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Lesage 2015

Lesage 2015

Publié le par Marc Escola (Source : Christelle Bahier-Porte)

Lesage 2015, Colloque international - 15-16 octobre 2015

Paris, Hôtel de Lauzun

 

            En 2015, Alain-René Lesage (1668-1747) se trouvera au cœur de la célébration de deux tricentenaires : celui de la publication de l’Histoire de Gil Blas de Santillane, son roman le plus célèbre auquel il a ajouté deux volumes en 1724 et 1735, et celui de la création de l’Opéra-Comique.[1] Cette coïncidence offre l’occasion de reconsidérer l’œuvre de cet écrivain prolixe qui mena de front une carrière de romancier et d’homme de théâtre.

            Fort d’un succès durable, Gil Blas est sans conteste le roman de Lesage le plus lu et le plus étudié. Sans doute est-il emblématique de la poétique romanesque de l’écrivain : fondé sur la réécriture de sources diverses mais aussi sur un renouvellement profond de l’héritage du roman picaresque et du roman comique ; pétri de références théâtrales, il exhibe les coulisses de la « vie des hommes telle qu’elle est », en adoptant un point de vue comique et distancié sur le monde, les personnages et le roman qui s’écrit. Gil Blas est aussi emblématique de la réception de Lesage et de son évolution depuis le XVIIIe siècle : salué en 1715 comme un « roman satirique »[2]; loué, au XIXe siècle, pour la « vérité » du tableau de la vie humaine qu’il présente ; analysé, au XXe siècle, pour son mode d’énonciation et sa composition souvent jugée trop lâche, il est aujourd’hui apprécié comme roman « critique », « métafictionnel », jouant de son hétérogénéité et des défaillances de sa composition ou de son personnage pour mettre en question les prestiges et les leurres de la fiction[3].

            Célébrer conjointement la publication de Gil Blas et la création d’un spectacle nouveau, invite à prendre toute la mesure de l’invention lesagienne, tant romanesque que théâtrale. Inventeur de formes, Lesage le fut au théâtre : à la Comédie-Française tout d’abord où il tenta d’imposer des comédies mêlant l’art de l’intrigue espagnol et l’art des caractères français avant de connaître le succès avec des comédies atypiques : Crispin rival de son maître (1707) et Turcaret (1709) qui effraye jusqu’aux Comédiens ; sur les scènes de la Foire, où il écrivit, entre 1712 et 1734, plus d’une centaine de pièces, seul ou en société, et participa avec enthousiasme à la création de nouveaux genres dramatiques. Du côté du roman, s’interroger sur l’invention ouvre de larges perspectives tant pour une meilleure connaissance des œuvres les moins explorées par la critique, que pour prendre une juste mesure de la place de Lesage dans son temps. Avant Gil Blas, Lesage publie les Nouvelles aventures de Don Quichotte (1704) et Le Diable boiteux (1707). Il s’inscrit alors pleinement dans une veine critique du roman, volontiers expérimentale (on songera aux expériences quasi contemporaines de Marivaux avec ses premiers romans). Lesage restera fidèle à cette écriture tout au long de sa carrière, au risque d’un certain anachronisme.

                   Depuis le colloque pionnier organisé à Sarzeau par Jacques Wagner en 1995[4], Lesage bénéficie d’un regain d’intérêt marqué, qu’attestent son inscription au programme de l’agrégation en 2003 et surtout diverses mises en scène récentes. La première édition critique de ses Œuvres complètes permettra de donner à lire l’ensemble de ses œuvres. On relèvera, au reste, que les premiers volumes publiés (Champion, 2009-2012) concernent les œuvres les moins connues : des Nouvelles aventures de Don Quichotte à l’Histoire d’Estévanille Gonzalez en passant par le Théâtre français.

            Ce colloque souhaite s’inscrire pleinement dans cette dynamique et entend privilégier les approches novatrices des ouvrages les plus connus, inviter à l’étude des œuvres moins explorées, favoriser les approches croisées (stylistique, poétique, historique, comparatiste, dramaturgique… ) et la confrontation de Lesage avec ses contemporains.

Axes de réflexion possibles :

  • Lesage et son temps : on pourra, par exemple, s’interroger sur l’inscription des œuvres de Lesage dans les débats critiques du premier XVIIIe siècle notamment dans le contexte de la Querelle des Anciens et des Modernes. Les débats contemporains, l’évolution des idées morales et philosophiques trouvent-ils place, et comment, dans les romans et au théâtre (on sait que que les spectacles de la Foire sont particulièrement « réactifs » face à l’actualité sociale, politique et littéraire)? Pourquoi Lesage demeure-t-il un auteur « déconcertant » que l’on hésite à placer au même rang que Marivaux et Prévost ? Parce qu’il pratique volontiers la réécriture ? parce qu’il reste fidèle à un registre comique, dont les modalités et les enjeux mériteraient d’ailleurs d’être réexaminés ? parce qu’il « peint la vie » quand d’autres « peignent le cœur »[5] ?
  • Approches poétiques (roman et théâtre) : On pourra examiner la pratique de la réécriture, les enjeux de la composition romanesque, le statut du personnage-narrateur, le renouvellement du genre comique, la pratique de la discontinuité. On ne s’interdira pas pour autant de réfléchir à la problématique des « sources » et de leur recomposition par Lesage. L’édition des Œuvres complètes, qui doit se confronter à l’abondante bibliothèque secondaire de Lesage, montre que la question n’est pas complètement obsolète et pose des problèmes théoriques, pratiques et poétiques qui pourraient être mis en lumière. Dans le sillage des travaux fondateurs de Cécile Cavillac, et des études plus récentes de Sylvie Ballestra-Puech et Guiomar Hautcoeur, les approches comparatistes seront également bienvenues[6].
  • La réception française et européenne de Lesage au XVIIIe siècle : Comment lit-on Lesage au XVIIIe siècle ? On pourra s’appuyer sur les comptes rendus des journaux, les adaptations de ses œuvres en France et en Europe. On sait que Smolett s’est inspiré de Lesage que Victor Hugo compare Lesage et Walter Scott. Peut-on déceler une influence lesagienne sur le roman et/ou le théâtre européens ?

Comité scientifique : Pierre Brunel (Université Paris-Sorbonne), René Démoris (Université Paris 3), Pierre Frantz (Université Paris-Sorbonne, CELLF 16e-18 e), Jean-Luc Impe (musicologue, directeur de la compagnie des Menus Plaisirs du Roy), Sylvain Menant (Université Paris-Sorbonne, CELLF 16e-18 e), Nathalie Rizzoni (Université Paris-Sorbonne, CELLF 16e-18 e), Jean-Paul Sermain (Université Paris 3), Raphaël Valéry (Société d’histoire du VIe arrondissement de Paris), Jacques Wagner (Université de Clermont-Ferrand)

Organisation : Christelle Bahier-Porte (Université de Saint-Étienne, IHPC-UMR 5037) et Christophe Martin (Université Paris-Sorbonne, CELLF 16e-18e, UMR 8599)

Les propositions de communication (titre et une vingtaine de lignes de présentation, ainsi qu’une brève notice bio-bibliographique concernant l’auteur de la proposition) seront envoyées au comité scientifique avant le 15 novembre 2014, aux adresses suivantes : christelle.porte@univ-st-etienne.fret christophe.martin@paris-sorbonne.fr.