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Lire les villes. Panorama littéraire des villes du monde contemporain

Lire les villes. Panorama littéraire des villes du monde contemporain

Publié le par Marion Moreau (Source : Anna Madoeuf)

Colloque international pluridisciplinaire
Lire les villes : Panorama littéraire des villes du monde contemporain

Université François-Rabelais de Tours, 16 et 17 juin 2011
Responsables scientifiques :
Madoeuf Anna, Maître de conférences, Université F.-Rabelais de Tours, UMR 6173  CITERES (Cités, Territoires, Environnement et Sociétés), équipe EMAM (Monde arabe et Méditerranée), MSH de Tours.
Contact :  anna.madoeuf@univ-tours.fr      tél 02 47 20 93 98
Cattedra Raffaele, Professeur, Université P.-Valéry Montpellier 3, GESTER (Gestion des Sociétés, des Territoires et des Risques) EA 3766.
Contact :        raffaele.cattedra@univ-montp3.fr       tél 0039 3498 78 44 20


 La ville est une muse textuelle ; littérature et sciences sociales peuvent être considérées comme symbiotiques tant les études urbaines ont largement puisé dans la production romanesque, à titre de source parfois, d'argumentaire souvent. Dans certains champs thématiques, les emprunts, les connivences ou les passerelles sont, d'un univers l'autre, particulièrement explicites. Comment imaginer les protagonistes des Souris et des hommes de John Steinbeck sans penser à la figure du hobo de Nils Anderson, et inversement… De même, la référence à Rimbaud dans l'essai d'Isaac Joseph sur la dispersion de l'espace public n'est pas seulement contenue dans son titre du Passant considérable. Il est ainsi admis que la littérature puisse être une entrée dans/de la ville, comme le suggère Julien Gracq à la découverte de Nantes « sans le moindre souci d'en ranger les éléments par ordre d'excellence ».
 Notre projet est de proposer, dans une approche pluridisciplinaire, centrée sur une compilation de lectures urbaines, associées chacune à une ville et à un/des romans clé(s), un tour du monde urbano-littéraire. Il s'agira de combiner et mettre en perspective un panel de villes contemporaines de toutes contrées, approchées et mises en réalité par leurs écritures, et depuis nos lectures. A cet effet, l'expérience paysagère et les modalités de ses pratiques sensibles (au sens de Jean-François Augoyard) retiendront particulièrement notre attention.
Si le XIXe siècle a vu nombre d'auteurs, européens notamment (C. Dickens, E. Sue, E. Zola, V. Hugo, N. Gogol et tant d'autres), s'emparer de la ville comme théâtre, enjeu et objet, notre époque est celle d'un véritable foisonnement mondial, ouvrant maintes perspectives à cet imaginaire que l'on peut appréhender comme un « modèle d'énonciation » (P. Lassave). La production romanesque, à partir de la deuxième moitié du XXe siècle, s'est amplifiée dans toutes les sociétés, comme corollaire de l'urbanisation. Désormais, la ville, cette « chose humaine par excellence » (C. Lévi-Strauss), devenue mécanique à habiter le monde, est incontestablement un objet littéraire universel ; une multitude de cités sont médiatisées par leurs écritures et mises en récits.
  Qui a lu les premières pages de la mythique promenade londonienne de Mrs Dalloway, ne peut plus être à la ville de la même manière, ne peut ignorer comment la marche urbaine rythme, bouscule et oriente les pensées, les structure, les déstructure et les restructure simultanément, et comment un être peut ingérer un paysage jusqu'à s'y dissoudre. Quel chercheur, a su, mieux que V. Woolf évoquer ce ressenti ? Quelle forme d'écriture, autre que romanesque, est parvenue à évoquer ce lien ?
