Questions de société
Lettre d'A. Refalo sanctionné par un abaissement d'échelon salarial + communiqué du comité de soutien (24/07/09)

Lettre d'A. Refalo sanctionné par un abaissement d'échelon salarial + communiqué du comité de soutien (24/07/09)

Publié le par Bérenger Boulay

Sur le site de SLU

Communiquédu Comité de soutien à Alain Refalo et du Mouvement des Enseignants duprimaire en Résistance Pédagogique, 24 juillet 2009

AlainRefalo, professeur des écoles à l'école Jules Ferry de Colomiers, qui acomparu en commission disciplinaire le jeudi 9 juillet à l'inspectionacadémique à Toulouse vient de se voir signifier une sanctiondisciplinaire de catégorie 2 : abaissement d'un échelon, soit lasanction qui a le plus de conséquences financières sur son traitement.S'ajoutant à la promotion qui lui a été refusée au mois de février, etindépendamment des 19 jours de salaire qui lui ont déjà été soustraits,cette sanction représente pour les quatre ans qui viennent une perted'au moins 7 000 euros, alors qu' Alain Refalo a effectué l'intégralitéde son service devant les élèves et que les rapports pédagogiques deses inspecteurs sont élogieux. Les faits reprochés à Alain Refalo sontles suivants : refus d'obéissance, manquement au devoir de réserve,incitation à la désobéissance collective, attaque publique contre unfonctionnaire de l'Education Nationale. Il s'agit donc bien d'unesanction politique pour briser professionnellement l'initiateur dumouvement de résistance pédagogique et bâillonner la libertéd'expression des enseignants.

Le comité de soutien à Alain Refalo et le Mouvement desEnseignants du primaire en Résistance Pédagogique considèrent cettesanction, décidée par le ministre Luc Chatel, comme une attaque directeà l'encontre de tous les enseignants en résistance et plus largement detous les citoyens et les élus qui se sont mobilisés massivement le 9juillet pour soutenir Alain Refalo et défendre l'école publique.L'inspecteur d'académie de la Haute-Garonne qui avait indiqué àplusieurs reprises qu'il n'y aurait pas de sanction disciplinaire àl'encontre d'Alain Refalo, et qui, le vendredi 10 juillet, lors de sonpoint de presse, avait souhaité s'inscrire dans une démarched'apaisement, a doublement menti.

Luc Chatel qui ne cesse d'afficher une postured'ouverture et de dialogue en direction des enseignants vient demontrer toute la duplicité de ses propos. La porte du dialogue que nousavions toujours laissée entrouverte est pour l'heure fermée de part lavolonté du ministre qui devra en assumer toutes les conséquences dès larentrée. Cette grave et injuste décision n'entamera pas ladétermination d'Alain Refalo et celle de milliers d'enseignants duprimaire en résistance dont les coordinateurs de toute la France seréuniront à la fin du mois d'août à Montpellier pour décider desinitiatives communes de résistance aux "réformes" scélérates quidéconstruisent l'école publique.

Blog Résistance pédagogique pour l'avenir de l'école http://resistancepedagogique.blog4ever.com/blog/index-252147.html

Comité de soutien à Alain Refalo jimpat3@hotmail.com

Le 24 juillet 2009

Déclaration d'Alain Refalo

« Ne nousrésignons pas. Osons dessiner, dès aujourd'hui, un à-venir pour l'écoleaux couleurs de la générosité et de l'espérance. »

En prenant l'initiative de désobéir aux dispositifspédagogiques imposés par Xavier Darcos et en décidant de le fairesavoir dans ma lettre « En conscience, je refuse d'obéir » adressée àmon inspecteur le 6 novembre 2008, je savais que je m'exposais aurisque de la sanction. Afficher ma désobéissance était la seuleattitude cohérente : elle me permettait d'affirmer une résistance quise voulait constructive et ouverte au dialogue tout en demeurant loyalet honnête vis-à-vis de ma hiérarchie. J'ai voulu prendre à témoinl'institution que nous n'avions pas d'autres choix pour éprouver lafermeté de nos convictions que de risquer de désobéir ouvertement afind'être entendus. Car peu importe à vrai dire pour l'institution quenous appliquions ou pas les « réformes », comme certains inspecteursont osé nous le dire, l'important pour elle est de montrer à l'opinionpublique que ces « réformes » s'appliquent sans vague. Le défi que nousavons lancé est à la hauteur de celui qui a été imposé par le pouvoir,c'est-à-dire la mise en place d'un processus de démantèlement duservice public d'éducation.

