Questions de société
Les universités britanniques se mobilisent contre les coupes budgétaires (màj 01/04/10)

Les universités britanniques se mobilisent contre les coupes budgétaires (màj 01/04/10)

Publié le par Bérenger Boulay (Source : Coordination Nationale des Universités)

Dossiers Education is not for sale et "Autonomie", coupes budgétaires et suppressions de postes pour les universités britanniques .

Ajout du 18 mars: Revue de presse britannique sur la situation de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche  (SLU - 18 mars 2010)

Britain : The Disgrace of the Universities - Anthony Grafton, The New York Review of Books, 9 mars 2010

L'historien moderniste américain Anthony Grafton, professeur à Princeton, revient sur les conceptions qui président aux réductions drastiques du budget des universités anglaises et plongent celles-ci dans une crise sans précédent. La pensée manageriale, incompatible avec le travail universitaire, touche moins les Etats-Unis, mais le langage de l'"impact" et de l'"investissement" progresse : s'il était adopté, ce serait le plus sûr moyen de rejoindre la Grande-Bretagne sur le chemin de McDonald's, écrit A. Grafton, pour qui, sauf changement rapide de la politique et des pratiques, les dommages causés aux universités britanniques seront irrémédiables.

Pour lire cet article sur le blog de NYR.

Les informations qui figurent sur cette page ont été transmises à la Coordination Nationales des Universités françaises par des sources qui souhaitent rester anonymes. Un envoi  du 09 mars 2010) a été ajouté au bas de cette page.


Création d'Une CNU anglaise, grèves et manifestation à Londres le 20 mars 2010

Les personnels mobilisés de King's college et l'UCU (University and College Union) ont organisé un "Take back education" samedi 27 février et ont décidé de créer une coordination nationale des universités.

L'UCU appel à une manifestation générale à Londres le 20 mars, à quelques semaines des élections (voir l'agenda militant de mars 2010).

 Une liste (probablement incomplète) des universités qui vont faire l'objet de licenciements a été mise en ligne :Overview of threatened Cuts in Higher Education. This shows the list ofuniversities with 25 or more redundancies currently planned.

puce-32883.gif Un blogdédié au mouvement national contre les licenciements et l'augmentationdes frais d'inscriptions a été créé : "National Campaign Against Feesand Cuts".

Les universités du Sussex (voir le blog Stop the Cuts – Defend Sussex) et de Leeds sont déjà mobiliséeset sont ou ont été occupées par les étudiants et les personnels. L'université du Sussex vote la possibilité de la grève à une très large majorité le 3 mars 2010 : http://www.timeshighereducation.co.uk/story.asp?sectioncode=26&storycode=410665&c=2

À King's college: vote de consultation sur la grève du 4 mars au 22 mars.

 EnAngleterre, les membres des syndicats doivent voter avant de fairegrève, sinon celle-ci est tenue pour illégale (une grève sans vote est une wildcat strike).

À King's College, 205 emplois sont menacés alors que l'établissement rachète une aile de latrès prestigieuse Somerset House. 

(L'articledu London Student indique que UCU s'attend a un votepositif. Ce serait le premier vote sur une grève de toute l'histoire dece college. Voir aussi King's College strike action ballot in row over job cuts, sur le site syndical de UCU, 26 février 2010). Cette initiative jugée historique est reprise sur le site du Times Higher Education :"Landmarkstrike vote at King's College London - Proposed job cuts leave scholarswith ‘no alternative' to industrial action, says union" (27 February2010).

Voir aussi sur un site d'étudiants : London Student : "King's staff to vote on strike action" (2 mars 2010).

Une première victoire à l'Université de Leeds ou les plans de restructurations sont suspendus :

Plusieurscentaines d'emplois étaient en jeu et la section locale de la puissanteUCU (100.000 adhérents revendiqués) avait appelé a la grève.


Uneautre victoire, mais cette fois-ci sur le terrain juridique.

