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Les structures narratives et anthropologiques du conte occitan en diachronie (Montpellier)

Les structures narratives et anthropologiques du conte occitan en diachronie (Montpellier)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Laurent Alibert)

Proposition de journée d’étude

Les structures narratives et anthropologiques du conte occitan en diachronie

Université Paul Valéry-Montpellier 3, 24 avril 2020

 

Pourquoi une structure narrative parle–t-elle encore à travers les siècles et parfois les millénaires, quand tellement a changé (pour ne pas dire disparu) du cadre culturel, linguistique et des références idéologiques et spirituelles où cette structure est née? Pourquoi certaines structures narratives survivent dans les textes médiévaux ou les contes oraux collectés sans réelles réappropriations, alors que le contexte idéologique et/ou esthétique apparaît incompatible ? Pourquoi d’autres, au contraire, sont totalement réinvesties et deviennent support à un nouveau message ? 

La mise en relation d’une certaine dimension « folklorique » de la littérature narrative médiévale en langue occitane avec le riche corpus oral collecté depuis le XIXème siècle dans (ou à partir de) la même langue n’a été pour l’heure que ponctuelle, et concernant souvent davantage les élémentsde folklore plutôt que les structures.  

Cette journée d’étude s’organisera donc autour d’une idée simple : creuser  la lecture diachronique de systèmes narratifs d'un certain nombre d'oeuvres médiévales (Jaufré, Blandin de Cornuailles, Girart de Roussillon, les Roland occitans, Daurel et Beton, Fraire de Joy e Sor de Plaser,certainesVidas…) etdes narrations issus des collectages (Arnaudin, Blader, Pourrat, Perbosc, Fabre et Lacroix, mais aussi ceux réalisés par Al cantonou Cordae La Talvera) et conclure la journée par des analyses synoptiques pertinentes entre des œuvres tirées de ces deux corpus bien distincts.

Pour qu’une telle journée soit féconde, on privilégiera les approches ne se limitant pas aux schémas de Vladimir Propp mais proposant ou croisant différentes grilles de lectures comme celles issues des travaux de G. Dumézil, C. Levi-Strauss, E. Meletinski, M. Bakhtine, M. Eliade, R. Girard - et nous ajouterions volontiers à ces noms prestigieux celui de Xavier Ravier, dont la méthodologie utilisée dans Le Récit mythologique en Haute-Bigorre, (Edisud, CNRS, 1986) est particulièrement pertinente dans la visée comparative et diachronique de cette journée. Les travaux plus récents mais extrêmement novateurs de Julien d’Huy et Jean-Loïc Le Quellec seraient aussi d’utiles sources d’inspiration.

La journée d’étude s’adresse autant aux modernistes tournés vers les problématiques du folklore et des diégèses issu du collectage occitanophone qu’aux médiévistes intéressés par les questions que posent les structures de la littérature médiévale occitane. L’ajout du terme « structures anthropologiques » à l’intitulé de cette journée vient souligner qu’il est possible et souhaitable de ne pas limiter les études à une approche strictement « littéraires » dans l’approche de ces structures.

La journée s’organisera en trois temps dont la finalité, malgré la répartition par « spécialités », n’est pas de cloisonner les approches : chacune des communications des deux première parties de la journée devrait être conçues en invitant à « l’écho diachronique ».

1. Archéologie du conte oral collecté

Les communications réunies ici prendront pour point de départ ce qu’on a coutume d’appeler la « littérature orale », à travers des corpus où la dimension archaïque est patente.  Elle mettront en valeur, à l’aide de toutes les grilles et méthodologies pertinentes, ce qui dans le conte demeure de squelettes narratifs bien plus anciens tout en s’attachant à soulever les différents facteurs des évolutions et des mutations structurelles notables. 

Il sera ici fondamental de prendre suffisamment en considération les différents types de collectages – ceux-ci allant du traitement scientifique strict (Fabre et Lacroix) aux phénomènes de réécritures (Boudou ou Lagarde) en passant par des traductions ou collectages en français (Arnaudin, Bladé, Pourrat…). Les collectages plus récents, (Al cantonet Cordae La Talveranotamment) doivent être également appréhendés dans leurs spécificités (l’utilisation des supports audio et vidéo, et le caractère tardif des collectes).

2. Sur les épaule de géants : héritages « folkloriques » dans la littérature médiévale occitane

Dans cette partie, les communications devront, à partir de textes médiévaux, étudier des structures à l’œuvre en montrant à la fois comment le texte médiéval se réapproprie, réinvestit des systèmes structurels plus anciens, issus de la culture orale (cela peut-être par l’intermédiaire de la culture classique) et pourquoi ces structures ont survécu en lui malgré des cadres culturels, historiques et spatiaux distincts.

