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Les monologues : Du je au logos

Les monologues : Du je au logos

Publié le par Pierre-Louis Fort (Source : Stéphanie Smadja)

Séminaire pluridisciplinaire du Cerilac et de l'Institut des Humanités de Paris.

« Les monologues : Du je au logos »

Programme de l'année 2010-2011 (17H-19H, Salle Pierre Albouy, Bât des Grands Moulins, 6eétage) 

  • Vendredi 12 novembre : Introduction par NathaliePiégay-Gros, Directrice du Cerilac, Professeur à l'Université DenisDiderot-Paris 7. StéphanieSmadja, Maître de conférences à l'Université Denis Diderot-Paris 7, « Lesmonologues en littérature : une notion plurielle ».
  • Vendredi 4 février : « Le monologue dethéâtre », présentations de Florence Dupont, Professeur à l'UniversitéDenis Diderot-Paris 7 et de FrançoiseDubor, Maître de conférences à l'Université de Poitiers.
  • Vendredi 18 mars : Aliyah Morgenstern, Professeurà l'Université de Paris 3, « Acquisition du langage et monologue ».
  • Vendredi 29 avril : le contenu de la séancesera précisé ultérieurement.

Argumentaire

Qu'est-cequ'un « monologue » ? Quelles sont les conditions nécessairespour qu'un monologue surgisse ? Du monologue de théâtre au monologue des« fous », en passant par le monologue intérieur, le monologue desmarginaux, le monologue des enfants, la psychanalyse même comme forme demonologue, existe-t-il des critères de définition communs ou ces formesdivergent-elles radicalement ? Comment peut-on les décrire, en tant queconfiguration langagière et manifestation d'une subjectivité à l'oeuvre ?Les questions suscitées par les monologues sont multiples. N'ayant jamais étéenvisagé de façon transversale, le monologue interroge l'homme dans son rapportà soi, au langage et aux autres. Par exemple, dans le domaine littéraire, leterme « monologue » a été utilisé pour désigner le monologue dethéâtre et le monologue intérieur. La première caractéristique de ce doubleemploi d'un même terme est suggérée par la nécessité d'adjoindre descaractérisants. A partir du moment où les deux formes ont coexisté sur la scènelittéraire (soit depuis les années 1920), on ne peut plus parler de« monologue ». Il faut ajouter une précision à travers un complémentdu nom « de théâtre » ou un adjectif « intérieur ». Eneffet, du monologue au théâtre au monologue intérieur, la différence est netteet a suscité de nombreux débats dès les années 1920. Le premier point que l'onpuisse souligner est la divergence entre les deux formes. Cependant, au-delà decette divergence, on retrouve des enjeux communs : le monologue est en réalité(toujours) une forme dialogique où le je se confronte à lui-même et aux autres,dans une polyphonie vécue parfois comme plus ou moins aliénante.

Uneperspective pluridisciplinaire (le sujet n'a jamais été abordé sous cet angle) permettraità la fois de mieux saisir la spécificité de chacun des monologues et de lespenser les uns par rapport aux autres, au travers une circulation féconde dessavoirs et des outils conceptuels. Par exemple, les réflexions consacrées par AnneUbersfeld au monologue de théâtre pourraient être en partie élargies à biend'autres formes de monologues. Ainsi, esquisse-t-elle quelques analyses dansson étude sur le dialogue de théâtre[1].Le titre général fait apparaître le terme au pluriel « monologues »et le premier point qu'elle aborde donne le ton clairement (p. 21) :

Lesnon-dialogues – monologues et soliloques – sont naturellement et mêmedoublement dialogiques : d'abord parce qu'ils supposent, du fait qu'ilssont théâtre, un allocutaire présent et muet, le spectateur ; dialoguesensuite, parce qu'ils comportent presque nécessairement une division interne etla présence, à l'intérieur du discours attribué à tel locuteur, d'unénonciateur « autre ».

A. Ubersfeld met bien l'accentsur une forme de communication qui emprunte des modalités spécifiques mais quine se résume pas à un rapport du « je » à lui-même. La conscienceindividuelle s'explique et s'expose au regard d'autrui. Le « je », sedissociant, s'adresse à lui-même mais aussi à un autre. Ou pour le dire autrement,le « je » s'adresse à des autres, qui sont et qui ne sont pas lui. A.Ubersefeld poursuit un peu plus loin :

De là le caractère pathétique du monologue,puisqu'il est l'aveu d'une solitude – surtout sous sa forme soliloque −, etqu'il est perçu par le spectateur comme un appel. A qui ? A lui, déjà,spectateur… On voit combien est superficielle l'idée que le monologue est unartifice. D'une façon très générale, il est toujours de mauvaise méthoded'attribuer à un artifice, c'est-à-dire à une « utilité », à une« commodité », ce qui dans l'écriture théâtrale, comme dans touteécriture, est le fruit de la nécessité créatrice et porte sens. Le héros ne« monologue » pas parce qu'il n'a personne à qui il puisse parler,mais parce qu'il est seul pour dire sa solitude, son dilemme, et sa recherchepathétique d'une solution.