Pourexpliquer cette victoire il faut décrire le contexte et décrire le moded'organisation et d'action de l'Etat en ce qui concerne l'enseignementsupérieur. Le principe d'organisation retenu est le principe desubsidiarité (aux niveaux global et interne), qui est assez bienaccepté à gauche comme à droite puisque c'est le principed'organisation de l'Europe (c'était avant cela la doctrine sociale del'Eglise et ce principe a déjà connu des tentatives d'applications dansles sociétés corporatistes de Mussolini et Franco).  Cf., par exemple,pour ce qui concerne l'organisation interne, le paragraphe 21 de cedocument "d'audit de qualité" de 1994 de l'Université de Leeds :
http://www.qaa.ac.uk/reviews/reports/institutional/heqc/Leeds_QAG321.asp

Iln'y a pas, en Angleterre, d'organisme nationale décidant des programmeset la tâche d'assurer un niveau nationale homogène pour les diplômesest dévolu aux universités et aux EC. Les universités ont une grandeliberté pour la définition des cursus et le contrôle se fait aposteriori via les membres extérieurs des jurys dont le rôle est defaire des recommandations aux autorités de l'Université sur lesprogrammes. (cette notion d'extérieur ferait certainement bondir auxÉtats-Unis comme étant contraire à l'autonomie des universités).
Unautre rôle des membres extérieurs est d'assurer que les examens ont unniveau homogène sur le territoire. Les procédures retenues ontégalement pour but de réglementer les possibles contestations desétudiants concernant leurs notes. Mais le niveau hiérarchique retenudans l'application du principe de subsidiarité bloque l'accès desétudiants aux copies (ce qui empêche les marchandages de notes, mais acertaines conséquences ant-pédagogiques) : chaque année à peu prèsmaintenant, des pre-jurys et les extérieurs examinent les examens de lapremière session (mai-juin). Il y aura une double correction et unéchantillon des copies sera vérifié par les extérieurs. Cette procédureassurant l'adéquation académique des sujets d'examens, les étudiantspeuvent uniquement contester sur la base d'arguments de santé ou deproblèmes matériels dans le déroulement de la session d'examen.
Unprofesseur d'archéologie de l'Université de Bournemouth avait collé 16étudiants de deuxième année de licence sur 60 à la première sessiond'examen (un taux élevé en Angleterre, ou un taux d'échec de 25% estsouvent considéré comme un maximum), puis 14 sur 16 à la session derattrapage. Voyant cela, le département a demandé une triple correctionqui a remonté les notes, permettant aux étudiants d'avoir la moyenne.

Cetteprocédure étant entériné par l'Université, le professeur concerné s'estconsidéré comme discrédité et a décidé de démissionner. Il a ensuiteattaqué au tribunal pour licenciement forcé. Il a perdu en premièreinstance mais a gagné en appel, ce qui est considéré comme une victoiredes standards académiques.
Il faut dire que les possibilités de pression des étudiants sur les notes sont importantes :

Sur l'enquête de satisfaction globale des étudiants et ses dérives, cet article du Times répercutel'opinion des patrons (CBI=Confederation of British Industry, MEDEFlocal) sur la  désinvolture des étudiants  anglais :

Voir aussi :

Uneautre victoire ? La commission d'Irlande du nord qui étudiel'augmentation des droits d'inscription est pour l'instant contrel'augmentation.

http://www.guardian.co.uk/education/2010/feb/23/university-tuition-fees-cap-northern-ireland

Rappelons cependant que les provinces de Grande Bretagne sont très indépendantes en matière d'enseignement supérieur.

En ce qui concerne la crise, des mauvaises nouvelles :

Après les budgets d'enseignement, ce sont les budgets de recherche qui commenceraient à être réduits. Sur les deux budgets, des coupes de 5% a 30% sont anticipées.
Cet article du Guardian donne une vision au jour le jour de la vie des universités sous la crise :

Surdes sujets plus scientifiques, une polémique sur l'utilisation desprocès par des industriels pour stopper la critique scientifique :

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Le Times donne une critique du nouveau livre de Stiglitz sur le marché et l'échec de la globalisation :
http://www.timeshighereducation.co.uk/story.asp?sectioncode=26&storycode=410474&c=2

