Questions de société
Lettre de soutien à Xavier Darcos des membres du jury du CAPES externe d'espagnol (1er avril 09)

Lettre de soutien à Xavier Darcos des membres du jury du CAPES externe d'espagnol (1er avril 09)

Publié le par Bérenger Boulay (Source : SLU)

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Lettre de soutien à Xavier Darcos des membres du jury du CAPES externe d'espagnol (1er avril 2009)

Les membres du Jurydu CAPES externed'espagnol

à Monsieur Xavier DARCOSMinistre de l'Éducation Nationale107 rue de Grenelle75007 PARIS

Paris, le 1er avril 2009

Objet : LETTRE DE SOUTIEN

Monsieur le Ministre,

Par la présente, nous venons vous apporter notresoutien dans la conduite réfléchie et concertée de la réforme de laformation et du recrutement des enseignants du secondaire. Comme vous,nous sommes persuadés qu'il est souhaitable d'entreprendre une réforme,mais il nous apparaît qu'il faut l'assortir de plusieurs conditionssans lesquelles elle ne pourrait être menée à son terme et sanslesquelles elle ne saurait être efficace. Nous entendons bien qu'ils'agit d'améliorer le système en vigueur et non pas de le détériorer.Il faut pour cela que les nouvelles dispositions à écrire soientrespectueuses des grands principes républicains qui régissent le codedéontologique de l'Éducation Nationale ainsi que des grands principesconstitutionnels qui régissent l'ordonnancement des concours et plusfondamentalement celui de l'égalité de tous les citoyens face auxconcours.

Dans un premier temps, la concertation – comme vousl'indiquez vous même à si bon escient dans un article du Monde du 18mars 2009 doit se faire entre partenaires responsables et compétents.Cette concertation ne saurait donc être menée hors de la présence deceux qui, à la fois formateurs et recruteurs, officient au sein desjurys de recrutement. Ils sont les mieux placés pour voir lesinsuffisances du système en vigueur, ils sont les mieux placés pour yremédier de manière opportune. Les Directoires de Jurys de concours, demême très certainement que les Sociétés Savantes, sont prêts à vousassister dans cette entreprise si difficile de la réforme. Nous vousprions donc respectueusement de les intégrer aux commissions chargéesd'élaborer aussi bien les grandes lignes que les détails des concoursde recrutement ; vous les honoreriez de manière judicieuse en lesmettant à contribution.Dans un second temps, plusieurs principes simples mais essentiels nousapparaissent comme incontournables, car ils sont les fondements mêmesdes critères qualitatifs qui donnent leur raison d'être aux Concours dela Fonction Publique et a fortiori de l'Éducation Nationale. Pour êtrecohérents, nous prendrons comme exemple le concours du CAPES/CAFEPexterne d'espagnol auquel nous collaborons, ce qui nous donne quelquecompétence. Il s'agit des principes suivants pour lesquels nous seronsheureux de lutter à vos côtés :

1) mise en place d'un programme disciplinaire culturelexigeant, 2) épreuves écrites et orales strictement disciplinaires etégalitaires, en nombre suffisant pour opérer les critères sélectifsindispensables, 3) dernière année de formation rémunérée.

1) Les programmes des concours d'espagnol de langue engénéral se doivent d'être des programmes universitaires exigeants dansplusieurs domaines culturels : littérature, civilisation, arts, cinéma,etc. Vous conviendrez qu'il ne suffit pas de parler une langue pourl'enseigner, et qu'il faut être à même de pouvoir s'exprimer sur tout,y compris les sujets les plus nobles, avec un niveau de réflexionsupérieur à celui que l'on exige des élèves du secondaire. Faute derespecter cette exigence, l'indispensable formation universitaire descandidats se verrait tronquée, car c'est vraiment après la licence, parle biais de la spécialisation, que les étudiants parviennent à parfaireun premier parcours disciplinaire général. En raison de votre positionde Ministre, avec votre expérience d'enseignant et d'InspecteurGénéral, vous le savez mieux que quiconque : trois annéesd'enseignement universitaire sont insuffisantes pour mener un futurenseignant à un bon niveau disciplinaire. Vous avez donc raisond'insister pour que cette formation se fasse sur cinq années, commec'est d'ailleurs déjà le cas actuellement. Si le programmeuniversitaire devait s'arrêter au bout de trois ans, les candidatsperdraient tout le bénéfice de leurs efforts de Licence, ce qui sembleparfaitement incohérent, vous en conviendrez.

2) Les épreuves écrites du CAPES d'espagnol de manièregénérale celles des CAPES de langues ne sauraient en aucun cas êtrelimitées au nombre de deux, sous peine de favoriser certains candidatset d'en défavoriser d'autres. En effet, une éventuelle disparition del'épreuve de composition en français introduirait un déséquilibrenéfaste entre les candidats d'origine francophone et ceux d'originehispanophone, nombreux à se présenter au CAPES d'espagnol. L'évaluationde l'expression française écrite serait réduite à la seule version,soit 25% des valeurs coefficientées contre 50% actuellement, faisantainsi apparaître une inégalité de fait entre les candidats. Enrevanche, la disparition de l'épreuve de commentaire en langueétrangère défavoriserait les candidats hispanophones, mais comme ils'agit de CAPES de langues une telle solution n'est bien évidemment pasà l'ordre du jour.

