Parallèlement à l’évolution de la critique littéraire qui revient à considérer aujourd’hui l’objet littéraire à l’intérieur du contexte historique et politique de sa production, l’une des tendances de la littérature postmoderne consiste à mettre en scène des histoires individuelles dans leurs relations avec les événements collectifs. Aussi la production culturelle contemporaine réside assez généralement dans le recours à l’Histoire comme d’un topos autour duquel se nouent des enjeux aussi bien esthétiques que mnémoniques et thérapeutiques. Dans les pays arabes où les pratiques culturelles sont liées à des contextes de conflits cette tendance prend tout son sens. Au Liban en particulier, face à ce qui est vécu comme une amnésie collective entreprise depuis 1990, sponsorisée et entretenue par l’Etat et la volonté de reconstruction, tandis que des travaux mettent au contraire l’accent sur le travail du deuil et de l’oubli qu’ils envisagent comme une pratique nécessaire par laquelle le passé est interrogé et le présent confronté, artistes, cinéastes et romanciers se donnent pour mission de raconter et de réactiver les processus qui permettent de comprendre le passé refoulé, mobilisant pour ce faire les paradigmes du récit et de la mémoire, voire questionnant et bouleversant l’usage de ces derniers,. Se proposant comme un espace d’investigation, l’art et la littérature deviennent le lieu d’une historiographie qui permet d’effectuer un travail de mémoire. Ainsi, la scène littéraire et artistique libanaise offre aujourd’hui une plateforme qui interroge l’existence d’une mémoire de conflit aussi bien individuelle que collective et constitue un espace où des questions sur la responsabilité de l’artiste ou de l’écrivain face à l’histoire trouvent un terrain privilégié. Comment ces paradigmes investissent les territoires de la création littéraire et artistique et sont en retour travaillés par elle, cette question se négocie au sein d’une fascination réciproque où ces champs disciplinaires se nourrissent mutuellement. Cette réflexion, engagée et poursuivie dans le domaine des pratiques artistiques contemporaines, demanderait à être élargie à celui de la création littéraire. Si la littérature et l’art se sont emparés de ces questions dans les limites de leur médialité respective, il apparaît désormais intéressant d’appréhender leurs pratiques conjointement dans leur rapport avec le contexte culturel mais aussi avec les esthétiques qu’elles cherchent à développer. Par delà les différences intrinsèques relatives à la nature du discours qu’ils véhiculent, que nous disent la littérature et l’art sur le monde contemporain et sur leurs approches mutuelles et respectives ? Ce colloque se donne pour objectif de donner à voir, dans le cadre d’une approche interdisciplinaire (esthétique, politique, sociologique, philosophique, psychologique ou narratologique) comment littérature et arts interagissent face à ces problématiques communes.
Nayla Tamraz
Chef du Département de lettres françaises et du Master en critique d’art et curatoriat
Programe
Vendredi 16 mai 2014
10h-10h30 Séance d’ouverture
- Nayla Tamraz, Chef du Département de lettres
françaises et du Master en critique d’art et curatoriat
de l’Université Saint-Joseph
- Christine Assaf, Doyen de la Faculté des lettres et des
sciences humaines de l’Université Saint-Joseph
- Michel Scheuer s.j., Vice-recteur de l’Université Saint-
Joseph
10h30-11h Conférence inaugurale d’Henry Laurens, Professeur au
Collège de France : Les historiens et la guerre du Liban,
une mise en récit.
11h-11h30 Pause-café
11h30-13h15 Panel 1 : Face à l’événement : donner à voir
Modérateur : Dima Samaha, Département de lettres
françaises, USJ
- Sandra Barrère, Institut français du Liban : Anima ou
comment dire l’indicible.
- Claire Lozier, Etudes françaises, Université de Leeds :
Poétique des ruines et traces de l’Histoire : sur
‘Quatre heures à Chatila’ de Jean Genet.
- Katia Haddad, Chaire Senghor de la francophonie,
Département de lettres françaises, USJ : Les enjeux du
théâtre au Liban.
- Gregory Buchakjian, ALBA : Dernières nuits au
Holiday Inn.