Stiglitzest une personnalité intéressante dans la mesure ou il est aussi bienaccepté par la droite et la gauche (même radicale, ou extrême parfois)de l'échiquier politique. La partie de l'économie qu'il a développée, l'économie de l'information, s'attaque àla doctrine libérale d'efficience des marchés en introduisant unélément qualitatif qui n'est pas observé par tous les acteurs.
L'exemplele plus populaire de cette approche est sans doute la modélisation dumarché des voitures d'occasion. Dans cet exemple, les voituresd'occasion seront de bonne ou mauvaise qualité, sans que cetteobservation soit connue des acheteurs potentiels, alors que lesvendeurs sont parfaitement informés. Dans ce contexte, les vendeursd'un tacot chercheraient à vendre leur véhicule au prix d'une voiturede qualité et l'acheteur serait très fréquemment déçu quant à laqualité, ce qui mènerait à une baisse des prix et donc àl'impossibilité de vendre des véhicules de qualité : le marché nefonctionne pas, et il faut donc faire appel à un régulateur(évaluateur) qui va garantir la qualité du véhicule.
Stiglitz est aussi l'auteur d'une description de l'éducation ou seul l'aspect classant (screening)des études est important (au détriment du savoir transmis), car ilpermet à l'employeur de se faire une idée des capacités de l'employéqu'il va embauché. La description du marche du travail de Stiglitzexplique le chômage en supposant qu'il existe des travailleurs de plusou moins bonne qualité : les entreprises vont verser des salaires plusélevés aux "bons", ce qui engendre du chômage parce qu'elles ne peuventpas payer de salaire aux "moins bons". Le rôle du chômage est alors defaire peur aux "moins bons" et à les punir de ne pas accepter detravailler.
L'économie de l'information a développé une théoriedes incitations qui explique comment "punir les mauvais" et"récompenser les bons" pour faire fonctionner une institutions. EnFrance, le conseiller de Sarkozy, Bernard Belloc, est un des tenants decette approche, dont une des tentations est d'appliquer l'approchemanageriale, en principe interne à l'entreprise, à tout un secteur.C'est donc une renaissance de l'intervention de l'Etat plutôt qu'untriomphe du néoliberalisme, et cette doctrine a donc pu séduire lescomposantes étatiques et autoritaires de la gauche.  C'est aussi uneapproche qui se marie bien avec l'organisation subsidiaire de l'Etatpuisqu'elle laisse une certaine autonomie aux acteurs dans le cadre desrègles définies par l'autorité hiérarchique.

Onretrouve les grands traits des préoccupations de l'économie del'information dans cette description des bons principes de managementdes universités :
http://www.timeshighereducation.co.uk/story.asp?sectioncode=26&storycode=410392&c=2
Systèmesd'"incitations" à réorganiser régulièrement pour atteindre ces fins; contrôle des départements pour qu'ils continuent a favoriser les"meilleurs", mais certaines recommandations font sens. Par exemple,confier la direction du département a un vrai chercheur, et passeulement a un administrateur dépendant du pouvoir central.
Dansle même journal, cependant, de très fortes interrogations sur lespratiques bureaucratiques qui paralyse l'université anglaise :
http://www.timeshighereducation.co.uk/story.asp?sectioncode=26&storycode=410612&c=2
etceci d'autant plus qu'on constate l'échec de la pratique managerialeblairiste de la gestion par objectifs dans le système de santé :
http://www.timesonline.co.uk/tol/news/uk/health/article7052606.ece

Dansle secteur universitaire, le contrôle relâché de l'Etat génère certainscomportements peu souhaités par l'autorité hiérarchique.
http://www.timeshighereducation.co.uk/story.asp?sectioncode=26&storycode=410666&c=2
Cette université vase voir imposer des pénalités car elle embauchait trop d'étudiants pourassurer un meilleur financement (via les frais d'inscriptions) pour sesformations. La dernière phrase de cet article
raconte que desenseignants chercheurs encourageaient très fortement des étudiants àrépondre à l'enquête de satisfaction, car si leur université n'y étaitpas bien classée, ils ne trouveraient pas de travail...

Beaucoup de résistance à la situation actuelle :
http://www.guardian.co.uk/education/2010/feb/28/outcry-threat-cuts-humanities-universities
surtoutdans le secteur des humanités. Beaucoup de réactions individuelles,comme celle-ci qui rappelle les opérations immobilières financièrementaventureuses qui mettent en péril certaines universités excellentes :
http://www.guardian.co.uk/education/2010/mar/02/jonathan-wolff-academic-redundancies

Entre les beaux bâtiments et les personnels, il faut choisir ! Voir aussi :
http://boonery.blogspot.com/2010/03/notes-to-accounts.html
et
http://defenduclml.blogspot.com/

Les sites qui veulent coordonner la fronde commencent aussi à apparaître ou à s'étoffer. Voir :
http://conventionagainstfeesandcuts.wordpress.com/
http://educationactivistnetwork.wordpress.com/