A partir d'une forme qui, commele rappelle A. Ubersfeld, est estimée comme artificielle, pour des motifscontestables, on voit très bien quelle analogie on pourrait effectuer avecd'autres monologues : le monologue des « fous », le monologuedes personnes âgées, des marginaux comme les SDF. Le monologue peut-il êtrepensé comme un dialogue biaisé, qui est l'aveu fondamental (et parfoisdéchirant) d'une solitude ? De ce point de vue, le monologue seraitrévélateur de ressorts psychiques fondamentaux mais aussi, plus généralement,de la condition humaine. Le monologue représente une constante dans les formesque prenne le discours humain, parce que l'homme est cet être enraciné dans sapropre finitude, qui naît et meurt seul.

Ainsi,ce projet sur les monologues suppose une réflexion non seulement surl'identité, la subjectivité mais également (et fondamentalement) sur le langageet la communication. Les perspectives en sont, au moins, doubles. D'une part, lemonologue permet d'interroger la définition de l'humanité. Que dit le monologuede notre humanité ? L'être qui monologue échappe-t-il à une formed'humanité ou une certaine définition de l'humanité, ou au contraire serévèle-t-il davantage dans son humanité profonde ? D'autre part, l'une desorientations majeures consistera à comparer diverses formes de monologues, cequi nous amène notamment à repenser les frontières de l'humain, ou plutôt lesétats estimés comme des états frontières, comme la folie ou la marginalité.Fou, mourants, malades, marginaux, criminels : autant de catégories àrepenser selon une logique qui ne sera résolument pas manichéiste, mais aucontraire souple, adaptée à la mouvance du vivant. Le fou, par exemple, ne sesitue pas de l'autre côté d'une frontière de l'humain, il participe del'humain. Poser la question des monologues pourrait amener à repenser notrereprésentation de l'humain, notre façon d'intégrer (ou plutôt de ne pasintégrer) ces « autres », notre gestion de la souffrance, la mort, lamaladie, la marginalité dans une société qui tend à peut-être refuserfondamentalement la différence, donc en définitive, l'humain. Repenser notrehumanité, repenser notre société, en articulant les deux notions : telpourrait être l'un de nos horizons.

Dece point de vue, ce séminaire participe pleinement d'un « laboratoire deshumanités ». Il ouvre un espace de rencontre et de réflexion pluridisciplinaires, susceptibles de donner lieu àdes expérimentations et des innovations (à inventer ensemble), bien au-delà desseules sciences humaines, dans une ouverture érigée volontairement au rang deprincipe méthodologique.

 Descriptif de la premièreséance 

L'exemple du monologue intérieurfait apparaître également l'importance de mener une recherche et une réflexionpluridisciplinaire, afin de bien saisir les enjeux inhérents à la question dumonologue. Le premier monologue intérieur paraît en France, en 1887 (Les Lauriers sont coupés de Dujardin)mais il demeure largement méconnu jusqu'à sa redécouverte par Joyce qui le liten 1901-1903. On peut dire que le monologue intérieur n'émerge véritablement entant que tel qu'en 1922, après la parution d'Ulysses.Lorsque Valery Larbaud s'étonne de ce décalage chronologique, il s'interrogeprincipalement sur les raisons littéraires et esthétiques. A celles-ci nouspourrions ajouter l'évolution dans la représentation de l'individu, de la viepsychique et de l'endophasie. L'histoire même du terme endophasie est révélatricede l'importance de penser le monologue au croisement entre plusieursdisciplines. Le terme « endophasie » est d'abord utilisé enpsychologie pour désigner une « formulation verbale interne de la penséenon exprimée, avec représentation mentale de sa propre voix. »L'endophasie fait son apparition en linguistique dans la dernière décennie du xxe siècle, pour désigner lediscours intérieur. Voici l'exemple typique du genre d'outils d'analyse, deconcepts, de notions, qui, circulant d'un domaine à l'autre, permettentd'enrichir l'appréhension et la compréhension du réel et de ses représentations :un des objectifs de ce séminaire.

Pour venir 

Métroligne 14, arrêt Bibliothèque ou RER C arrêt « Bibliothèque François Mitterrand ».

Deuxentrées possibles : 5 rue Thomas Mann ou 16 rue Marguerite Duras.

Sivous êtes entré par le 16 rue Marguerite Duras, ne changez pas de bâtiment etmontez au 6e étage en suivant les pancartes.

Si vous êtes entré parle 5 rue Thomas Mann, cherchez le bâtiment des Grands Moulins puis montez au 6eétage.

Plandisponible sur le site de l'Université Denis Diderot-Paris 7

Despropositions d'intervention pour l'anprochain peuvent être adressées à Stéphanie Smadja (Maître de conférences, UFR LAC,Université Paris 7, Stylisticienne, linguiste)


[1] Anne Ubersfeld, Lire le théâtre III. Le dialogue au théâtre,Paris, Belin, Lettres sup, 1996, p. 21-26.