Cette action de désobéissance pédagogique qui s'estessentiellement cristallisée sur le dispositif de l'aide personnaliséea permis à des milliers d'enseignants du primaire d'en montrer toute laperversité et l'inefficacité tout en ayant une attitude responsablevis-à-vis des élèves en difficulté. Nous avons mis en lumière que cedispositif en trompe-l'oeil n'était pas destiné en réalité à aider lesélèves qui en avaient le plus besoin, mais qu'il permettait auministère de justifier la disparition de milliers de postesd'enseignants spécialisés du RASED, de supprimer deux heures de classepour la majorité des élèves, de favoriser la semaine dite de 4 joursque tous les spécialistes considèrent comme néfaste pour le bien-êtrede l'enfant et de renoncer à déployer une formation pédagogique à lamesure des difficultés que tous les enseignants rencontrentaujourd'hui. Sur ce temps-là, nous avons mis en place des projetspédagogiques pour tous les élèves, sans discrimination, leur permettantainsi de s'investir activement dans la classe et de remédier à leursdifficultés récurrentes. Refusant la stigmatisation des « mauvaisélèves », nous avons choisi de les aider autrement et certainement defaçon plus efficace.

Durant ces deux heures facultatives, avec l'accordexplicite des parents qui m'ont soutenu depuis le départ dans madémarche, j'ai organisé un atelier théâtre auquel ont participé tousles élèves. Parallèlement à cet atelier théâtre qui a permis aux élèvesen difficulté de retrouver de la confiance en eux-mêmes, de reprendregoût à l'école, de s'investir davantage dans les apprentissages etd'acquérir des compétences liées notamment à la concentration,l'écoute, l'expression orale et la coopération, j'ai organisé sur letemps scolaire obligatoire des ateliers d'aide et de soutienspécifiquement pour les élèves en difficulté en utilisant toutes lespotentialités et les ressources du groupe classe. Cela n'a pas été prisen compte ; l'institution s'est focalisée jusqu'à l'absurde sur lavérification de la mise en oeuvre d'un dispositif particulier, sansprendre en compte la globalité de mon travail d'enseignant dans laclasse.

Précisément parce que je n'ai pas appliqué lesmodalités du dispositif alors que j'en respectais largement lafinalité, j'ai été sanctionné, depuis le mois de janvier, d'un retraitde salaire deux jours par semaine au motif fallacieux de « service nonfait ». De surcroît, la promotion au grand choix à laquelle j'avaisdroit m'a été refusée au mois de février sous le prétexte étonnant quecelle-ci aurait été considérée comme un encouragement à ladésobéissance. Aujourd'hui, l'inspecteur d'académie de la Haute-Garonneen accord avec le ministre a décidé d'appliquer le principe, original,de la triple peine en me sanctionnant à nouveau sur le planprofessionnel et financier. L'abaissement d'un échelon, cumulé au refusde promotion, conduit à une amputation de salaire de 7 000 euros surquatre ans. Qui peut croire que la désobéissance limitée au dispositifde l'aide personnalisée justifie à elle seule cette sanction quiconfine à l'acharnement ? Les motifs invoqués de manquement au devoirde réserve et d'incitation à la désobéissance collective, une premièredans l'Education Nationale et dont on cherche en vain sur quels textesréglementaires ils s'appuient, témoignent d'une volonté de bâillonnerles enseignants. Cette dérive dangereuse ne doit pas manquerd'interroger tous les démocrates sincèrement attachés aux libertéspubliques.

