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Les voi(es)x de l'Autre dans l'écriture poétique : femmes poètes XIXe -XXIe siècles

Les voi(es)x de l'Autre dans l'écriture poétique : femmes poètes XIXe -XXIe siècles

Publié le par Alexandre Gefen (Source : CRLMC)

Colloque international organisé à l' Université Blaise Pascal (Clermont-Ferrand II) par le Centre de Recherches sur les Littératures Modernes et Contemporaines :

« Les voi(es)x de l'Autre dans l'écriture poétique : femmes poètes XIXe -XXIe siècles »
(7, 8 et 9 novembre 2007)

Dans l'introduction du Deuxième sexe, Simone de Beauvoir définit la situation de la femme par rapport à l'homme en ces termes : « Il est le sujet, il est l'Absolu : elle est l'Autre ». La notion d' « Autre » semble s'appliquer tout particulièrement à la position des femmes dans la tradition poétique. Le plus souvent « objet » du discours poétique, la femme est alors la muse inspiratrice, une création du discours masculin, idéalisée ou mythifiée. « Vérité, Beauté, Poésie, elle est Tout », écrit encore Simone de Beauvoir, « Tout excepté soi-même ». Elle est l'objet du discours, bien souvent enfermée dans les images codées de la Féminité, redoublant en cela le discours parfois réducteur de la psychanalyse. Pourtant, si l'on en croit Hélène Cixous, plus que tout autre écrivain, « le poète fait passer … de la femme ». Freud, lui-même, referme la conférence intitulée « La féminité » par l'injonction à poursuivre la recherche sur ce qu'il désigne aussi comme une « énigme » à travers la lecture des poètes : « Si vous voulez en savoir plus sur la féminité, … adressez-vous aux poètes. » Et cependant, s'il est un domaine littéraire dans lequel, à travers les époques, les femmes sont relativement peu présentes, c'est bien la poésie.
Au milieu du XIXe siècle, Elizabeth Barrett Browning, dont l'usage du sonnet pétrarquiste faisait un poète en vue sur la scène littéraire victorienne en Angleterre, s'écriait : « Où sont les poétesses ? ». Comme la question elle-même, l'apparition du terme « poétesse », devenu de nos jours plutôt obsolète, attire immédiatement l'attention sur le fait que les oeuvres des femmes poètes ont été généralement moins lues, moins connues, reconnues.
Nous nous proposons d'organiser un colloque, sans considération de pays, portant sur les poètes femmes des XIXe, XXe et XXIe siècles, qui permette à un large nombre d'entre elles de sortir de l'ombre dans laquelle elles ont souvent été plongées, par oubli ou par méconnaissance, et qui permette aussi à des chercheurs, poètes, amateurs de poésie de se réunir et de partager, de confronter, d'enrichir leurs lectures de la poésie des femmes.

Nous visons avant tout à étudier la poésie des femmes comme création artistique, et cependant, proposer un colloque consacré aux oeuvres de poètes femmes n'est pas neutre. C'est une démarche ancrée dans la pensée contemporaine, qui prend en compte la dimension de la « différence sexuelle» (Luce Irigaray) et l'apparition du concept d' « écriture féminine » (Hélène Cixous) dans le courant des années 1970. A travers ce concept, et également à travers celui d' « écriture-femme » (Béatrice Didier) apparu à la même époque, se dessinait un enjeu nouveau et majeur dans la critique, l'invitation à relire les oeuvres des auteurs femmes avec un regard, des outils renouvelés. Notre démarche se nourrit également des travaux de la « gynocritique », courant de la critique littéraire qui s'est développé dans les années 1970 et 1980 aux Etats-Unis, notamment autour d'Elaine Showalter, et qui explore la notion de « différence » dans les oeuvres des auteurs femmes plus directement dans sa dimension culturelle.

Un certain nombre de pistes de réflexion se font jour :

- L'écriture poétique peut-elle se lire comme le lieu de la représentation d'une situation spécifique des femmes dans le monde, la société, la culture ? Une situation spécifique peut-elle susciter une écriture particulière du moi, du corps, du rapport à la vie, à la mort ?
- Comment est introduite la nature ? Y a-t-il fusion avec la nature, ou dissociation ? La nature est-elle un élément décoratif, ou fait-elle partie de la vie et du corps ?

- La présence du corps féminin dans le texte est-elle représentation d'un vécu spécifique du corporel ? Miroir du regard de l'homme, ou traversée de ce miroir ? « Venue à l'écriture » d'un « érotisme féminin », ou de l'expérience du corps maternel ? Dans ce dernier cas, l'écriture se fait-elle représentation ou exploration de zones inexplorées, voire tabou, du vécu ? Quelle(s) représentation(s) de la relation mère-enfant la poésie offre-t-elle et de quel type de langage peut-elle être porteuse ?

- Au cours du XXe siècle en particulier, siècle marqué par l'accès massif des femmes au savoir en Occident, quelles voies les énergies nouvelles libérées dans le sillage des mouvements des femmes ont-elles ouvertes dans l'écriture poétique ? Assiste-t-on à des phénomènes d'exploration imaginaire, formelle et langagière particuliers, ou extrêmes, liés à l'expérience culturelle ou biologique de la féminité ? Une situation particulière des femmes dans la culture a-t-elle pu donner naissance à un travail original, marginal ou extrême, sur la langue par laquelle la culture transite ? Comment le texte poétique est-il structuré ou déconstruit ? Et quels sont les enjeux des stratégies d'écriture mises en oeuvre ?

- Lorsqu'une quête philosophique, spirituelle ou mystique, traverse le langage poétique, est-il possible d'y repérer la marque du féminin ? On pourrait s'interroger également sur la place du mythe dans les textes poétiques féminins et sur la manière dont sont exploitées les références mythologiques.

- Et quelle place occupent les représentations de l'Autre-homme dans la création au féminin, une fois que la femme passe de son traditionnel statut d'objet du discours poétique au statut de sujet écrivant ? La poésie des femmes entretient-elle avec la figure de l'homme, éventuellement figure de la tradition, de « l'autorité culturelle », un rapport d'idéalisation, d'amour, de diabolisation, d'exclusion – ou de fraternité ?

Les propositions sont à adresser avant le 15 janvier 2007 à :
Patricia Godi-Tkatchouk (CRLMC, Université Blaise Pascal) patricia.godi@wanadoo.fr
Bernadette Hidalgo-Bachs (CRLMC, Université Blaise Pascal) famille.hidalgo@wanadoo.fr
Caroline Andriot-Saillant (CRLMC, Université Blaise Pascal) andriot.saillant@wanadoo.fr