). Autrement dit, il y a làune façon de souligner que la littérature dit deschoses du monde réel, que le lecteur y trouve ce que rechercheaussi Tzvetan Todorov :


Sije me demande aujourd'hui pourquoi j'aime la littérature,la réponse qui me vient spontanément à l'espritest : parce qu'elle m'aide à vivre […]. Loin d'êtreun simple agrément, une distraction réservée auxpersonnes éduquées, elle permet à chacun demieux répondre à sa vocation d'être humain3.


Celarenvoie à une conception fonctionnaliste de la fiction mise enavant par T. Pavel, pour qui « lesoeuvres littéraires ne sont pas mises à distancesimplement pour le bénéfice de la contemplation, maisafin qu'elles agissent avec force sur le monde du spectateur »4.Cette attente du lecteur, illustrée par Todorov, et cetteorientation du texte littéraire, soulignée par Pavel,conduisent ainsi – d'un point de vue théorique et critique– à se préoccuper de la question de l'engagement,en tant qu'expression forte de valeurs et d'intentions, dont lediscours littéraire est le vecteur, mais dont il peut êtreaussi parfois le sujet.

Et, si l'on suit J.- P. Sartre,


lafonction de l'écrivain est de faire en sorte que nul ne puisseignorer le monde et que nul ne puisse s'en dire innocent. Et commeil s'est une fois engagé dans l'univers du langage, il ne peutjamais feindre qu'il ne sache pas parler [...]. Tout cela n'empêchepoint qu'il y ait la manière d'écrire. On n'est pasécrivain pour avoir choisi de dire certaines choses mais pouravoir choisi de les dire d'une certaine façon5.


Lecolloque veut dès lors envisager dans quelle mesure il estpossible à la littérature de jeunesse de manifester àla fois un engagement de nature idéologique, politique etesthétique ; d'approcher les « façons »par lesquelles les écrivains visent à réduirel'éventuelle innocence au monde des jeunes lecteurs.


Laquestion de l'engagement et des valeurs seradonc l'une des approches fédératrices desinterventions, au sens de ce qui vaut littérature de jeunesse(entermes de caractérisation poétique et esthétique)et des valeurs portées par le texte (ausens de valeurs culturelles et de société, où ladimension du rapport à l'autre peut être centrale, parexemple), tout aussi bien que des visées explicites d'unauteur, d'un éditeur. L'autreapproche retenue sera de considérer la littérature dejeunesse comme une expression artistique de sensibilitécontemporaine, en termes d'écriture et de rapports entre letexte et l'image. Les démarches comparatistes serontprivilégiées, notamment pour celles qui engagent lesquestions de réception (y compris la traduction) et celles dusujet lecteur.


Ce colloque est international etvise également la confrontation de diverses approchescritiques ou théoriques. Les langues de travail en sont lefrançais et l'anglais.


Lescommunications s'inscriront dans un (au moins) des axes suivants,dont le questionnement entend simplement susciter la réflexion:

1°Engagements des textes ou du sujet lecteur

  • La littérature de jeunesse au croisement d'autres littératures « mineures » ou minorées : littérature populaire, littérature de genres, littératures « genrées » (approchées par les gender studies) : quels textes « engagés » en termes esthétiques pour quelles valeurs ?

  • L'engagement du lecteur dans le texte : comment le sujet lecteur s'engage-t-il dans la lecture littéraire, au sens où il fabrique de l'interprétation, où il comprend les visées du texte ? Quels « effets » du texte engagé sur le lecteur ?

  • ...


2°Engagements d'auteurs

  • Des écrivains contemporains français « pour les grands » se mettent à écrire pour les plus jeunes (Ph. Claudel, A. Gavalda, A. Catherine, etc.) : faut-il parler d'engagement particulier et dans quel sens ?

  • Des écrivains s'engagent par l'écriture à donner une vision humaniste, complexe de l'enfant lecteur, se refusant ainsi à le considérer de façon simpliste : ce choix littéraire est-il aussi idéologique ? Et inversement, des options idéologiques d'écrivains se manifestent-elles dans des solutions esthétiques particulières ?

  • ...


3°Engagements des institutions : éditeurs, revues, École(primaire et secondaire, enseignants, programmes officiels, ...),mouvements pédagogiques

  • Des éditeurs accompagnent certaines fictions de « cahier citoyen » comme prolongement réflexif à la lecture (Syros), d'autres lancent une collection de textes et de témoignages engagés (« Ceux qui ont dit non », Actes Sud Junior), d'autres également peuvent se réclamer de valeurs dans leur ligne éditoriale (Milan, etc.) : qu'en est-il et dans quel rapport au littéraire ?

  • Les politiques de traduction : quelles options (idéologiques, esthétiques, ...) président aux traductions, aux choix des textes à traduire ? Quelles images de l'Europe et du monde sont ainsi véhiculées ?

  • Comment l'institution scolaire s'empare d'une littérature pour la jeunesse engagée, ou lue comme telle ? Peut-on parler de didactique du texte engagé ?

  • ...

Les propositions de communication seront envoyées par courriel au plus tard le 30 janvier 2009 aux deux responsables (ci-après) du colloque et devront comporter :

  • Le texte du projet de communication d'une trentaine de lignes, avec précision du corpus ;

  • Quelques éléments de biobibliographie en vue de la publication.

Lecomité scientifique diffusera le pré-programme descommunications retenues début mars 2009.

Responsables du colloque :

BrittaBenert, Philippe Clermont

Maîtresde conférences

IUFMd'Alsace – Université de Strasbourg

britta.benert@alsace.iufm.fr philippe.clermont@alsace.iufm.fr


Comitéscientifique :

BrittaBénert, Université de Strasbourg

PhilippeClermont, Université de Strasbourg

PascaleGossin, Université de Strasbourg

ChristineHélot, Université de Strasbourg

DanièleHenky, Université de Strasbourg

IsabelleLebrat, Université de Strasbourg

FrancisMarcoin, Université d'Artois

JeanPerrot, professeurhonoraire à l'université de Paris 13

Jean-MichelPottier, Université de Reims

AnneSchneider, Université de Strasbourg

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1 NIÈRES-CHEVREL, Isabelle, « La transmission des valeurs et les ruses de la fiction » in Littérature de jeunesse, incertaines frontières, actes du colloque de Cerisy, Paris, Gallimard Jeunesse, 2005, p.140.

2 I. Nières-Chevrel, « Lisières et chemins de traverses », op. cit., p.12.

3 TODOROV, Tzvetan, La littérature en péril, Paris, Flammarion, 2007, p. 15-16.

4 PAVEL, Thomas, Les univers de la fiction (Fictionnal Worlds, 1986), Paris, éd. du Seuil, 1988, p. 183.

5SARTRE, Jean-Paul, Qu'est-ce que la littérature, Gallimard, Folio Essai, p. 31-31.