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Les mots du politique (1815-1848)

Les mots du politique (1815-1848)

Publié le par Laure Depretto (Source : Aude Déruelle)

Les mots du politique (1815-1848)

Colloque

Université d’Orléans

novembre 2017

 

La volonté d’invention d’un monde neuf, cette « radicalité fondatrice »[1] portée par la Révolution française, a eu[U21]  sa traduction frappante et manifeste dans le surgissement d’une langue politique nouvelle. Notions fondamentales de l’univers de pensée démocratique (liberté, constitution, nation, patriote, souveraineté du peuple ou citoyen), mais aussi termes plus éphémères et contextuels, tel « s’endécader », constituèrent alors autant une révolution des pratiques qu’une révolution sémantique : Mercier, dans son ouvrage fondateur Néologie ou vocabulaire des mots nouveaux (1801), enregistre ces innovations de la langue et ces mutations du discours, tout en s’intéressant à de nouveaux vocables plus politiques tels que agitateur, caricaturer, chants patriotiques, liberticide, républicide, républicaniser. La langue révolutionnaire, consignée par les contemporains, que ce soit pour la nourrir, l’acclamer ou la vilipender – « rappelons-nous qu’à commencer par le mot révolution, ils [les révolutionnaires] ôtèrent à tous les mots de la langue française leur véritable sens » dénonce Laharpe dès 1797 – a également été l’objet de travaux féconds, venus des champs de la lexicographie, de la lexicologie[2] et de l’analyse de discours. En regard, et étonnamment, la langue politique du premier XIXe siècle, marquée par la redéfinition polémique du vocabulaire ou sa persistance offensive, a, quant à elle, été singulièrement négligée. C’est sur ce constat que s’est construit notre projet de colloque.

De fait, après le verrouillage du débat sous l’Empire, la Restauration et la monarchie de Juillet s’offrent, à l’ombre d’un parlementarisme contrasté, comme le temps d’une grande querelle de mots. Par le retour combatif de notions révolutionnaires, le rétablissement traditionnaliste de vocables d’ancien régime ou la proscription par le pouvoir de termes dans l’espace public, la langue politique s’impose assurément comme une arme de la polémique dont on use dans la lutte entre les partis et les opinions. En 1820, Le Drapeau blanc dénonce « l’argot des nouveaux jacobins », La Gazette de France consacre une réflexion au « jargon révolutionnaire » en appelant à rejeter « le langage forgé par les corrupteurs du peuple » et en rêvant le retour à un état pré-révolutionnaire de la langue. « Pointus », « Patriote », « National », « Charte », « Libéral », autant de mots qui, tour à tour et selon les camps, sont insultes ou étiquettes revendiquées, programme assumé ou repoussoir idéologique.

Mais ces mots sont également les foyers d’une intense réflexion politique, imposée à tous les courants par l’expérience révolutionnaire : redéfinitions de l’idée de légitimité, représentations de la nation, conceptions du parlementarisme, de la notion de démocratie ou de la liberté, en forment les grands contours. Le langage est proprement un enjeu au creuset duquel s’élaborent et se testent de nouveaux concepts, se refondent ou se maintiennent des notions plus anciennes, et ce dans l’apprentissage de la vie publique et de la citoyenneté. Aussi n’est-ce pas étonnant que cette période soit également celle d’une profonde inventivité lexicale (libéralisme, socialisme, ou l’usage politique du mot classe), marquant un moment important dans l’émergence du vocabulaire socio-politique contemporain.

Ce sont ces diverses dimensions des mots du politique, tant discursives que conceptuelles, que la journée d’études a pour vocation de mettre en lumière, en croisant les savoirs et les disciplines (linguistiques, historiques, littéraires, philosophiques…). On sera attentif aux cadres scénographiques des discours produits et reproduits (ainsi de la législation qui, selon les moments, contraint ou libère le choix des mots), en cherchant à mettre en évidence des réseaux lexicaux et sémantiques propres aux différentes familles politiques, en étant sensible tant à la polysémie des termes qu’à la polyphonie de leur usage. On pourra réinterroger la rupture de 1830 en se demandant si elle reconfigure le champ du langage politique ; d’autres fractures apparaissent en effet sous la monarchie de Juillet, avec, à partir de 1840, l’émergence et la diffusion des pensées socialistes. Au sein de la période envisagée, le corpus est destiné à être aussi large que possible, afin de traquer les lieux d’énonciation et les circulations possibles de ce langage politique en tension : journaux et revues, discours et brochures, écrits littéraires, historiques et philosophiques, sans oublier les dictionnaires. Une attention particulière sera portée aux organes de la presse qui se pensent comme de vrais laboratoires de la pensée politique, ce qui permettra également d’aborder à nouveau frais les théories du monde social des années 1820-1840, en particulier les différents volets de la pensée saint-simonienne.

 

 

Les propositions de communication (500 signes) sont à envoyer avant le 10 décembre 2016 à Aude Déruelle (aude.deruelle@univ-orleans.fr) et à Corinne Legoy (corinne.legoy@univ-orleans.fr).

 

 

Comité d’organisation : Aude Déruelle et Corinne Legoy

Comité scientifique : Aude Déruelle, Corinne Legoy, Marie-France Piguet.

 

 

 

 

 

 

 

[1] Jacques Guilhaumou, L’avènement des porte-parole de la République (1789-1792). Essai de synthèse sur les langages de la Révolution française, Presses du Septentrion, 1998.

[2] Alain Rey, « Révolution ». Histoire d’un mot, Gallimard, 1989.

 [U21]