De même, les épreuves orales doivent être avant toutdisciplinaires et didactiques : une épreuve d'expression en langueétrangère, une autre d'expression en langue française. Touteconfiguration différente (éventuelle adjonction d'une troisième épreuveou remplacement par une épreuve non disciplinaire en français)introduirait une inégalité pernicieuse entre les candidats pour lesmêmes raisons que pour les épreuves écrites, puisque l'évaluation del'expression française serait privilégiée par rapport à l'expression enlangue étrangère ; plus qu'un paradoxe, ce serait là une graveincohérence s'agissant de CAPES de langues. En tant que Ministre del'Éducation Nationale vous ne pouvez en aucun cas vous porter cautiond'une telle aberration. En revanche, une très intéressante épreuve deconnaissance du système éducatif, que vous préconisez à juste titre,trouverait toute sa place à la fin de l'année de stage de formationpédagogique, c'est-à-dire lors de l'évaluation de la cinquième année etdernière année de formation (niveau Master 2). En effet, ce n'est qu'àpartir de cette expérience que le stagiaire aura acquis quelquesconnaissances pratiques du système éducatif et sera à même de procéderà des études de cas.

3) C'est pour mettre en place de manière cohérentecette épreuve de connaissance du système éducatif qu'il est essentield'instituer une année de formation pédagogique en alternance ;rémunérée, elle sera offerte aux candidats qui auront été admis auxépreuves du concours placées au courant du deuxième semestre de lapremière année de formation après la Licence. Il serait en effetdispendieux et inefficace de faire réaliser des stages préalablement auconcours à tous les candidats, alors même qu'un dixième seulement(voire moins) en aura véritablement besoin. La crise nous impose à tousdes restrictions budgétaires et il serait étonnant que l'ÉducationNationale puisse s'affranchir ainsi de principes d'économie aussiélémentaires. D'éventuels stages en responsabilité qui ne seraient pasde simples remplacements comme vous le précisez avec pertinence dansvotre lettre aux syndicats du 20 mars , constitueraient, s'ilss'adressaient à tous les candidats, plus qu'une incohérence financière,ils seraient une véritable gabegie des deniers de la République. Nousnous opposerons donc fermement à cette inutile dépense à vos côtés.Comme nous, vous êtes convaincu qu'il vaut mieux, pour un coût globalinférieur qui plus est, rémunérer un enseignant-stagiaire à sa justevaleur pendant une année plutôt que dix candidats (coût 30 000 euros)dont neuf ne seront pas reçus. De plus, cela valorise le parcours dulauréat par une année valable pour la retraite et entre doncparfaitement dans le cadre de la revalorisation financière, à la foisen début et en fin de carrière, comme vous le souhaitez à l'instar dessyndicats.

En ce qui concerne le recrutement définitif en tant quetitulaire au niveau d'un Master, il s'agit là d'une mesureindispensable qu'il convient de mener à bien de manière à ne pasperturber les délicats équilibres structurels de l'Université. Partantdu principe, dont vous êtes vous-même persuadé, qu'un candidat ne peutpas se former valablement à la recherche tout en préparant un concourset tout en faisant des stages pédagogiques, il importe de trouver unesolution pour que, une fois l'année de stage validée, les lauréatssoient détenteurs d'un Master complet. On pourrait ainsi prévoir que laréussite au concours donnerait l'équivalence d'un M1 et que l'année destage donnerait l'équivalence d'un M2. Cette manière de faire, un peusimpliste il est vrai, épargnerait bien des déboires et éviterait decasser un système de diplômes qui n'a aucune espèce d'accointance avecl'esprit des concours.

Partant de ces principes intangibles, que nous avons àcoeur de respecter surtout dans un souci d'égalité et d'efficacité, nousvous renouvelons avec ferveur notre proposition de soutien indéfectibleen nous faisons forts de faire accepter la réforme à l'ensemble de lacommunauté universitaire en quelques réunions de concertation decommissions paritaires rassemblant l'administration et desreprésentants compétents des formateurs-recruteurs (1/3 SociétésSavantes, 1/3 Directoires de Jury, 1/3 syndicats). Une telle synergiemettrait fin à des mois d'incompréhension, qui sont très coûteux àl'ensemble de la Nation, et réconcilierait définitivement lesdifférents partenaires qui n'ont de cesse d'améliorer un systèmeéducatif que beaucoup de pays d'Europe nous envient.

Dans l'attente que vous saurez apprécier à sa justevaleur ce soutien que nous vous proposons dans la conduite réfléchie etconcertée de la réforme de la formation et du recrutement desenseignants, et en espérant que vous donnerez suite à notre demande,nous vous adressons, Monsieur le Ministre, l'expression de nossentiments les plus dévoués et les plus respectueux.

Les membres du Jury du CAPES externe d'espagnol

Copie pour information à Monsieur Nicolas Sarkozy, Président de la République à Madame Valérie Pécresse, Ministre de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche