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Les voies du

Les voies du "genre" (Numéro thématique de Littératures classiques)

Publié le par Perrine Coudurier (Source : Florence Lotterie)

Les voies du "genre"

Numéro thématique de Littératures classiques (2016)

 

Restitution des articles : 30 juillet 2015

Argumentaire

Dans le cadre d’un numéro consacré à la littérature de langue française à l’âge classique, la première question devrait être d’ordre méthodologique et terminologique, impliquant de mesurer l'impact des problématiques de genre/gender venues très largement de l’aire anglo-saxonne.

Le pari, à cet égard, serait que nous nous trouvons désormais à un moment de possible mesure de la spécificité de cet impact, le transfert culturel et conceptuel ayant eu lieu, en France et, plus largement, sur le continent européen, comme nombre de signes, en particulier éditoriaux, l’attestent. On voudrait donc d’abord que ce numéro soit l’occasion de réinterroger l’usage de notions « transférées » en régime littéraire, dans le champ français des XVIIe et XVIIIe siècles, et de faire le point sur ce que peut être, aujourd’hui, le paysage des études françaises de genre.

Si l’on dispose bien d’ancrages en études sur les femmes, et/ou qui pratiquent un mode d'exportation des concepts gender (et d'intersectionnalité : race, classe, subalterne, etc…) et queer, sans doute conviendrait-il de s’interroger à nouveaux frais sur l’adaptation de l’approche « genrée » et de ses outils à la spécificité du discours de la littérature, alors même qu’ils relèvent souvent davantage des paradigmes disciplinaires historique et sociologique, et à celle de l’Ancien Régime, alors qu’ils illustrent régulièrement leur efficacité sur des corpus modernes et contemporains. Par exemple, comment valider l’emprunt à la notion d’intersectionnalité (qui définit les conditions de l’interdépendance entre les variables de la subalternité : sexe, genre, race, classe…) ? Pour quels bénéfices ? Si la sociologie du champ littéraire et les études relatives aux trajectoires d’auteurs, aux stratégies éditoriales, aux modalités de la sociabilité intellectuelle, peuvent bénéficier plus directement de ces approches, quelle est leur légitimité et leur efficacité à l’épreuve directe de l’analyse des textes ? Quels sont, aujourd’hui, les cadres, les instruments conceptuels, les méthodes qui permettent de penser le champ des études de genre en littérature française de l’âge classique ? Sont-ils susceptibles d’éclairer des spécificités internes, des découpes périodiques significatives, entre la fin de la Renaissance et le tournant des Lumières, mais aussi des continuités ?

Enfin, en quoi ces points de convergence ou de rupture permettent-ils d’éclairer notre présent ? Si les études de genre doivent se faire, sinon militantes, à tout le moins critiques, peuvent-elles se contenter du geste de réhabilitation des oublié-e-s et dédaigné-e-s de la littérature ? Comment l’attention aux faits de la « domination » s’inscrit-elle dans l’appréhension des spécificités de l’Ancien Régime ? Quels usages faire de la notion (contestée) de radicalité ? L’anachronisme, en ces matières, est-il un problème ou une chance ?

Seraient appréciées les études susceptibles de poser, à partir d’un objet transversal ou d’une étude de cas, un problème méthodologique ou théorique. Parmi les points de discussion :

1/ Définir les études de genre :

- Historiquement, peut-on repérer un champ critique français et/ou francophone qui pourrait faire office de généalogie (éventuellement programmatique) pour les interrogations actuelles ? Après tout, le Barthes qui analyse, dans L’Homme racinien, la tragédie de Bajazet à partir d’une structure (le Sérail) où les fonctions sexuées transgressent les assignations biologiques et culturelles, n’est-il pas un fondateur possible des études de genre, bien avant que le transfert culturel des gender studies ne se fasse en France ? Ce transfert lui-même étant, par ailleurs, lui-même informé par l’influence sur le continent américain de la French Theory

- Méthodologiquement, quels cadres ? Configurations des sexualités, de la différence des sexes, de leurs rapports, de la sexuation des rôles, des fonctions et des pratiques – de lecture, d’écriture, de publication et de reconnaissance, de savoir (à un moment, en particulier, où le rapport littérature / philosophie / sciences n’obéit pas aux partages disciplinaires et à la spécialisation qui sont les nôtres) : tous points intégrant notamment la question du religieux, et en particulier de la mystique.

- Quels nouveaux objets ?

2/ Les textes à l’épreuve des catégories de sexe et de genre. Comment croiser analyse littéraire et sciences humaines ? Quels apports de l’histoire culturelle, de l’anthropologie, de la psychanalyse ou des medical studies ?

3/ L’appréciation du rôle différencié, selon les époques et les lieux, des institutions et pratiques littéraires dans les constructions genrées.

Contact : florence.lotterie@univ-paris-diderot.fr