Questions de société
Les profs ont-ils le droit de désobéir ? M. Piquemal (Libération 08/07/09)

Les profs ont-ils le droit de désobéir ? M. Piquemal (Libération 08/07/09)

Publié le par Bérenger Boulay

Les profs ont-ils le droit de désobéir ? - Marie Piquemal, Libération, 8 juillet 2009

http://www.liberation.fr/societe/0101578643-les-profs-ont-ils-le-droit-de-desobeir 

INTERVIEW. En « résistance pédagogique », plusieurs enseignants passenten conseil de discipline pour leur refus d'appliquer les réformesDarcos. Que risquent-ils ? Antony Taillefait, spécialiste du droit dela Fonction publique, apporte son expertise.

Cette semaine, deux professeurs des écoles passent enconseil de discipline parce qu'ils refusent d'appliquer certainesréformes Darcos qu'ils jugent nuisibles pour les élèves.

Que risquent ces fonctionnaires « désobéisseurs » ? Queprévoit la loi ? L'agent public est-il plus protégé qu'un salarié duprivé ? Les réponses d'Antony Taillefait, doyen de la faculté de droitde l'université d'Angers et auteur du précis Droit de la fonctionpublique (Dalloz).

Un fonctionnaire a t-il le droit de désobéir ?

La loi du 13 juillet 1983 est très claire : « Tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l'exécution des tâches qui lui sont confiées »(article 28). Il n'appartient pas à un agent public de discuter lesordres. Il n'a pas le droit de désobéir, sauf dans trois hypothèsesprévues par la loi.

« Dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public. »En pratique, il est rare que ces deux conditions soient réunies. Oncompte une petite vingtaine de cas depuis 1945, pas plus. L'exemplecaricatural : le principal du collège qui demande à son conseillerd'éducation de frapper un élève.

Le fonctionnaire peut aussi faire usage de son « droit de retrait » quand il encourt un « danger grave et imminent pour sa vie ou pour sa santé ».Là aussi, la jurisprudence est stricte. Les profs de Jussieu ont puexercer leur droit de retrait à cause de l'amiante. En revanche, lejuge a refusé le droit de retrait à un prof qui refusait de faire coursaprès l'agression d'un de ces collègues.

 Enfin, le fonctionnaire est autorisé à désobéir en casde harcèlement moral… à condition d'en apporter la preuve, ce qui estloin d'être simple.

En l'espèce, que risquent ces profs en « résistance pédagogique » contre des réformes jugées « absurdes » et contraire à l'intérêt de l'enfant ?

Sur le plan juridique, c'est un refus d'obéissancecaractérisé. Ces professeurs s'exposent donc à des sanctions sévèrespouvant aller jusqu'à la révocation.

Mais seul l'inspecteur d'académie a le pouvoird'engager des poursuites disciplinaires. Il a un pouvoirdiscrétionnaire en la matière, et peut par exemple estimer quesanctionner un prof est de nature à déstabiliser le corps professoral.Certains enseignants échappent ainsi à des sanctions…

Existe-t-il des précédents où des profs sont sanctionnés pour refus d'obéir ?

Oui, plein. Il faut le savoir, la désobéissance est leprincipal motif de sanction des fonctionnaires. En refusant d'appliquerla loi, les enseignants risquent gros. J'ai plusieurs exemples en tête,comme ce prof qui faisait cours sur la pelouse en guise de protestationet qui a été condamné à six mois de suspension du droit d'exercer etsix mois avec sursis.

Le prof sanctionné a t-il un droit de recours ?

Oui. La procédure est très encadrée. L'inspecteurd'académie engage les poursuites en saisissant le conseil dediscipline, composé à parité de représentants de l'administration etdes organisations syndicales.

La procédure est très codifiée, le conseil fonctionneun peu comme un tribunal avec des règles strictes. Le conseil entendtour à tour le professeur visé et son avocat. Puis, émet un avis desanction. L'inspecteur d'académie conserve son pouvoir d'appréciation,c'est lui qui prononce la sanction. S'il ne suit pas l'avis du conseilde discipline, il doit le justifier.

Un fonctionnaire qui désobéit est-il plus protégé qu'un salarié dans une entreprise ?

Non, juridiquement, l'agent et le salarié sont dans lamême situation même si on ne peut pas vraiment comparer. Les intérêtsen jeu ne sont pas du tout les mêmes. D'un côté, l'employeur raisonneen fonction des intérêts de son entreprise. Si un salarié ne fait passon travail, l'impact sur la productivité est immédiat, la sanctionaussi. Dans la fonction publique, c'est l'intérêt général qui est enjeu. En clair, un inspecteur d'académie ne peut pas fermer une écolecomme un entrepreneur met la clef sous la porte…

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Sur le site de SLU:

Enseignants "désobéisseurs", l'actualité (8 juillet 2009)

Erwan Redon

Recul de l'administration et annulation pour vice de forme de la réunion de la CAPD (source : comité de soutien à Erwan Redon)

Marseille, mardi 7 juillet

Au long de trois heures de réunion, et non sansincidents (l'entrée a été refusée à deux témoins convoqués par Erwan),la défense a soulevé plusieurs motifs de nullité, dont un avec succès :l'administration prétendait avoir commis une erreur dans la rédactionde la convocation, et prétendait remplacer au dernier moment« insuffisance professionnelle » par « faute professionnelle ». Laréunion de la commission a donc été annulée.Il est toutefois possible qu'Erwan soit reconvoqué, à la rentrée, cettefois pour « faute professionnelle ». Tout aussi inadmissible dans sonprincipe, cette dernière qualification peut néanmoins déboucher sur unegamme de sanctions et non sur le seul licenciement. Il y a donc reculde l'administration et un premier succès pour Erwan et ses soutiens,dont on espère qu'il sera confirmé dans les dossiers des autresenseignants inquiétés.


Alain Refalo

Rassemblement le 9 juillet à 14h devant l'IA de Toulouse.

Alain Refalo est convoqué devant une CAPD le 9 juilletà 15 heures Il lui est repproché un refus d'obéissance, un manquementau devoir de réserve, une incitation à la désobéissance collective etune attaque publique contre un fonctionnaire de l'Éducation Nationale.

Pétition en ligne : http://31.snuipp.fr/