La commission disciplinaire du 9 juillet a étéorganisée en dehors de toute règle élémentaire de droit. En ce sens,elle constitue une parodie de justice. Non seulement les membres decette commission étaient juges et partie, mais les votes étaient acquisd'avance dès lors que les représentants de l'administration sontobligés à un vote de fonction et non un vote de conscience. Lesdéfenseurs, les témoins, l'accusé ont été poliment et longuementécoutés, mais nullement entendus. Les représentants de l'administrationsont restés muets. Seul l'inspecteur d'académie s'est exprimé,empêchant ainsi un débat contradictoire, approfondi, diversifié etsoucieux de la recherche de la vérité. Cette commission fut à l'imagedu grand mépris que le ministère a affiché durant toute cette année ànotre encontre, mépris doublé d'une volonté de minimiser ce mouvementtout en le caricaturant. La contradiction entre ses propos clamés dansles médias et le procès politique en sorcellerie décidé à l'encontre del'un des porte-parole de ce mouvement n'a échappé à personne. Envérité, ce mouvement dérange, inquiète car il vise à neutraliser lesprétendues « réformes » dont se targuent nos gouvernants auprès del'opinion publique.

La vraie question est la suivante : Qui porte tort auservice public d'éducation ? Les enseignants du primaire en résistancequi osent prendre la parole et dénoncer les graves dérives d'unepolitique qui n'a comme seul horizon que les restrictions budgétaires,le désengagement de l'Etat et à terme la privation de l'EducationNationale ? Ou bien nos gouvernants qui ne tolèrent plus l'idée mêmed'une contestation provenant des petits fonctionnaires que nous sommes.Ce qui est en définitive insupportable, au-delà du respect du devoir deréserve auquel nous ne sommes pas directement astreints, mais qui estopportunément brandi à la face des professeurs des écoles aujourd'hui,c'est que des instits de base, eux qui n'ont pas le « prestige » desenseignants du secondaire ou des universitaires, aient eul'outrecuidance de se révolter, de le faire savoir et de lancer un défià l'autorité qui se croyait à l'abri d'une insoumission contagieuse.

Cette décision politique à l'encontre de l'initiateurdu mouvement de résistance pédagogique vise assurément l'ensemble desenseignants du primaire en résistance. Le nouveau ministre espère ainsiécraser toute velléité de contestation à la rentrée. Il se trompegravement. Il avait l'opportunité, lui qui s'est présenté comme unhomme de dialogue et d'ouverture, de dénouer les fils de ce conflitqu'il a découvert en arrivant rue de Grenelle. Il vient de lesresserrer. Et nous avions prévenu : « Plus ils nous sanctionneront,plus nous désobéirons ». Aujourd'hui, comme hier, le pouvoir ne nouslaisse d'autre alternative que d'amplifier la résistance aux« réformes » qui déconstruisent le service public d'éducation etparticulièrement aux dispositifs pédagogiques qui trahissent lesvaleurs profondes de l'école publique. En refusant le dialogue que nousn'avons cessé d'appeler de nos voeux, le pouvoir s'enferme dans uneattitude répressive qui ne peut que susciter des tensions regrettablespour l'avenir.

Jusqu'à ce jour, les sanctions, aussi disproportionnéessoit-elles, ne nous ont pas fait reculer. Elles ont au contrairesuscité un élan de sympathie dans l'opinion publique que le pouvoiraurait tort de mésestimer. De nombreux enseignants du primaire quin'ont jamais accepté ces réformes destructrices sans pour autant lescontester trop ouvertement se sont montrés solidaires, y comprisfinancièrement, et nous ont encouragés à ne pas céder. Nous avonségalement le soutien massif des parents de nos élèves et cela estdécisif. C'est pourquoi, à titre personnel, je ne regrette rien etsurtout je ne me sens « coupable » de rien. Mettre ses actes encohérence avec ses pensées est certainement ce qu'il est donné de vivrede meilleur, surtout dans notre noble métier. C'est une action juste,motivée en conscience, au service de l'intérêt général et non pas denotre « confort » corporatiste. Collectivement, nous pouvons être fiersd'avoir impulsé un mouvement qui porte l'exigence d'une révolte éthiqueet professionnelle conjuguée à un esprit de responsabilité etd'honnêteté que personne, aucun pouvoir, ne pourra briser.

