Écriture et déracinement : le face à face interroge, dès lors que
nous cherchons à percevoir l’espace littéraire de l’exil en dehors
de ce que Nabokov appelait « l’expression facile de la nostalgie ».
Car exil et geste créateur s’affrontent : autant les migrations
forcées dévoilent les mécanismes de la haine et dressent des
frontières, autant la construction d’une identité artistique réclame
l’ouverture des sensibilités. Le métier du poète (Canetti) devient
alors celui du clandestin : il est le passeur impénitent qui préserve
le « véritable accès entre les êtres ».
Le passant – tel les figures d’un Giacometti – convient à
Vladimir Nabokov, Elias Canetti et Yordan Yovkov. Ces trois grands
Européens du XXe siècle nous invitent à une approche singulière de
l’expérience de l’exil. Canetti imagine un homme étrange : celui
qui « court le long des frontières et maudit leur étanchéité ». Cet
homme-là, c’est le Dichter, l’écrivain-poète. Véritable créateur
d’espaces, il saisit les identités et les villes traversées – à l’instant
de leur métamorphose. La perception migrante découvre une
mélancolie prospective.
Lioubov Savova, Le Métier du poète en exil. Vladimir Nabokov, Elias Canetti et Yordan Yovkov, Paris, Champion, 2012, 629 p.
ISBN 978 2 7453 2231 9
L'ouvrage paraîtra le 28 mars 2012, dans la collection "Bibliothèque de Littérature générale et comparée", dirigée par Jean Bessière.