Questions de société
Liberté d'expression des enseignants-chercheurs: l'affaire Garrigou/Buisson (màj 17/01/10)

Liberté d'expression des enseignants-chercheurs: l'affaire Garrigou/Buisson (màj 17/01/10)

Publié le par Marc Escola

Sur le site Agora/Sciences sociales (14/1/10)

“Opiniongate” : les associations scientifiques s'expriment

Réagissant au différend qui oppose le conseiller de l'Elysée Patrick Buisson et le politiste Alain Garrigou, l'Association française de science politique et le Comité de vigilance pour les usages de l'histoire (CVUH) viennentde publier chacune un communiqué de presse exprimant leurs inquiétudesquant à l'indépendance de la recherche scientifique. Nous lesreproduisons ci-dessous en espérant qu'ils pourront alimenter laréflexion et le débat.

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Comité de vigilance face aux usages publics de l'histoire (CVUH)

“Le Mépris pour le monde universitaireet les menaces sur la liberté d'expression s'accentuent. PatrickBuisson, responsable de la chaîne Histoire, ex directeur du journald'extrême-droite Minuteet aujourd'hui conseiller spécial de l'Elysée porte plainte pourdiffamation contre le politiste Alain Garrigou pour des propos tenus ennovembre 2009 dans le journal Libération.Le CVUH s'associe au mouvement de soutien à notre collègue. Lesdocuments ci-joint prouvent le mépris de plus en plus décomplexé dugouvernement à l'égard du monde intellectuel. Il convient doncd'accentuer la vigilance vis à vis de toute forme de censure propre auxrégimes de droite dure qui s'octroient les services d'un homme assumantvertement son héritage catholique traditionnel etcontre-révolutionnaire. Les document ci-dessous font le point surl'affaire en question.”

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Association française de science politique (AFSP)

“Dans nos métiers, ceux de la rechercheet de l'enseignement, nous sommes amenés à travailler sur des sujetssouvent sensibles (le populisme, l'extrême droite, les violencespolitiques, les usages sociaux des sondages…) qui amènent parfois lesacteurs politiques ou médiatiques concernés à réagir fortement auxprotocoles méthodologiques mis en oeuvre et aux résultats scientifiquesénoncés. L'actualité récente, que l'on songe à la condamnationfinalement (et heureusement) non confirmée en dernière instanced'Isabelle Sommier, de Xavier Crettiez et de Juan J. Torreiro l'annéedernière ou récemment à la procédure judiciaire qui vise Alain Garrigou[en savoir plus]), voit se multiplier les procédures judiciaires et parfois disciplinaires [en savoir plus].

L'Association Française de SciencePolitique s'inquiète de cette judiciarisation croissante descontroverses en sciences sociales et politiques. Face à lamultiplication des actions judiciaires ou disciplinaires visant desenseignants et chercheurs spécialistes de la vie politiquecontemporaine, l'AFSP rappelle que, comme celle de la presse, la «liberté scientifique ne s'use que si l'on ne s'en sert pas ». Elleappelle tous ses membres à se montrer vigilants vis-à-vis de cesprocédures qui pourraient menacer à terme notre liberté d'interventiondans l'espace public et médiatique. En lançant en septembre dernier uneréflexion collective sur l'éthique de nos pratiques professionnelles [http://forumethique-afsp.over-blog.fr/],l'Association entend aussi montrer que notre communauté possède enelle-même les ressources susceptibles de construire collectivement unmode d'intervention maîtrisé dans l'espace public.

L'Association Belge de SciencePolitique pour la Communauté française (ABSP-CF) partage nospréoccupations et s'associe à ce communiqué.”

http://www.afsp.msh-paris.fr/

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« Un petit prof de fac » - Alain Garrigou, Observatoire des sondages, 9 janvier 2010

Présentation sur le site de SLU:

http://www.sauvonsluniversite.com/spip.php?article3337

Surl'affaire Garrigou (enseignant-chercheur en sciences politiques,assigné pour diffamation publique par P. Buisson, conseiller spécial del'Elysée et dirigeant de Publifact, au motif d'analyses parues dans "Libération"),voir le texte de l'intéressé en document joint, ainsi que lescommuniqués ci-dessous du Comité de vigilance face aux usages del'histoire (CVUH), et de l'Association française de science politique(AFSP)

(Document joint: Texte Garrigou)

Observatoire des sondages

http://observatoire-des-sondages.org/Un-petit-prof-de-fac.html 

En créant l'Observatoire des sondages,avec quelques amis, je savais fort bien que l'entreprise comportait desrisques. Mon expérience avait suffisamment démontré que la critique dessondages soulevait l'hostilité des sondeurs. Combien de fois, n'ai-jeété traité d'incompétent ou d'escroc, en public ou en coulisses ?Comment tourneraient les choses quand la critique ne serait plusponctuelle au détour d'un article ou d'un livre mais avec la permanenced'un site web ? En prévision d'une attaque judiciaire, j'avais doncécrit un papier prémonitoire : « est-il permis de critiquer les sondages ? »(24 juin 2009). Des indices de la montée de la violence étaient aussiperceptibles. Face à une attaque de François Bayrou qui savait ce qu'ildisait mais le disait mal, peut-être pas au meilleur moment, et ne l'apas dit jusqu'au bout, le P-dg de TNS-Sofres prenait la défense de soninstitut dans une tribune du journal Le Monde en indiquant que l'attaque de l'homme politique avait été « poussée jusqu'aux portes de la diffamation » (Le Monde,12 juin 2009). Le mot était dit. Quand les relations entre OpinionWayet ses confrères se sont encore détériorées à la suite de lapublication du rapport de la Cour des comptes sur les sondages del'Elysée, les dirigeants d'OpinionWay ont proféré une intentionprécise : «  Dans cette affaire, certains médias ont franchidélibérément la ligne jaune de la diffamation. Par respect pour noscinquante collaborateurs et les quelques centaines de salariés quitravaillent pour nous en sous-traitance, nous avons décidé de saisirnos conseils pour obtenir condamnation et réparation » (Le Monde, 31 juillet 2009). L'intention est demeurée une menace non suivie d'effet. Il est vrai que la suite a encore aggravé le cas.

Comme cet institut qu'il paie, Monsieur Patrick Buisson ne manquepas d'air. Il transforme cependant la menace en attaque en portantplainte en diffamation contre Libération et moi-même. Je nepouvais deviner que l'attaque viendrait d'un pseudo sondeur, qu'elleviendrait d'un conseiller du Président de la République et encore d'unhomme d'extrême droite mais je savais qu'elle viendrait. Elle étaitfacile à prévoir en observant les enjeux politiques de la maîtrise dessondages, leur usage de plus en plus manipulatoire, l'évolutionéconomique du secteur qui en fait des entreprises ordinaires surtouttournées vers leurs résultats économiques et non vers despréoccupations scientifiques. Significativement, cette activité àlaquelle ont longtemps été mêlés les universitaires, à commencer parJean Stoetzel, le fondateur en France, s'est coupée des scientifiquespour devenir l'affaire des managers. Les intérêts économiques et latransformation sociologique expliquent la réticence de plus en plusvive à toute critique intellectuelle et même le mépris à l'égard deceux qui l'osent. L'anti-intellectualisme pointe alors.

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