 La ville comme le roman sont des univers, des espaces-temps, qui peuvent s'avérer pareillement hypnotiques… La relation entre un écrit et une ville ne suscite-t-elle pas l'esquisse d'autres dimensions ou d'autres possibles ? Que nous dit un roman d'une cité que celle-ci ne révèle pas autrement ? Quels lieux de roman(s) sont fréquents et quels autres rares ? Que nous suggère un roman pour une approche exploratoire singulière des univers de la ville ? Quelles échelles, quels lieux, quelles formes de surimpositions et de combinaisons urbaines la lecture préconise-t-elle ? Les villes « mises en littérature » sont-elles davantage comparables ? Les univers d'un roman sont-ils affiliés aux mêmes catégories et mondes que ceux envisagés par les sciences sociales, et sont-ils transposables ? Comment lit-on l'ailleurs et l'altérité d'une ville ; la médiation romanesque suscite-t-elle une altération du sens de ces notions ? La mise en roman peut-elle rendre une ville plus immédiatement compréhensible ? Enfin, même si la question est délicate, comment la littérature romanesque parvient-elle à transcender les arcanes (ou à s'en émanciper) de la mise en contexte de la ville, une opération d'énonciation singulièrement retorse dans la construction scientifique ?
    Initiées à partir d'un immeuble (la Vie mode d'emploi, l'Immeuble Yacoubian), d'un quartier emblématique (les Chroniques de San Francisco), d'un lieu ponctuel (Tokyo Park), d'un instant (la Chemise) ou, plus souvent, en affrontant la « ville totale » (la Havane pour un infant défunt, le Maître et Marguerite) depuis des trajectoires individuelles, des fresques sociales et paysagères, des itinéraires… les possibilités d'animation sont infinies. Parfois, comme le constate M. Berrada à propos du Caire, il est si difficile de démêler le vu du su et du lu d'une ville, que l'on peut, en détournant les mots de P. Veyne pour qui « l'histoire est un roman vrai », être tenté de définir la ville comme un « roman vrai ». Des cités et des oeuvres s'avèrent singulièrement fusionnelles, comme en attestent tout particulièrement la trilogie new-yorkaise de P. Auster, ou les romans stambouliotes d'O. Pamuk et cairotes de N. Mahfouz. Ici ou là, certes, le roman ne s'inscrit pas dans un même contexte, n'est pas le produit de la même histoire, n'a pas les mêmes réceptions et fonctions sociales. La littérature, sous couvert de fiction, fait souvent office de critique sociale, et, parfois, le cadre explicite de la ville rend la critique d'autant plus percutante et acerbe, l'écriture se substituant alors à la parole impossible, le non-dit muant en écrit. Les artifices littéraires permettent de superposer, d'ajuster  de détourner des dimensions et des strates révélant ainsi des signifiances inédites.
Notre postulat sera de considérer — sans pour autant occulter la pluralité et la diversité des écritures et des villes — le roman urbain comme l'expression d'une médiation, d'un langage ou d'un code universels, incitant à envisager/décliner cet exercice inédit d'un abécédaire des villes du monde contemporain, confrontées depuis un panorama littéraire.
Tous les emprunts à des genres littéraires divers, du roman noir à la saga sociale via la fiction d'anticipation peuvent être explorés, s'ils peuvent s'inscrire plus largement dans un cadre générique qui serait celui du « roman urbain ». Ce projet ne se réfère pas à un univers disciplinaire exclusif, mais se situe dans le champ des « études urbaines », lequel ne renie aucune des sciences sociales et humaines.

Les propositions de contribution, qui associeront nécessairement une ville et un (ou plusieurs) roman(s) contemporain(s), sont attendues pour le 31 janvier 2011, dernier délai (résumé d'environ 300 mots, fonctions et coordonnées de l'auteur) et doivent être envoyées à anna.madoeuf@univ-tours.fr
Les notifications d'acceptation seront communiquées aux auteurs fin février 2011.

Le colloque se déroulera sur deux jours sous la forme d'ateliers continus avec des présentations d'environ 30 minutes par intervenant, dans les locaux de l'Université François-Rabelais de Tours. Les langues seront le français et l'anglais.
L'édition des actes est programmée, les textes seront à rendre à l'issue du colloque.