Et pendant tout ce temps consacré à pourchasser lesenseignants en résistance, à vouloir faire appliquer des « réformes »injustes, néfastes et parfois inapplicables, on élude les vraisquestions et les vrais problèmes qui se posent aux enseignants duprimaire dans leur travail quotidien : la démotivation des élèves àl'égard de la chose scolaire, l'agitation et/ou l'apathie de beaucoupd'entre eux, leur difficulté à se concentrer et à écouter sur despériodes longues, le recul flagrant de la culture de l'écrit,l'hétérogénéité de nos classes avec des écarts de plus en plusimportants entre les élèves, l'addiction des enfants aux jeuxélectroniques et à la télévision, la montée des marques d'irrespect àl'égard des enseignants, l'absence de régulation des conflits entre lesélèves qui crée des climats de tension dans nos écoles. Nous avonsbesoin d'une révolution éducative qui prenne à bras le corps l'ensemblede ces problèmes et bien d'autres. C'est pourquoi, plus que jamais, desEtats Généraux de l'Education sont inévitables dans les prochains moispour préparer une nouvelle ère qui définira l'éducation comme unegrande priorité nationale.

Alors, à l'heure où la répression s'abat sur lesenseignants en résistance qui refuse d'assister passivement à ladéconstruction de l'école publique,

J'appelle, avectous les enseignants du primaire en résistance, à une insurrection desconsciences de la société civile pour sauver l'école de la Républiqueaujourd'hui menacée.

J'appelle lesenseignants à se ressaisir en refusant cette attitude de soumissionpermanente et aveugle qu'une hiérarchie abusant de son autorité veutnous imposer au mépris de toute confiance et de tout respect envers lesprofesseurs des écoles confrontés à des difficultés inégalées auquotidien.

J'appelle lessyndicats d'enseignants à jouer pleinement leur rôle en organisant dèsla rentrée un mouvement de résistance puissant à ces réformesscélérates qui aggravent une situation d'enseignement délicate et toutparticulièrement à ces dispositifs pédagogiques qui trahissent l'espritde notre mission qui est la réussite de tous les élèves.

J'appelle lesparents d'élèves, les citoyens et les élus à se mobiliser pour défendrele service public d'éducation que le pouvoir veut démanteler alors quenous avons plus que jamais besoin d'un système éducatif cohérent,outillé pour affronter les défis de l'échec scolaire et de la violencejuvénile.

A tous mes collègues déjà entrés en résistance et àtous ceux qui le seront inévitablement bientôt, je leur dis : ne nousrésignons pas, car se résigner c'est déjà abdiquer de sa liberté, de saraison et de sa dignité. Ayons confiance en nous-mêmes. Vous le savez,le verbe résister est un verbe qui se conjugue au présent... Alorsosons dessiner, dès aujourd'hui, un a-venir pour l'école aux couleursde la générosité et de l'espérance.

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Dépêche Associated Press:

"Professeurs désobéisseurs": Alain Refalo sanctionné par un abaissement d'échelon salarial pour quatre ans

"Alain Refalo, qui a comparu en commissiondisciplinaire le jeudi 9 juillet à l'inspection académique à Toulouse,vient de se voir signifier une sanction disciplinaire de catégorie 2:abaissement d'un échelon, soit la sanction qui a le plus deconséquences financières sur son traitement", a estimé Patrick Jimena,président du Comité de soutien à Alain Refalo dans un communiqué depresse. Il précise que cette sanction représentait "une perte d'aumoins 7.000 euros" pour le professeur des écoles, rétrogradant del'échelon 6 au 5.

Ce professeur des écoles de 44 ans avait étéentendu durant huit heures le 9 juillet par une commission paritairedisciplinaire pour "refus d'obéissance, manquement à l'obligation deréserve, incitation à la désobéissance collective et attaque publiquecontre un fonctionnaire de l'Education nationale (son inspecteur decirconscription)". Lors du vote de cette commission, l'inspecteurd'académie avait exclu les sanctions les plus graves comme l'exclusiontemporaire (de 3 mois à 2 ans) ou définitive des fonctions ou la mise àla retraite d'office.

M. Refalo était le premier professeur desécoles à avoir lancé la résistance pédagogique dans sa classe enrefusant d'organiser les deux heures d'aide personnalisée pour lesélèves en difficulté, une mesure initiée par l'ancien ministre del'Education nationale Xavier Darcos. L'instituteur avait alors préféréorganiser des cours de théâtre pour ses élèves avec l'accord desparents d'élèves. Depuis janvier, Alain Refalo avait déjà étésanctionné de 19 jours de retrait de salaire et d'un refus depromotion. AP