Ces questions interrogent en filigrane le statut de l'auteur médiéval, la conception qu'il a de son propre travail, et il sera nécessaire de prendre en compte l’attitude de celui-ci vis-à-vis de la « matière » qu’il utilise pour créer son texte. Comment gère-t-il les contradictions idéologiques, spirituelles ou esthétiques entre cette matière (souvent ces matières) et les valeurs de son temps ? Le rôle des copistes ne doit pas être négligé : font-ils ou non infléchir le sens de tel ou tel motif archaïque, altérant ainsi la structure qui le porte ?  

3. Collectages et textes médiévaux : lectures synoptiques

Ce troisième et dernier temps de la journée mettra en scène la comparaison directe de « squelettes diégétiques » comparables se trouvant dans des contes collectés en Occitanie au XIXème et XXème siècles et des œuvres médiévales de langue d’oc. Plus les squelettes diégétiques communs seront complexes, plus la comparaison soulèvera de questions. 

Ce troisième temps peut être envisagé en premier lieu comme une synthèse empirique des deux première parties de la journée, mais il devra dans la mesure du possible s’atteler à ouvrir l’horizon en théorisant ses observations.

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Les propositions d'intervention sont à adresser à laurent.alibert@univ-montp3.fr avant le 15 janvier 2020.

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Bibliographie sommaire

Certains numéros de la revue Folklore que dirigea R. Nelli, pourraient servir comme un stimulateur de questionnement profitable à cette journée d’étude. C’est aussi le cas d’un certain nombre d’ouvrages et articles que nous mettrons ici à titre indicatif, généralement comme des exemples de méthodologie dont on pourrait d’une manière ou d’une autre s’inspirer afin de rendre fructueuse cette journée d’étude.

- L. Alibert, Le Roman de Jaufré et les Narty Kaddžytæ. Modalités du merveilleux et structures indo-européennes, Honoré Champion, Paris, 2015. 

- L. Alibert, « Des épées et des âmes : les stratégies pour transcender les contradictions idéologiques dans les poèmes rolandiens occitans » (à paraître dans les Actes du XIIè Congrès de l'AIEO).

- Jean Arrouye editor : Jean -François Bladé (1827-1900). Actes du colloque de Lectoure, Béziers, CIDO, 1985

- Jean-Claude Bouvier (ed.) : Tradition orale et identité culturelle. Problèmes et méthodes, Paris, CNRS, 1980

- Josianne Bru : « Le repérage et la typologie des contes populaires. Pourquoi ? Comment ? », Bulletin de liaison des adhérents de l’AFAS [Association française d’archives sonores] n° 14, 1999

- Francis Dubost, Aspects fantastiques de la littérature narrative médiévale, Editions Slatkine 1991.


- Georges Dumézil, Mythe et épopée, Paris, Gallimard, 1968

- Georges Dumézil, Du Mythe au roman, Presses Universitaires de France, coll. Hier, 1970, réed., coll. Quadrige, 1997. 

- Julien d’Huy et Jean-LoÏc Le Quellec,« Comment reconstruire la préhistoire des mythes ? Applications d’outils phylogénétiques à une tradition orale », in Apparenter la pensée, vers une phylogénie des concepts savants, p. 145-185, Editions matériologiques, Sciences et philosophie, 2014

- Mircea Eliade, Images et symboles. Essais sur le symbolisme magico-religieux, Paris, Gallimard, « Les Essais », 1952 ; rééd. avec une nouvelle préface, « Tel », 1979

- Daniel Fabre et Jacques Lacroix : La Tradition orale du conte occitan : les Pyrénées audoises, Paris, Presses universitaires de France 2 vol., 1973-1974

- Pierre Gallais, L’imaginaire d’un romancier de la fin du XIIe siècle. Description raisonnée, comparée, et commentée de la Continuation-Gauvain(Première suite du Conte du Graal de Chrétien de Troyes), Amsterdam, Rodopi, 1989 (thèse d’État). 

-  J. H., Grisward,  L’archéologie de l’épopée médiévale, Payot, 1981, pp. 289-328. 

- J. H., Grisward,  « Le motif de l’épée jetée au lac : la mort d’Artur et la mort de Batradz », in Romania, 90 (1969), p. 289-340 et 473-514. 

- Eleazar Meletinski, Proiskhozhdenie geroicheskogo éposa. Rannie formy i arkhaicheskie pamiatniki ("The origins of the heroic epic: early forms and archaic monuments"). Moscow, IVL, 1964.

- Poetika mifa, Moscou, NAUKA, 1976 (The Poetics of Myth (translated by Guy Lanoue and Alexandre Sadetsky), Routledge, 2000).

- Vladimir Propp, Morphologie du conte, Paris, le Seuil, 1970 

- Xavier Ravier, Le Récit mythologique en Haute-Bigorre, Ais de Provença, Édisud ; Paris, CNRS, 1986

- Claire Torreilles et Marie-Jeann Verny editors : Contes e cants. Les recueils de littérature orale en pays d'oc, XIXe et XXe siècles, Montpellier, CEO-Gat Negre, 2004

- Michel Zink et Xavier Ravier (eds) : Réception et identification du conte depuis le Moyen Âge, Tolosa, Université de Toulouse-Le Mirail, 1987.