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Appels à contributions
Les occasions perdues

Les occasions perdues

Publié le par Bérenger Boulay (Source : Louis Jacob)

APPEL À CONTRIBUTION

« Les occasions perdues : intelligibilité de l'histoire et situation critique »
Cahiers de recherche sociologique, no 44, automne 2007


Le numéro spécial des Cahiers de recherche sociologique dont la parution est prévue en septembre 2007, portera sur « les occasions perdues ».

Le numéro est organisé autour d'un thème unique, un objet transversal : « les occasions perdues ». Inscrit dans le renouveau de l'épistémologie et de la réflexion critique, il entend explorer le phénomène discursif particulier de l'« occasion perdue » à travers ses manifestations singulières, ses modalités et ses structures essentielles, repérables tant dans le récit savant que dans les pratiques quotidiennes. Le numéro comportera des études provenant des diverses perspectives théoriques et de toutes disciplines, mais plus particulièrement de la philosophie de l'histoire, de l'épistémologie, de la phénoménologie, de l'herméneutique, de l'analyse du discours, des études littéraires, des études culturelles, de l'histoire sociale et politique ; nous souhaitons aussi donner à l'ensemble du numéro un fort ancrage dans les études de cas et les analyses concrètes.

Le thème suppose que les figures du discours et les constructions imaginaires sont au fondement même de l'intelligibilité du monde social et historique. Ces figures sont conçues comme des schèmes interprétatifs, par lesquels le temps historique est constitué, organisé, valorisé. Quelques mots pour situer le contexte de cette réflexion, balisé notamment depuis la fin des années 1970 par les discussions sur la narrativité ou la rhétorique de l'histoire, mais auquel il ne se restreint pas. Relativement complexe, il peut se résumer brièvement aux grands axes suivants : les tentatives d'inspiration pragmatique et analytique cherchant à articuler le récit historique, l'explication causale et les modèles comparatifs ; l'identification des paradigmes formels, la rhétorique, la logique argumentative et les opérations du raisonnement socio-historique ; l'exploration des dimensions narratives particulières du soi, ou de la personne, dans la société contemporaine ; l'analyse et l'interprétation de la mémoire culturelle, des imaginaires sociaux, ou des constructions symboliques qui concourent à la dynamique identitaire des groupes et à la construction de la réalité sociale ; enfin, la redécouverte de penseurs marginaux, méconnus ou inclassables qui viennent relancer la discussion sur les philosophies de l'histoire et la narrativité. Dans l'aire francophone, les cas de Siegfried Kracauer et de Bernard Groethuysen sont exemplaires à cet égard. Comment rendre compte de l'aléatoire, de la contingence ? Comment articuler une série ou une suite d'événements, et qu'est-ce qui définit un moment significatif dans cette série ? Dans quelle mesure une action singulière anticipe-t-elle un passage, une transition entre deux états ? Comment envisager formellement une alternative dans une situation critique ? Quel sont les rapports formels et/ou pratiques qu'entretiennent les discours narratifs scientifiques avec les autres types de récit et avec les constructions imaginaires sociales ?

L'usage de ce schème interprétatif de l'« occasion perdue » concerne donc l'intelligibilité même de l'histoire, notre façon de la comprendre et de l'expliquer. Le thème appelle deux types de considérations que nous souhaitons développer. D'une part, une réflexion sur les institutions, les ressources culturelles et les procédés qui organisent la mémoire historique. En effet, tant sur le plan de la constitution du moi que sur celui des constructions savantes, en passant par l'ensemble des manifestations du discours social, le passé est l'objet d'un jeu de significations cherchant à tracer un destin, réel ou imaginaire. L'événement (ou le non-événement) qui peut se présenter par exemple comme un « rendez-vous manqué », sous le signe de la perte, de l'oubli, de la disparition, du trauma, est invoqué pour donner sens au présent et définir l'horizon de l'action. L'« occasion perdue » est conçue alors comme un schème interprétatif qui occulte autant qu'il donne forme au passé. D'autre part, la considération de ces constructions imaginaires à l'oeuvre dans notre conscience du temps sociohistorique permet, de façon plus positive, une ouverture sur une histoire qui peut toujours être autrement qu'elle n'est ; une histoire non advenue mais potentielle. Sous la figure de l'occasion perdue, les événements ou les situations ne se présentent plus seulement sous le signe de la perte ou du manque, mais sous le signe de l'optatif, de l'étonnement et de la dissémination. Le schème interprétatif travaille moins à fixer les traits de ce qui est advenu, qu'à ouvrir les voies d'une histoire autre, une histoire méconnue ou non saturée, qui laisse place à la faculté de penser, de juger et d'agir. L'occasion perdue devient alors le mobile d'une libération, ou plus modestement, d'une relance de la réflexion critique, qui pose un regard neuf sur des aspects de la réalité échappant aux représentations instituées.

La date ultime de remise pour l'article de 5 000 à 6 000 mots est le 27 mars 2007, pour publication en septembre 2007. Sur demande, nous vous ferons parvenir les normes de présentation des Cahiers.

Pour tout renseignement complémentaire, veuillez communiquer avec le directeur du numéro, Louis Jacob.





Louis Jacob
Professeur
Département de sociologie
jacob.louis@uqam.ca

Cahiers de recherche sociologique
http://www.crs.uqam.ca/