13h15-14h45 Pause
14h45-16h Panel 2 : Les pratiques artistiques au prisme de
l’événement
Modérateur : Amanda Abi-Khalil, Critique d’art et
curatoriat USJ, ALBA
- Claudia Polledri, Littérature comparée, Université de
Montréal : D’un événement à l’autre. Autopsie de
Beyrouth et/ou de son histoire : lecture d’une oeuvre
de Lamia Joreige.
- Muhannad Hariri, Philosophy, AUB: Unhinging Time:
Narrative Disruption in the Films of Ghassan Salhab.
- Fares Chalabi, Critique d’art et curatoriat USJ, ALBA,
AUB : Nature, histoire et guerre civile.
16h-16h30 Pause-café
16h30-18h Panel 3 : Les pratiques artistiques au prisme de
l’événement (suite)
Modérateur : Ghalya Saadawi, Critique d’art et curatoriat
USJ, AUB
- Sonia Atassi, Civilization Sequence, AUB: Documentary
and Artistic Practices: Tammam Azzam’s «Syrian
Museum».
- Angela Harutyunyan, Department of Fine Arts and
Art History, AUB: The Artwork as Event: Towards a
politics of form.
- Fanny Gillet : Ecole des Hautes Etudes en Sciences
Sociales : Représenter la guerre civile en Algérie (1991-
2001) : analyse de la production symbolique face à la
violence politique.
Programe
Samedi 17 mai 2014
10h-11h Panel 4 : La question de la mémoire
Modérateur : Maya Hage, Critique d’art et curatoriat, USJ
- Bruno Péquignot, Arts & Médias, Université Sorbonne
Nouvelle, Paris 3 : Une mémoire collective dans le cinéma
libanais. Réflexions sociologiques.
- Amanda Abi-Khalil, Critique d’art et curatoriat USJ, ALBA :
Mémoire individuelle, mémoire collective et Histoire dans
les pratiques artistiques contemporaines au Liban.
11h-11h30 Pause-café
11h30-13h15 Panel 5 : Les écritures de la mémoire
Modérateur : Dima Samaha, Département de lettres
françaises, USJ
- Claire Launchbury, University of Chester, University of
Leeds: Up and Down the Rue de Damas: Interrogating
Memory
- Gérard Bejjani, UPT, Département de lettres françaises,
USJ : L’imaginaire du territoire dans le cinéma du Moyen-
Orient.
- Yamilé Ghebalou, Université d’Alger, Ecole Nationale
supérieure de Sciences Politiques d’Alger : Lectures et
appropriations imaginales de l’Histoire : blessures et
sublimations.
- Mohammad Radi, Université Al-Hussein Bin Talal : L’exil :
une mémoire fragmentée dans Des hommes dans le soleil
de Ghassan Kanafani.
13h15-14h45 Pause
14h45-15h45 Panel 6 : Les écritures de la mémoire (suite)
Modérateur : Ghalya Saadawi, Critique d’art et curatoriat
USJ, AUB
- Judith Naeff, University of Amsterdam : Replicas and the
Narration of a Future Oriented Past
- Ghada Sayegh, IESAV, USJ : Disparition/Apparition,
clôture du récit et irruption du fantastique dans les
pratiques artistiques contemporaines au Liban
15h45-16h15 Pause-café
16h15-18h Panel 7 : Ruine, monument, figure et préfigure : les détours
de l’histoire
Modérateur : Pierre Abi-Saab, Al Akhbar, Critique d’art et
curatoriat, USJ
- Thomas Richard, Université d’Auvergne : Le monde
médiéval comme métaphore du contemporrain chez
Youssef Chahine et Amin Maalouf.
- Nayla Tamraz, Département de lettres françaises, Critique
d’art et curatoriat, USJ : Pour une lecture de la ruine dans
Berytus de Rabih Jaber et Attempt 137 to Map the Drive
de Jalal et Graziella Toufic.
- Cécile Camart, Département de Médiation culturelle de
l’Université Sorbonne Nouvelle, Paris 3 : Commémoration,
généalogies, monuments photographiques : ruines de
la mémoire collective et trajectoires individuelles au
présent.
- Walid Sadek, Department of Design and Architecture,
AUB : The Ruin to Come; Spelling Survivor.
La traduction simultanée du français à l’anglais et de l’anglais au français est assurée