Questions de société

"Les universités doivent apprendre la gestion des ressources humaines" (lemonde.fr, 1/1/9).

Publié le par Marc Escola

Avec l'autonomie, les universités doivent apprendre la gestion des ressources humaines
LE MONDE | 01.01.09 | 11h06  •  Mis à jour le 01.01.09 | 11h28
par C. Rollot


Vingt universités, toutes volontaires, sont devenues le 1er janvier totalement autonomes dans le cadre de la loi Libertés et responsabilités des universités. Ces pionnières, qui représentent 315000 étudiants et 19000 enseignants-chercheurs, géreront à l'avenir l'intégralité (et non plus le quart) de leur budget, mais aussi leur masse salariale et leurs ressources humaines. "Révolution culturelle" pour la ministre de l'enseignement supérieur, Valérie Pécresse, "privatisation" dangereuse pour d'autres, la réforme doit s'achever dans les 85 universités en 2012.

LES PRINCIPALES DISPOSITIONS DE LA LOI DU 11 AOÛT 2007
La loi sur les libertés et responsabilités des universités (LRU) du 11 août 2007 prévoit un passage à l'autonomie sur cinq ans des 85 universités françaises.

Elles seront responsables de leur budget à 100 %, contre 25 % actuellement. Il inclura la gestion des emplois et de la masse salariale, qui dépendait jusque-là de l'Etat.

Les universités seront maîtresses de leur recrutement et de leur politique salariale (attribution de primes, intéressement). Elles auront le droit de recruter des contractuels y compris pour les fonctions d'enseignement et de recherche et les emplois de catégorie A. Elles pourront aussi moduler les obligations de service de chaque enseignant-chercheur (enseignement, recherche, tâches administratives).

Les universités pourront créer des fondations pour trouver des financements extérieurs et demander à devenir propriétaires de leurs biens immobiliers.

Concrètement, les présidents des universités devenues autonomes auront toute latitude en matière d'attribution de primes et d'évolution de carrière des enseignants (détachement, titularisation…). Ils devaient avant la loi en référer à l'Etat. Autre nouveauté : ils pourront moduler les heures de chaque enseignant-chercheur, entre enseignement, recherche et tâches administratives. Ces réels bouleversements ont dû être préparés en quelques mois.

Pour les y aider, le ministère de l'enseignement supérieur a versé à chaque établissement une dotation de 250000 euros. Une grande partie de cette aide a été utilisée pour financer des sessions de formation en gestion des ressources humaines, un domaine qui a toujours été un parent pauvre dans les universités.

La première tâche a été de réorganiser les services de la paie. Ils ne géraient jusqu'à présent que les personnels non fonctionnaires. Désormais, même si ce sont les services financiers de l'Etat qui continueront à éditer les fiches de paie et à payer, les universités deviennent responsables de la transmission de toutes les informations sur leurs personnels.

Culture de la performance Ce changement a conduit l'université Lyon-I à constituer un service centralisé de la paie. "Nous avons maintenant à traiter les dossiers de l'ensemble de notre personnel, soit 4000 fonctionnaires et 1000 contractuels", explique Lionel Collet, président de l'université.

Si le volet administratif des ressources humaines est à peu près organisé, reste maintenant à faire entrer dans les universités la culture de la performance et de l'évaluation individuelle. "La gestion des ressources humaines dans l'éducation nationale, c'était jusqu'à présent le degré zéro", considère Jean-Charles Pomerol, président de l'université Paris-VI-Pierre-et-Marie-Curie.

"Il nous faut apprendre à utiliser tous les leviers qui nous sont donnés par la loi, et ça prendra plusieurs mois", analyse Jean-Pierre Finance, président de l'université Nancy-I. Pour franchir ce pas, l'universitaire a étoffé son équipe de gestion du personnel de cinq personnes, dont un "vrai" directeur des ressources humaines. Le service a été remis à plat. Au total, il compte une cinquantaine de personnes pour gérer les quelque 3000 personnes (fonctionnaires ou non) qui travaillent à l'université. "Il y aura un département qui va faire de la vraie gestion du personnel en proposant de façon individualisée des formations ou des évolutions de carrière, un département qui fera de la prospective en termes d'emploi, et un autre de la formation continue", explique M. Finance.

En dehors de quelques recrutements pris sur les fonds propres des universités, ces nouvelles compétences procèdent dans leur grande majorité d'un redéploiement en interne. A budget constant, la réforme est un défi. "Il nous faut trouver de solides arguments pour faire accepter à nos personnels la nécessité de renforcer certains services au détriment d'autres", reconnaît M. Finance.

La difficulté majeure sera de trouver les bons profils et de les attirer à l'université. "J'ai recruté une responsable des ressources humaines qui vient de la fonction publique territoriale", témoigne M. Pomerol. "Mais, jusqu'à présent, les fonctionnaires qui étaient de très bons gestionnaires étaient plutôt attirés par des ministères à fortes primes, donc pas vraiment par l'enseignement supérieur. Grâce à l'autonomie, nous allons disposer d'outils incitatifs, augmentations et primes, qui nous permettront, j'espère, d'être plus compétitifs", conclut M. Pomerol.