Questions de société

"Les petites universités recalées du plan campus adoptent des stratégies de survie" (Le Monde, 14/11/8).

Publié le par Marc Escola


Source : Le Monde 14 11 2008

Les petites universités recalées du plan campus adoptent des
stratégies de survie


Ces universités vont devoir compter sur les collectivités locales et
se spécialiser. Valérie Pécresse a annoncé 400 millions d'euros de
plus pour 11 établissements



"Elles partagent la déception de ne pas faire partie des élues de l'"
opération campus ", qui va créer dix pôles d'excellence universitaires
dotés d'un financement de 5 milliards d'euros. A côté de quelques
parisiennes, les universités perdantes sont souvent des établissements
plus modestes de province : ils craignent de péricliter. Valérie
Pécresse a annoncé, mercredi 12 novembre, dans Les Echos, que onze
d'entre elles recevraient 400 millions d'euros sur trois ans.


Mais les " perdantes " ont adopté leurs propres stratégies de survie.
Avec ses 10 000 étudiants, l'université de Perpignan Via Dominia est
un petit Poucet dans le paysage universitaire. L'argent du plan campus
n'aurait pas été de trop pour rénover un parc immobilier vétuste. "
J'ai 3 500 m2 de bâtiments préfabriqués construits dans les années
1960 à raser et à reconstruire, et 7 000 m2 à restructurer ", explique
Jean Benkhelil, président de l'université.

Pour autant, Perpignan n'a pas postulé au plan campus. " Dès le
départ, nous avons compris que le projet ministériel s'adressait aux
grandes universités métropolitaines ", confie M. Benkhelil. Pour
trouver les 100 millions nécessaires à sa réhabilitation, le campus
compte sur des financements plus classiques, provenant des
collectivités. " L'Etat nous a fait comprendre que son aide ne pouvait
arriver qu'en complément ", ajoute M. Benkhelil.

L'" opération campus " a provoqué un électrochoc pour ces universités,
qui vont devoir revoir leur positionnement. " Nous pensons que nous
avons notre place à côté des universités de Montpellier, à condition
de cultiver nos points forts ", conclut le président de Perpignan.
L'établissement veut recentrer son offre de formation et sa recherche
autour de spécialités comme l'énergie solaire et l'environnement
marin. Elle espère aussi profiter de son appartenance au réseau Vives,
une association de vingt établissements universitaires de la
Catalogne, des îles Baléares, d'Andorre et du sud de la France.

Coincée entre Lille et Paris, l'université de Picardie Jules-Verne,
établissement de taille moyenne, est, elle aussi, en pleine réflexion.
Pour son président, Georges Faure, elle est " d'utilité publique, car
elle permet à des étudiants picards de condition modeste de poursuivre
des études supérieures ".

Outre le campus principal, situé à Amiens, l'université a ainsi des
antennes à Beauvais, Creil, Saint-Quentin, Soissons et Laon. Mais,
pour tirer son épingle du jeu, elle fait des appels du pied à ses
voisins, notamment l'université de Reims, et les IUT de Compiègne ou
de Troyes. " Nous avons des similitudes avec l'université de Reims,
et, déjà, des formations en commun. Notre survie passe par la
complémentarité. Nous ne pourrons plus nous permettre d'avoir des
formations à effectif faible, en double ", poursuit M. Faure.


BOUCLER LE BUDGET


En lettres classiques, par exemple, une trentaine d'étudiants
seulement font du grec à Amiens. A Reims, ils sont une cinquantaine.
L'université réfléchit à répartir les étudiants en licence dans une
université, et ceux en master dans l'autre.

Malgré tous leurs projets, ces pôles de second rang savent que leur
avenir sera difficile. " Notre situation immobilière nous plombe,
analyse le président de Perpignan. Sur un budget de 18 millions
d'euros hors personnel, la moitié part en dépenses de fonctionnement.
" Résultat : des aménagements sont en plan et, chaque année,
l'université a du mal à boucler son budget. " L'opération campus était
une occasion de restructurer nos implantations pour pouvoir bâtir un
campus des sciences en centre-ville, explique Georges Faure, à Amiens.
Nous avions besoin de 80 millions d'euros, il va falloir les trouver
par un autre moyen. Les collectivités locales nous soutiennent déjà
beaucoup, je ne sais pas si elles pourront nous financer davantage. "

Arrivées onzièmes alors qu'il n'y avait que dix places, les
universités lilloises (Lille-1, Lille-2, Lille-3) ont elles aussi vu
les milliards du plan campus s'envoler. Leur dossier s'était vu
toutefois attribuer la mention " campus prometteur ", qui méritait
selon Mme Pécresse, un soutien de l'Etat.

Depuis des semaines, les trois présidents et le représentant de la
région Nord-Pas-de-Calais se mobilisaient pour faire valoir cette
distinction. Des parlementaires de droite et de gauche ont été reçus
par la ministre. Ils ont présenté un nouveau projet. La région
Nord-Pas-de-Calais s'est dite prête à le financer à hauteur d'1 euro
pour 1 euro mis par l'Etat. A ces conditions, la mobilisation a payé."

Catherine Rollot