Essai
Nouvelle parution
Les utopies linguistiques

Les utopies linguistiques

Publié le par Alexandre Gefen

Le débat novembre-décembre 2001 numéro 117 inaugure un cycle intitulé "CE QUE FUT LE XXe SIÈCLE" par un remarquable article de Thomas Pavel : "Les utopies linguistiques", dont voici les premières lignes :

Les débats autour de la nature du langage se sont calmés depuis une vingtaine d'années, on dirait même qu'ils ont quitté la place publique pour se retirer dans le milieu restreint des spécialistes . les philosophes du langage et les linguistes. Nous sommes loin du temps où chaque intellectuel et chaque artiste se voyaient obligés d'émettre des opinions sur la question du signe, censée être la pierre d'angle de l'époque, celle à laquelle était suspendu l'avenir de l'humanité. Les participants à ces débats semblaient alors persuadés qu'à partir du questionnement philosophique le plus abstrait on pouvait déduire facilement, voire automatiquement, des réponses tranchantes à toutes les difficultés d'ordre politique ou social. Le comble de l'héroïsme consistait à se prononcer pour ou contre ce qu'on appelait alors «la métaphysique du signe et du sujet», ce choix étant censé entraîner inéluctablement des conséquences simples et nettes concernant la révolution à venir, celle qui, pensait-on, allait mettre fin à la société industrielle. Ce genre de déduction transcendantale des positions politiques est devenu plus rare de nos jours, peut-être parce que la problématique politique occupe désormais le devant de la scène intellectuelle et qu'on n'a donc plus besoin, pour l'aborder, de prendre l'invraisemblable détour d'une spéculation sur la nature du signe.

Grâce au retrait de cette spéculation, il n'est plus urgent de s'insurger contre les théories souvent aberrantes du langage qu'on fabriquait il y a trente ans avec une facilité enviable. On se rend compte maintenant que les penseurs qui les ont critiquées, un Paul Ricoeur, un Charles Taylor, un Raymond Boudon, par exemple, peu écoutés dans le feu du combat, ont en définitive gagné la bataille.

La suite dans Le Débat.